Nada Surf
Never Not Together
Produit par Ian Laughton
1- So Much Love / 2- Come Get Me / 3- Live Learn & Forget / 4- Just Wait / 5- Something I Should Do / 6- Looking For You / 7- Crowded Star / 8- Mathilda / 9- Ride In The Unknown
On aimerait parfois aller chercher l’originalité quand on s’attaque à l’analyse d’un album, trouver des angles d’attaque singuliers, relever des points remarquables, mais certains groupes ne prêtent pas le flanc à ce genre de critique. Accusé de livrer peu ou prou le même genre de disques depuis quarante-cinq ans (allez, quarante si on fait fi de la période Bon Scott), AC/DC, par exemple, pourrait bénéficier de papiers quasi-interchangeables à chaque nouvelle arrivée dans les bacs. Et c’est finalement la même chose qui devrait s’appliquer ici avec Nada Surf. Neuvième réalisation studio en l’espace de vingt-cinq années, Never Not Together ne se démarque pas spécialement dans la production - toujours de très bonne qualité - des New-yorkais. Entendez par là que vous ne regretterez pas votre écoute... sans pour autant crier au génie.
Rien qu’à l’entame du disque, “So Much Love”, on est en terrain conquis. Guitares gentiment acides, mélodie douce-amère, refrain évident, voix toujours aussi adolescente, naïve et habitée de Matthew Caws, tout dans ce titre nous rappelle le savoir faire Nada Surf, un morceau que l’on croirait avoir déjà entendu mille fois auparavant mais qui ne cesse de faire vibrer notre cœur. Qu’importe si la fin traîne en longueur et que quelques refrains auraient pu être éludés ; qu’importe si le conclusif “Ride In The Unknown” recycle note pour note le même riff : quand c’est bon, on en redemande fatalement.
En l’état, on se voit ici bien souvent renvoyé au magnum opus du trio, Let Go, qui semble avoir servi de ressourcement aux américains (ils l’ont rejoué en intégralité sur scène lors du quinzième anniversaire du disque en 2017). En particulier “Come Get Me” qui, dans la sérénité et la solarité, rappelle l’état d’esprit mélodique de cette superbe réalisation passée (joli gimmick du synthé au passage). La tonalité de Never Not Together apparaît (un peu) plus calme que celle des deux précédents opus, les déjà fort agréables The Stars Are Indifferent To Astronomy et You Know Who You Are, avec un emploi plus généreux des claviers (comme le piano qui trouve bien sa place au milieu des cordes sur le grisant “Live Learn And Forget”). Signalons au passage que cette couleur tient sans doute au départ du guitariste Doug Gillard et à l'intégration du vieux compère Louie Lino aux synthés, lui que l'on retrouvait déjà (entre autres) à la production de Let Go et de The Weight Is A Gift.
Véritable best-of de l’identité Nada Surf, l’album recycle avec un certain bonheur - en les réorientant dans d’autres directions - certaines recettes qui ont largement fait mouche par le passé. Comme “Something I Should Do” qui renvoie à leur méga tube “Popular” avec ses textes scandés fébrilement et sa lourdeur instrumentale, et surtout un résultat bien différent, autrement moins tourmenté, autrement plus désinvolte. Mais on y trouve aussi une curiosité qui prend le nom de “Mathilda”, plus de six minutes au compteur, additionnant plusieurs parties, modulant son tempo et ses ambiances, alternant le calme et la fièvre (c’est dans ce morceau que l’on retrouve les moments de bravoure les plus mémorables à la guitare), un pari assez casse-gueule qui se voit transformé en complète réussite.
Et bien sûr, un album de Nada Surf ne serait pas complet sans ses douces ballades mélancoliques, et Never Not Together ne déroge pas à la règle. Dans le genre, la collection ici alignée se montre à la hauteur, touchante (“Just Wait”, intemporelle, une pépite) ou joliment triste (“Crowded Star”). Seul bémol de l’ensemble, l’entame de “Looking For You”, avec sa chorale d’enfants dans une église, ne se montre pas forcément loupée mais d’une part n’apporte pas grand-chose au morceau, et d’autre part dénote par rapport au reste de l’album : ici, la sauce ne passe pas tout à fait. Mais que cela ne vous empêche pas de vous ruer sur le dernier émolument de ces new-yorkais francophiles. Si vous ne connaissez pas Nada Surf, on gage qu’ils sauront vous séduire. Et si vous les connaissez… vous savez déjà que vous ne serez nullement déçu. Vraiment un très bel album.