Tremonti
Cauterize
Produit par Michael Baskette
1- Radical Change / 2- Flying Monkeys / 3- Cauterize / 4- Arm Yourself / 5- Dark Tip / 6- Another Heart / 7- Fall Again / 8- Tie The Noose / 9- Sympathy / 10- Providence
Des albums attendus en ce mois de juin chargé en blockbusters peu convaincants, Cauterize fait figure d'outsider tapi dans l'ombre : Mark Tremonti, en bûcheur acharné, travaille à sublimer un deuxième effort après un All I Was surprenant. À en croire les critiques élogieuses des magazines spécialisés à propos de ce nouvel opus, le floridien a gravi une marche supplémentaire dans son ascension vers une reconnaissance artistique s'émancipant des références Alter Bridge et Creed lui collant à la peau. Sans jeter le discrédit sur les arguments qui ont mené nos confrères à plébisciter cet album, l'émission d'un certain nombre de réserves est inévitable tant Cauterize s'avère prévisible. À la résolution inévitable du deuxième album : ineffable continuité ou prosaïque copie, ce dernier effort nuance et délivre sans retenue ses qualités et ses faiblesses au travers de ses dix titres.
Se sachant incapable de faire évoluer sa signature sonore drastiquement, Mark Tremonti procède à un changement majeur pour ce deuxime album, en renvoyant son fidèle lieutenant Brian Marshall au profit du jeune Wolfgang Van Halen. Si Cauterize doit amorcer une inflexion mélodique, il sera de la responsabilité du jeune bassiste de générer cette altération, plus que louable dans l'intention. Car initialement, Cauterize se présente emphatiquement aux initiés des divers efforts de l'américain. Au delà du son des guitares, la construction même de l'album semble calquée sur All I Was : thèmes similaires, alternances rythmiques et mélodiques répétitives. Pire, certains morceaux empruntent outrageusement au répertoire de Creed (le baveux "Sympathy") et avalissent l'ampleur mélodique trouvée par Mark Tremonti depuis le flamboyant Fortress. Fort heureusement, il ne s'agit là que d'un écart hasardeux, mais qui marquera viscieusement une première écoute peu emballante.
Cauterize fait partie de ces albums qui empreintent subrepticement, délicatement, révélant ses qualités au fur et à mesure que la déception se tasse. Le groove frais et énergique de Wolfgang se joint à un groupe puissant qui ne lésine pas sur la distorsion : le nouveau single "Another Heart" ou encore "Cauterize", et leurs interprétations précises à la rythmique ravageuse, déroulent le tapis noir pour des refrains fédérateurs s'enracinant avec une aisance plutôt inattendue. "Radical Change", dantesque mais hors de propos, ouvre l'album avec un riff monstrueux où Tremonti fait étalage de son placement chirurgical dans ce morceau vertigineux. À l'image de cet opus, il aura fallu un certain laps de temps pour s'imprégner de ces chansons classiques dans l'esprit mais à l'éxécution complexe. À ce titre, le cyclique "Arm Yourself" se veut violent puis planant, syncopé puis lancinant, et emporte l'adhésion à tel point qu'il s'impose comme la réussite de l'album, distinct par sa mélodie homérique et son chant décalé sur le refrain. La magie opère donc peu à peu : Cauterize sort de l'ombre.
Wolfgang peut se targuer d'y être pour beaucoup. Son jeu de basse assome ("Flying Monkeys") et c'est tout le son du combo qui gagne en envergure. Le jeune loup ira même jusqu'à pousser ses backing vocals dans les hautes fréquences ignorées par le groupe jusqu'ici ("Fall Again"). Conséquence immédiate : le chant grave et viril de Mark Tremonti prend du galon et propose des mélodies plus osées ("Radical Change"), plus variées, paradoxalement à un songwriting peu innovant. Cauterize marque le pas sur ce point. Les épreuves de la vie, les blessures, les guérisons, les remises en question sont des thèmes récurrents et trop usuels qui n'autorisent pas les morceaux plus faibles musicalement ("Dark Trip") à s'extirper d'un Cauterize assez peu varié. Car, aussi précieuse soit la signature musical inimitable de Tremonti, sa sempiternelle redondance peut user, lasser et détourner de cet album, qui dans le fond, n'évolue que très peu.
L'incapacité de ce dernier opus à marquer les esprits est manifeste : trop sûr de lui, Mark Tremonti ne pousse pas la prise de risques à son maximum, et malgré quelques belles réussites bride Cauterize. Frustrant tant les bonnes intentions peinent à émaner de cet album inégal. La suite, Dust, est prévue pour début 2016. On espère que Tremonti s'appuyera sur les bonnes idées de Cauterize (dont l'affreuse pochette ne fait évidemment pas partie) et assumera pleinement son statut d'artiste solo pour magnifier son inégalable talent.
Chansons conseillées: "Arm Yourself" et "Cauterize"