Nada Surf
The Stars Are Indifferent To Astronomy
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1- Clear Eye Clouded Mind / 2- Waiting For Something / 3- When I Was Young / 4- Jules and Jim / 5- The Moon Is Calling / 6- Teenage Dreams / 7- Looking Through / 8- Let The Flight Do The Fighting / 9- No Snow On The Mountain / 10- The Future
S'il y avait un qualificatif qui pourrait caractériser Nada Surf, ce serait bien celui de valeur sûre. Rares sont les groupes à pouvoir se vanter de n'avoir jamais commis le moindre mauvais album, et le trio new-yorkais en fait partie à l'aise. Dans le cas précis, ça va encore plus loin car Matthew Caws et ses comparses ne se sont jamais trop posés de questions, n'ont jamais vraiment cherché à se réinventer et ont toujours plus ou moins proposé le même type d'album avec le temps, à savoir des disques de power-pop teenager cool et douce-amère qui tirent autant partie de bons riffs gentiment énervés que de développements acoustiques plus intimes. Même formule, mêmes tics d'écriture, mêmes arrangements, et pourtant ça fonctionne toujours aussi bien.
Vous n'avez donc pas forcément besoin de lire la suite de cet article : The Stars Are Indifferent To Astronomy ne déroge pas à la règle et nous propose, une fois de plus, son quota de bonnes chansons tour à tour radieuses et nostalgiques. La particularité de ce Nada Surf cru 2012 est d'être plus incisif et de ne pas comporter de balades ni de morceaux acoustiques. Un choix discutable puisque les meilleurs éléments de la discographie du trio, notamment Let Go et Lucky (un disque qu'il serait grand temps de revoir à la hausse), tiraient bénéfices de cette alternance de pop songs directes et de morceaux plus contemplatifs. Ici, pas d'entrée en catimini, "Clear Eye Clouded Mind" crée la grosse sensation de l'album et balance d'entrée de jeu des riffs racés et serrés qui surprennent tout de même un peu de la part de ces grands sensibles, tandis que "Waiting For Something" réalise un tube surfeur dans ce qu'il a de plus caractéristique. La voix de Matthew Caws reste égale à elle même, avec ce timbre aigü et fluet qui lui donne une allure d'éternel adolescent charmeur mais tristoune et qui confère aux compositions du groupe ce caractère à la fois solaire et enfermé, un caractère qui nous fait ressentir que si la vie est belle, cela n'a pas toujours été le cas, ou vice versa. Le disque est bourré d'allusions au temps perdu ("Il n'est jamais trop tard pour réaliser ses rêves d'adolescents" / "Quel était ce monde auquel je rêvait ?") et à l'incertitude face à des décisions difficiles ("Parfois je me pose les mauvaises questions, mais j'obtiens les bonnes réponses" / "On dirait que je suis toujours en train d'attendre quelque chose"). Les Nada Surf n'ont jamais brillé par la qualité de leurs textes, c'est un fait, d'ailleurs leurs chansons françaises de Let Go et Lucky nous le prouvent par l'absurde, mais il est clair que la tonalité de ce disque se veut ici plus sombre et pessimiste, rejoignant en cela la mélancolie de The Weight Is A Gift (un disque qu'il serait grand temps de revoir à la baisse). Ce caractère un peu mélo dénote sur certains morceaux trop pathogènes ("When I Was Young" qui plombe un peu la face A), tandis qu'ailleurs on se retrouve face à des chansons parfaitement appréciables mais sans grande originalité ("Jules and Jim", "The Moon Is Calling", et ce malgré quelques idées de guitare plus aventureuses sur cette dernière).
C'est finalement la deuxième partie du disque qui se révèle la plus charnue grâce à certains excellents titres à l'instabilité délicieuse ("Teenage Dreams") ou dévoilant une candeur presque virginale ("No Snow On The Mountain"), tandis que le groupe ne craint plus d'aller dans une direction plus frontale pour délivrer ses airs ("Let The Flight Do The Fighting"). L'impression qui se dégage de ce The Stars Are Indifferent To Astronomy est donc on ne peut plus favorable même si les amateurs pourront lui préférer, au choix selon leurs affinités propres, The Proximity Effect, Let Go ou encore Lucky, tous plus constants et variés que cette dernière livraison.
Un dernier mot de conclusion : Malgré le statut indé bien affirmé des new-yorkais, malgré une attraction évidente du groupe pour le web (organe qui lui a été bien utile pour remonter la pente après le clash avec Elektra), malgré la participation récente de Matthew Caws à la lettre ouverte des artistes à l'encontre des projets de loi américains SOPA - PIPA aux côtés de Trent Reznor et de Radiohead, malgré enfin l'exercice de la pré-écoute intégrale de l'album joué de bonne grâce sur le site de la NPR, nous n'avons pu que constater l'absence de The Stars Are Indifferent To Astronomy des plates formes de streaming habituelles, Deezer et Spotify. Ce phénomène, s'il était jusqu'à présent relativement explicable pour les monstres (Beatles, Pink Floyd, Metallica, AC/DC) et les grosses machines aujourd'hui poussives et carriéristes genre Red Hots, Linkin Park et consors, ne s'était jusqu'à maintenant jamais réellement appliqué aux acteurs indépendants ayant pignon sur rue, et on n'aurait jamais cru que Nada Surf s'exclurait ainsi de ce système. Il serait grand temps que les services marchands de streaming commencent à négocier véritablement avec les artistes eux-mêmes, faute de quoi nous aurons du soucis à nous faire quant au succès futur d'une offre légale de musique en ligne que l'on espère plus riche, ubiquitaire et équitable pour tous...