
Oasis, what's the story ?
- Introduction
- Des quartiers de Burnage aux matins de gloire (1991-1996)
- Fin de l'Oasismania et renouveau (1996-2008)
- Discographie complète
- La tournée 2009
Des quartiers de Burnage aux matins de gloire (1991-1996)
Après Nirvana, Oasis est sûrement le groupe qui le plus dominé la planète rock pendant les années 90. Le combo anglais aligne une impressionnante collection de tubes, avec ces véritables hymnes que sont "Supersonic", "Live Forever", "Wonderwall" ou "Don’t Look Back In Anger". Avec plus de 50 millions d’albums vendus, 8 singles ayant décroché la première place dans les charts britanniques, une pluie de récompenses et des tournées combles sur tous les continents, Oasis résume en cinq lettres toute l’effervescence du mouvement britpop. Formation phare pour certains, ramassis minable de recycleurs du son sixties-seventies pour d’autres, le groupe n’a jamais fait l’unanimité mais s’est très vite trouvé les faveurs du grand public. Dérouler son histoire s’étalant sur presque deux décennies, c’est conter une aventure où se mêlent triomphe et arrogance, disputes et échecs, insultes et éloges, une carrière livrée à tous les excès par une bande dont les deux leaders n’avaient dés leurs débuts qu’un seul objectif : devenir des rock’n’roll stars.
Pendant que son frère sillonne les routes, Liam découvre les Stone Roses lors d’un concert au printemps 1990. Pour le jeune Gallagher, c’est une révélation : il sera chanteur de rock. Très vite, il rejoint le groupe The Rain composé de Paul Guigsy McGuigan à la basse, Paul Bonehead Arthurs et Tony McCarroll à la batterie. Liam rebaptise la formation Oasis, sans qu’on sache précisément si le nom provient d’une boutique de lingerie féminine que contemplait souvent le chanteur, s’il était inspiré par le nom d’une salle de concert, le Swindon Oasis, ou s’il était tiré d’une affiche des Inspiral Carpets. Entre deux tournées, Noel assiste pour la première fois à un concert du groupe de son cadet le 18 août 1991. Le verdict est sans appel : les morceaux sont nuls, mais les musiciens ont du talent. Pour lui, The Rain est le véhicule parfait pour enfin jouer ses compositions au reste du monde. Bille en tête, il propose de prendre la tête du groupe en déclarant : "Ou bien vous me laissez écrire les chansons et on prend le chemin de la gloire ou bien vous restez ici à Manchester le reste de votre vie comme de tristes cons". Une interprétation de "Live Forever" sera sa carte d’entrée. Deux mois plus tard, Oasis donne sa première représentation, le 19 octobre, avec son nouveau line-up.

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Dès lors, le groupe va enchaîner les dates pour se faire connaître et se voit présenté à la presse début 1994. Aidé par le charisme de Liam, dont la posture scénique (mains derrière le dos, cou tendu vers le micro) aimante tous les regards, le groupe devient rapidement la nouvelle coqueluche du moment et sa côte grimpe en flèche. La brutalité et l’arrogance des frères Gallagher captivent le public et les journalistes, tandis qu’ils se voient adoubés par leurs pères spirituels et leurs compagnons de route tels que Johnny Marr, ex guitariste des Smiths, Paul Weller, ex chanteur des Jam, Ian Brown des Stone Roses ou encore Richard Ashcroft de The Verve avec lequel la bande va quelques fois partager l’affiche. Maintenir l’attention des médias, c’est bien. Mais il faut donner du grain à moudre aux premiers fans. Les premières semaines de janvier sont ainsi consacrées à l’ébauche du premier album, et tournent rapidement au désastre. Noel épuise de nombreux producteurs venus s’atteler à la tâche en imposant une surexposition des guitares noyant la rythmique et le chant. Pour s’aérer l’esprit et promouvoir le groupe hors des frontières de l’Angleterre, Oasis prévoit un concert à Amsterdam le 18 février. Mais Liam et Guigsy déclenchent une bagarre pendant le voyage en ferry et la troupe se fait expulser des Pays Bas avant d’y avoir posé le moindre pied. L’enregistrement se poursuit alors. Après que Dave Batchelor, ex-roadie des Inspiral Carpets ait déclaré forfait, Noel jette son dévolu sur son vieux complice Marc Coyle ainsi que sur un jeune ingénieur du son, Owen Morris. Avec Coyle et Morris aux manettes, le groupe s’enferme au studio Sawmills situé en Cornouailles en mars et avril. Morris parvient à dompter l’aîné Gallagher en façonnant une technique de production inédite visant à se rapprocher du son live qu’il nomme le Brick Walling. Préservant les guitares amples de Noel et le chant puissant de Liam, Morris parvient à faire sonner Oasis comme jamais.


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Noel change pourtant rapidement d’avis. Alors qu’il est sur le point de rentrer chez lui, il remarque que les prochains concerts anglais d’Oasis sont d’ores et déjà complets et que le single "Cigarettes & Alcohol" caracole en septième place des charts. Remis en confiance par une fan, il occupe sa courte retraite en composant deux nouvelles chansons, dont l’acoustique "Talk Tonight", qui figurera en face B sur le single "Some Might Say". Décidé à ne pas laisser tomber ses admirateurs, le compositeur consent à donner une seconde chance à ses troupes, au prix d’une ferme mise au point. Noel réintègre alors Oasis pour honorer la fin de la tournée, mais l’animosité est loin d’être retombée entre les membres alors qu’ils se distinguent lors de différentes remises de prix une fois rentrés en Angleterre. Noel se verrait bien terminer l’année sur un numéro un grâce au titre "Whatever", non inclus sur l’album, qu’il avait écrit deux ans plus tôt. Il devra se contenter de la troisième place, derrière East 17 et Mariah Carey. "Whatever" consolide pourtant un peu plus le succès du groupe. L’année 1994, qui l’avait vu exploser à la face du monde, laisse Oasis sur les rotules avec plus de 120 concerts donnés et de multiples abus de drogue et d’alcool. L’échec de l’épisode américain avait montré qu’il fallait encore persévérer pour conquérir la planète entière. 1994 était l’année de la révélation, 1995 sera celle de la consécration.

Oasis ayant prévu d’enregistrer son nouvel opus dans quelques mois, il faut très vite se mettre à la recherche d’un nouveau batteur. Sur les conseils de Paul Weller, Noel s’adresse à Alan White, le frère du batteur de l’ancien Jam, Steve White. Une rapide audition suffit à l’affaire, l’homme est doué et encaisse bien l’alcool. Quelques jours après sa première entrevue, il accompagne le groupe en tant que nouveau batteur officiel lors de son passage à Top Of The Pops. Puis le groupe prend ses quartiers au studio Rockfield basé au Pays de Galles pour y donner naissance au futur (What’s The Story) Morning Glory ? La majeure partie du disque est déjà prête dans la tête de Noel. Comme à son habitude, il consacre les premiers jours de studio à présenter ses compositions à la guitare acoustique aux autres musiciens pour qu’ils apprennent leurs parties respectives. Tout le monde est impressionné par le potentiel que renferme cette nouvelle batterie de chansons. Bonehead fond en larmes en découvrant "Champagne Supernova". Bien que couvert d’éloges, Oasis conserve encore à l’époque son esprit de conquête. Owen Morris est à nouveau de la partie, et prête sa science du compromis et de l’efficacité aux Mancuniens. Dans cette ambiance festive mais studieuse, un titre est bouclé par jour, si bien qu’en moins de deux semaines, le disque est quasiment enregistré. Mais c’est sans compter sur le tempérament de Hooligans des frères Gallagher… Alors qu’il passe une nuit au studio écouter des prises de son, Noel découvre que Liam donne une énorme fête dans les lieux. Furieux, il voit des inconnus manipuler ses guitares fétiches. Son sang ne fait qu’un tour et une violente altercation s’en suit entre les frangins, chacun s’expliquant à coups de batte de cricket. Liam finit dans le plâtre et Noel part calmer ses nerfs pendant une semaine loin du studio. Quand il retrouve le reste de la bande, il exhorte ses musiciens à ne pas gâcher l’énorme succès qui leur tend les bras. Cette petite mise au point effectuée, l’album est masterisé aux célèbres studios Abbey Road et le groupe se prépare à accomplir quelques concerts estivaux pour le présenter au public.
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Dans le tumultueux quotidien d’Oasis, Glastonbury ne serait qu’un épisode comme un autre s’il ne marquait le point culminant de ce que la presse musicale nomma The Battle Of Britpop. Depuis quelques temps déjà, des magazines comme le Melody Maker, Q ou le NME manifestaient le désir de confronter la bande des Gallagher à Blur, le groupe phare de la britpop de l’époque, installé dans le paysage anglais avant Oasis avec le succès de son deuxième album, Modern Life Is Rubbish. Pour les hebdomadaires britanniques, la guerre entre Blur et Oasis tombe sous le sens. C’est le match entre la pop délurée de Parklife et la vision rock’n’roll plus étroite de Definitely Maybe, Londres contre la province, la middle class contre la working class. Par bêtise autant que par opportunisme, les deux groupes vont foncer tête baissée dans cette bataille verbale en multipliant les insultes, pour le plus grand bonheur de la presse qui n’en attendait pas tant. Les choses n’avaient pourtant pas si mal commencées : lorsque Blur avait ravi à Oasis le prix du meilleur groupe de l’année, Liam avait reconnu lui-même que les deux groupes méritaient cette récompense. Mais les choses se sont très vite envenimées. Quelques semaines plus tard, le Mancunien se bagarra avec le guitariste Graham Coxon dans un pub. Le benjamin Gallagher refusa alors de se faire photographier en compagnie de Damon Albarn pour la couverture du NME. Le magazine ne cessa ensuite de dégrader les rapports entre les deux groupes à coups de petits articles assassins. C’est dans ce contexte, quelques heures après sa performance de Glastonbury, qu’un Noel Gallagher totalement noyé dans l’alcool livre une interview qui va mettre le feu aux poudres. Pressé par une journaliste de The Observer de livrer son avis sur Blur, il déclare : "J’aime bien le guitariste, et on m’a dit que le batteur était un mec bien. Quant au bassiste et au chanteur, j’espère qu’ils choperont tous les deux le Sida et qu’ils en crèveront, je peux pas les voir." Cette déclaration déclenche un torrent de protestations de la part des associations lancées dans la lutte contre la maladie. Noel Gallagher présentera rapidement ses excuses, mais le mal est déjà fait, et le feu qui couvait entre les deux formations devient un véritable brasier.

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Le marathon promotionnel s’intensifie pour Oasis alors que son deuxième album doit bientôt débarquer dans les bacs. Le groupe entreprend une rapide tournée au Japon puis retourne sur le continent européen. Paris sera le théâtre d’une nouvelle flambée de violence. Tout auréolé par sa gloire montante et enivré par l’alcool qu’il ingère par jets continus, Liam ne supporte pas de se faire voler la vedette par le comédien Eddie Izzard en compagnie duquel il livre une interview pour une radio parisienne. Il quitte le studio et se fait cogner dessus par le Tour Manager Ian Robertson. Loin d’avoir son compte, il décide ensuite de s’en prendre verbalement à Guigsy. Déjà épuisé par de longs mois de tournées incessantes et de frasques ininterrompues, le discret bassiste considère que c’en est trop, et laisse le groupe en plan pour retourner à Londres. Officiellement, le groupe décrète un "épuisement nerveux momentané". Oasis débauche alors Scott McLeod des Ya-Ya’s pour remplacer Guigsy en attendant qu’il recharge ses batteries. Nous sommes alors à la fin septembre, et les critiques, qui ont reçu l’album en avant-première, publient des chroniques tièdes, reprochant à ce nouveau disque de ne pas avoir la morgue et l’énergie de Definitely Maybe. Mais ces reproches sont bien vite balayés par le formidable accueil que reçoit le disque auprès du public dès sa sortie, le 2 octobre. En une semaine, il s’écoula à 346 000 exemplaires, et ne fut qu’à 4000 unités du record absolu détenu par le Bad de Mickael Jackson. A la fin de l’année, presque deux millions de copies ont trouvé acquéreur, rien que sur le marché britannique. Oasis était jusqu’ici un phénomène principalement anglais. Cette fois-ci, porté par ces véritables hymnes que sont "Wonderwall" et "Don’t Look Back In Anger", le groupe caracole en tête des charts du monde entier. Au Etats-Unis, le single "Wonderwall" s’installe à la huitième place, ce qui restera le meilleur score de toute la carrière de la formation dans ce pays. Certains états sont même pris de court et demandent à Sony de represser des exemplaires, tout le stock ayant été vendu en une poignée de semaines. Cumulant aujourd’hui plus de 20 millions de copies écoulées à travers le monde, (What’s The Story) Morning Glory ? est le troisième album britannique le plus vendu de tous les temps, derrière le Greatest Hits de Queen et le Sgt. Pepper’s des Beatles. Alors qu’il n’était qu’en sensation anglaise comme une autre il y a à peine deux ans, Oasis domine de main de maître sur la planète entière. Commence alors le règne éphémère de l’Oasismania.

L’année 1996 voit Oasis récolter les fruits de son labeur, les disques de platine s’empilant à un rythme effréné. Guigsy a réintégré les troupes, profitant du départ brutal de McLeod en pleine tournée américaine, une décision que le bassiste regrettera ensuite amèrement. Le succès de la formation est tel que deux tribute band font leur apparition, The Gallaghers et No Way Sis, tous deux approuvés par le groupe. Les premières cérémonies arrivent, et Oasis reçoit logiquement une pluie de récompenses, raflant quatre prix aux NME Awards. Aux Brit Awards, là où se gagnent les récompenses les plus prestigieuses, les Mancuniens remportent les prix de meilleur groupe, meilleur album, et meilleur clip (pour "Wonderwall"). Lors de la cérémonie, ils savourent leur victoire avec leur insolence proverbiale. Déclarant quelques jours auparavant ne pas être intéressés, ils arrivent en retard, boivent plus que de raison, et s’accrochent avec la maître de cérémonie Chris Evans ainsi qu’avec le chanteur d’INXS, Michael Hutchence, avec lequel ils manquent de se battre. Savourant sa revanche prise sur Blur, Oasis vient récolter son trophée en chantant le refrain de "Parklife" qu’ils rebaptisent Shitlife, avant d’inciter les spectateurs à voter pour Tony Blair. Entre-temps, "Don’t Look Back In Anger" a déboulé sur les ondes et offre à Oasis le deuxième numéro un de sa carrière. Les mois suivant, le groupe se produit devant des foules toujours plus nombreuses en Amérique, en Asie et en Europe. Oasis termine sa tournée avec deux dates mythiques dans le stade de l’équipe de Manchester City les 27 et 28 avril devant 80 000 fidèles, puis entreprend une pause de quelques semaines, chacun profitant de sa famille, Noel avec sa compagne Meg Matthews, Liam avec l’actrice Patsy Kensit qu’il avait rencontré une année auparavant.
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Si rétrospectivement le management avouera qu’il aurait fallu que le groupe se repose un peu avant d’entrer en studio, personne ne songe sur le moment à prendre du recul. Les musiciens ne se rendent pas compte que l’accumulation de la fatigue, des excès et des bagarres les a beaucoup fragilisés. Noel dispose de plusieurs chansons déjà écrites qu’il trouve absolument géniales, comme "All Around The World", "Fade In Out", "Stand By Me" ou encore "My Big Mouth" et "It’s Getting Better (Man !!)" que le groupe a joués en public tout au long de l’été. Enivrés par leur succès tonitruant, les Mancuniens ne touchent plus terre et s’absorbent dans une consommation industrielle de cocaïne, tandis que le studio est envahi par une horde de parasites et de courtisans vivant à leurs crochets. De nouveau à la barre, le producteur Owen Morris n’arrive pas à raisonner ses troupes. Lui qui avait autrefois réussi à obtenir des compromis auprès de Noel constate avec douleur que ce dernier ne l’écoute plus. Les sessions d’enregistrement sont totalement calamiteuses, rien de bon n’en sort. Pour échapper à la presse tabloïd qui les harcèle, les musiciens déménagent à la campagne, dans le Ridge Farm Studio à partir du 11 novembre. Mais le calme de la province n’y fait rien. Les couches d’instruments s’accumulent, et le son d’Oasis perd son légendaire équilibre entre les parties de guitare, la rythmique et le chant. Owen Morris désavouera peu après publiquement son travail. Venu rendre quelques visites à ses protégés, Alan McGee pâlit en mesurant l’ampleur du désastre. Sans le savoir, le groupe vivait les derniers mois de l’Oasismania.
par Maxime