L'histoire est un éternel recommencement et celle du rock n'échappe pas à cette maxime. Pour preuve, après
Jane's Addiction et The Cult, c'est au tour des Smashing Pumpkins d'entrer en renaissance en ravivant nos souvenirs passionnés du début des années 90. Victime de l'érosion du temps et de fortes distentions, la bande à Billy Corgan semblait avoir vécu. Suite à une mise en hiatus puis une reformation avortée, le despotique leader au crane rasé avait même fini par complètement décourager son fidèle lieutenant : le stupéfiant batteur Jimmy Chamberlin. Une perte dont il a d'abord semblé ne pas pouvoir se remettre, mais c'était sans compter sur l'opiniâtreté et l'ego de Billy Corgan qui n'a décidément pu se résoudre à abandonner son bébé
.
En dernière tentative, pour tenter de faire revivre ses citrouilles complètement explosées, il s'est alors résigné à faire passer des auditions, ouvertes à tout le monde, intitulées "It could be you". Mike Byrne, 19 ans en 2009 et étudiant de première année à la Berklee College of Music à l'époque, a ainsi gagné sa place derrière les fûts. Avec Nicole Fiorentino à la basse (ex Veruca Salt) et Jeff Shroeder (guitare), déjà présent sur la tournée qui a suivi Zeitgeist, il ne restait plus qu'à espérer pour l'avenir du groupe qu'un plein accord avec Billy Corgan soit encore possible.
La nouvelle bande a rapidement annoncé que 44 morceaux, publiés un par un en ligne et en téléchargements gratuits puis dans des EP physiques en édition limitée, allaient former l'album Teargarden By Kaleidyscope, avec un concept inspiré par le Tarot. Ce pari ne pouvait être l'oeuvre que d'un génie ou d'un fou. La mégalomanie du projet et la qualité d'ensemble des 10 premiers morceaux délivrés nous ont laissé dans le flou, mais Billy Corgan s'est rapidement rendu compte de la difficulté d'exister à travers ce dessein et s'est résolu à le modifier pour en extraire un authentique album : Oceania.
Sans compter nos à priori légitimes sur la tête à claques de son leader, force est de reconnaître que ce neuvième album des Smashing Pumpkins ne peut laisser indifférent. Billy Corgan nous avait d'ailleurs prévenu : "en fait, c'est la première fois où j'arrive à m'échapper de l'ancien groupe." "Billy a définitivement trouvé le chemin du retour en capturant l'énergie des premiers albums tout en y ajoutant une touche moderne", précise Nicole Fiorentino. Le fait est que cela s'entend et se ressent d'emblée avec "Quasar", où un rock lourd et puissant combine la rage grunge entendue dans l'album Gish avec la mécanique de précision perçue dans Siamese Dream. Les distorsions et le fuzz des guitares, la ligne de plomb de la basse et l'implacable métronomie du batteur Mike Byrne emmènent cette chanson vers les confins d'une galaxie pendant que la voix de Billy semble plus relâchée et aérienne que par le passé. L'entrée en matière est grandiose et se prolonge avec "Panopticon" et "The Celestials" alors que "Violet Rays", à l'ambiance pink floydienne, est un véritable scanneur de frissons. A ce moment de l'album on sait déjà que Billy Corgan a réussi son pari en reconstituant un groupe à la hauteur de ses ambitions. Le batteur Mike Byrne, même s'il ne peut faire oublier Jimmy Chamberlin, impose une cadence digne de son illustre prédécesseur, Nicole Fiorentino n'a rien à envier à D'Arcy, au contraire, et Jeff Shroeder ajoute beaucoup de textures aux morceaux. La production est nickel en laissant à chacun une part belle et seule la suite pourrait encore nous faire déchanter.
Mais il y a de quoi satisfaire tous les fans des Smashing Pumpkins dans cet
Oceania. Quelques douceurs électroniques sont à suivre avec les choeurs de Nicole Fiorentino qui enveloppent des airs pop-folk déjà rencontrés sous
Mellon Collie and the Infinite Sadness et
Adore. "Pinwheels", entre un synthé syncopé et une guitare acoustique, nous fait voyager, et "Pale Horse", avec une mélodie entêtante, atteste que Billy Corgan a recouvré une grande partie de son savoir-faire. Ces changements d'atmosphères se matérialisent aussi avec "Oceania". Ce long morceau psyché-prog ne procure pourtant pas tous les effets escomptés alors que la fin de l'opus, avec des lignes de basse impressionnantes, redevient plus grunge et reste dans la lignée de ce que
The Smashing Pumpkins faisait il y a vingt ans.
Alors certes, Billy Corgan chante toujours le mot
"Love" plus souvent qu'à son tour, certes les riffs et les mélodies sont plus réinventés que révolutionnaires, mais la seule écoute des quatre premiers morceaux de cet
Oceania vaut le détour de s'y plonger. Même s'il n'était plus espéré, le réveil des ambitions d'un des groupes phare d'une génération nous apporte une évidence :
The Smashing Pumpkins est ressuscité.