Regarde Les Hommes Tomber

En prenant mes places pour aller voir Regarde les Hommes Tomber, j'avais la volonté de vivre une expérience musicale, de faire preuve d'ouverture d'esprit en assistant pour la première fois à un concert de Black Metal. On ne pouvait saisir une meilleure occasion que celle-ci, puisque le groupe nantais est l'étoile montante de la scène française et j'avais été séduit par l'ambiance et la progressivité de leur dernier album. Pour autant, je m'y rendais en béotien, n'écoutant que très peu de Metal extrême en général et encore moins de Black Metal en particulier. Sans appréhension mais avec beaucoup de curiosité et d'excitation, j'étais comme Stanley parti à la recherche de Livingstone et des sources du Nil. Je ne fus pas déçu du voyage. 

Nous arrivons alors que la première partie venait de commencer. Ce sont les Clermontois de Sans Roi qui officient en présentant le premier acte d'un projet ambitieux qui devrait se composer de trois trilogies (soit neuf albums) dont la production est prévue en neuf années - souhaitons leur de réussir cet exploit. Le groupe propose une musique à la teinte Black Metal indéniable, mais le propos demeurait très mélodique, avec quelques plans de guitare proches du Heavy. Du reste, soulignons tout de même la belle performance réalisée par un groupe qui donnait ce soir son deuxième concert. Certes, une partie des musiciens de Sans Roi est aguerrie et active dans d'autres groupes, mais il n'empêche qu'on ne peut que mettre en avant leur belle présence sur scène et le rendu sonore d'une qualité assez rare pour une formation émergente. 

A l'entracte, nous tombons sur Julien, rédacteur au sein du webzine, qui est également venu en curieux, poussé par un ami sur les sentiers les plus sombres du Metal. L'esprit d'ouverture pourrait être un slogan pour Albumrock, s'il n'était déjà pris par une fameuse station radiophonique (enfin, avec des limites tout de même). 

L'obscurité envahit la salle, seulement interrompue par la lueur des chandeliers qui trônent sur le devant de la scène puis par le jeu de lumière souvent épileptique en parfaite osmose avec la musique. Le Black Metal joue sur l'ombre et les ténèbres, une esthétique que Regarde les Hommes Tomber adopte dans son jeu de scène : les musiciens arrivent sur scène grimés de couleur noire, comme du charbon, et la faible luminosité fait d'eux des silhouettes inquiétantes prêtes à captiver l'auditoire. Au chant, Thomas (TC) occupe l'espace à merveille, déployant ses bras comme des ailes ou optant pour des gestes serpentueux, et continue l'homélie par des murmures inaudibles durant les passages instrumentaux. Ce n'est plus un concert, c'est un rituel que le groupe met en place, fidèle à son souhait de susciter une transcendance parmi les fidèles. 

Sur le plan musical, le groupe jouera sans pause pendant plus d'une heure et quart, enchaînant des pièces longues aussi atmosphériques que parfois tortueuses, avec des transitions toujours impeccables. Tout se passe comme si nous étions pris dans un ouragan dont le souffle ne s'apaisera qu'une fois le concert fini. En non connaisseur, ce qui nous a le plus impressionné est la capacité d'associer un propos d'une puissance extrême avec une ambiance hypnotique et atmosphérique. Les riffs peuvent être martelés et parfois plus lourds (on touche presque au doom à certains moments) comme ils peuvent être incisifs, des passages plus répétitifs s'alternent avec des variations plus complexes et surprenantes. La sensation est indescriptible et nous place entre l'envoûtement mélancolique et le saisissement par la force musicale.

C'est le genre d'expérience qu'on ne pourra que conseiller, d'autant plus qu'elle est offerte avec un professionnalisme remarquable - loin de l'artisanat des 1990's - sans rien perdre de sa pureté occulte, bien au contraire. D'un regard extérieur au rang des amateurs des scènes extrêmes, on comprend sans la moindre réserve le succès et le respect que suscite le Regarde les Hommes Tomber.  

Setlist

L'Ascension (Ascension, 2020)

A New Order (Ascension, 2020)

The Renegade Son (Ascension, 2020)

A Sheep Among the Wolves (Exile, 2015)

Stellar Cross (Ascension, 2020)

Ov Flames, Flesh and Sins (Regarde les Hommes Tomber, 2013)

The Incandescent March (Exile, 2015)

Au bord du gouffre (Ascension, 2020)