Best Coast
California Nights
Produit par Wally Gagel
1- Feeling Ok / 2- Fine Without You / 3- Heaven Sent / 4- In My Eyes / 5- So Unaware / 6- When Will I Change / 7- Jealousy / 8- California Nights / 9- Fading Fast / 10- Run Through My Head / 11- Sleep Won't Ever Come / 12- Wasted Time
On avait laissé Bethany Cosentino il y a trois ans avec un The Only Place qui semblait tourner en rond, ressassant une recette surf pop + lo-fi sans lui apporter de plus value après le mignon Crazy For You. La surprise, à l’écoute de ce California Nights bodybuildé, tartiné de crème solaire, coiffé de ses Ray Ban et arborant son bikini le plus aguicheur, n’en est que plus troublante. Best Coast serait donc en passe de se muer en machine à tubes imparables et à nous faire oublier Avril Lavigne, Green Day et Weezer tout à la foi ? On ne serait pas loin de le croire.
On ne signe jamais sur une major par hasard, et clairement, la pétulante californienne semble plus que jamais prête à s’exposer pour aller briguer le succès. Toujours flanquée de son fidèle Bobb Bruno, véritable backing band à lui tout seul, Cosentino s’appuie sur la production coup de poing de Wally Gagel pour populariser sa musique post-asolescente, aussi romantique que fleur bleue. Ne vous attendez pas à vous gargariser d’une écriture irrésistible car les textes n’ont jamais été le fort de la demoiselle. Au hasard sur “Fading Fast” : “This love will be the death of me / You’ll always be a part of me / In dreams I see you wanna cry / I wish that I could realize”. Ouaich… En revanche, elle n’a pas son pareil dès lors qu’il s’agit de trouver l’air qui tue ou le riff qui fait mouche, et dans le cas qui nous occupe, la puissance des guitares semble démultipliée par rapport aux deux précédents opus. En ce sens, California Nights semble désormais suivre quasiment à la lettre le petit bréviaire de la power pop. Le featuring de Bethany sur le savoureux “Go Away”, issu du non moins savoureux Everything Will Be Alright In The End de Weezer lui aurait-il donné des idées ? Même si la résidente de LA n’a jamais caché son admiration pour Rivers Cuomo, on sent plus que jamais l’impact de la dualité weezerienne sur sa musique, guitares au taquet (mais gardant tout de même, fort heureusement, une pointe de réverb’) vs chant qui bronze au soleil en sirotant un mojito sur un transat.
“Feeling OK” a d’emblée tout compris. Le son est volontaire, le propos confiant, l’assurance indiscutable. “Today I know I feel OK / Baby look at me with these eyes of grey”. L’intention est toujours aussi candide, mais désormais le traitement sonore sait se faire robuste, et ça, ça change tout. Bethany Cosentino assène ses chansons bubblegum comme des évidences, forte d’un coup de poignet ferme sur ses cordes, laissant vaillamment éclater son si cute accent de la west coast au fil de ses ritournelles. On n’est certainement pas chez Hole, comme on a pu le lire par ailleurs sur le web, même si sur la forme on s’en rapproche un peu. Pas de plans glauques, de vie foirée ni de mal au bide : ici, les journées sont chaudes, les nuits longues, et même si on se sent parfois un peu paumé, on se dit que demain, tout ira mieux. Le reste n’est qu’affaire que de mélodie, et sur ce plan, la frontwoman sait y faire. Parfois elle excelle littéralement dans l’évidence (“In My Eyes”, “Run Through My Head”, deux brillantes réussites), et tantôt elle tutoies les sommets sur des idées lumineuses, ici des secondes voix légèrement acides (“Fine Without You”), là en adoptant les gimmicks de Green Day sur une pop punk qui décoiffe (“Heaven Sent”). Mais il y a toujours, dans cette efficacité, cette immédiateté, une sous-couche de distanciation apportée notamment par une voix qui affectionne les échos. Cosentino aime encore jouer les naïves, mais des naïves qui ont mûri, qui ont conscience de leurs travers girly (“When Will I Change”, “So Unaware”, véritables sermons administrés à l’écervelée qu’elle est). Parfois le propos se fait plus mélancolique, surtout lorsque les soirées traînent en longueur, mais là où “Sleep Won’t Ever Come” joue encore la carte de l’amour féminin brisé, “California Nights” tente une prise de hauteur tandis que la chanteuse porte un regard sur les tristes fêtards qui l’entourent… et ça fonctionne immédiatement moins bien. Il faut également reconnaître que la tonalité dream pop imprimée à ce morceau plus posé casse le rythme du disque, et c’est dommage. D’autant que Cosentino ne se montre pas toujours absolument irrésistible dans ses compositions, en témoigne quelques airs moins inspirés comme “Wasted Time” ou, dans une moindre mesure, “Fading Fast” et “Jealousy”, peut-être un peu trop sainte nitouche, justement.
Il n’empêche que Best Coast marque des points et se voit donc prêt à prendre la relève des pop punkistes en galère ces dernières années. La porte lui est donc grande ouverte, et on lui souhaite de s’y engouffrer avec toute la sincérité qui caractérise sa frontwoman, en attendant peut-être dans quelques années un album plus définitif que ce California Nights. D’ici là, on se contentera sans problème de la livrée 2015, l’une des plus belles mutations de ces temps derniers, au bas mot.