Travis
Ode to J. Smith
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1- Chinese Blues / 2- J. Smith / 3- Something Anything / 4- Long Way Down / 5- Broken Mirror / 6- Last Words / 7- Quite Free / 8- Get Up / 9- Friends / 10- Song to Self / 11- Before You Were Young
Quand on évoque Travis, le grand public pense immédiatement à l'année 2001, époque où le single "Sing" avait inondé les ondes FM et avait valu à l'album The Invisible Band un joli succès européen. Et puis, l'effet de mode étant passé, les écossais ont finit par réintégrer (du moins dans notre contrée) un semi-anonymat qui leur permet néanmoins de prospérer largement outre-Manche en régalant les amateurs de britpop feutrée. Et si la médiatisation s'en est allée, la qualité, elle, demeure.
Preuve en est ce sixième album, dont le patronyme mystérieux, les paroles parfois surréalistes et l'artwork absolument ignoble cachent pas mal de surprises, de bonnes comme de mauvaises. Commençons par le point qui pose vraiment problème, et ça tombe bien, il se situe en début de playlist. Travis a ainsi décidé de muscler sa pop en la dopant avec des guitares un peu plus lourdes que de coutume. Pas foncièrement une mauvaise idée en soi, mais voilà : ces textures semblent artificiellement plaquées sur des titres qui ne sont pas faits pour les recevoir. On ne peut s'empêcher de songer à ce que seraient devenus des morceaux sensibles comme "Chinese Blues" ou l'acceptable single "Something Anything" s'ils avaient été allégés de quelques décibels superflus. De plus, quand Francis Healy force sur sa voix comme sur "Long Way Down", le rendu final ne lui rend pas vraiment honneur. Ajoutez à cela une bizarrerie à la construction complètement décousue ("J. Smith") et vous obtenez un début d'album poussif qui peine vraiment à convaincre.
Mais ceux qui n'ont pas persévéré au delà des cinq premiers morceaux ne savent pas ce qu'ils manquent, car la suite prend le parti de ménager à nouveau les amplis et se révèle heureusement d'un tout autre niveau. Tout d'abord avec "Last Words" dont le ukulele rappelle furieusement le "Sing" de l'époque passée, un poil de naïveté en moins. Puis c'est un lent crescendo qualitatif qui amène au prodige de l'album, le deuxième single "Friends", une balade pop douce-amère comme Travis sait si bien les trousser. Le titre est si bon qu'il justifie à lui seul l'achat du disque, c'est dire. D'autant que la fin emphatique n'est pas en reste, entre un "Song To Self" qui évoque parfaitement ce que pourrait être U2 s'il laissait sa vanité au vestiaire, et une excellente conclusion représentée par "Before You Were Young" au sein de laquelle le piano cède rapidement sa place à une section rythmique surprenante d'intensité.
Avec Ode To J. Smith, Travis a tenté de bouleverser ses schémas habituels sans forcément rencontrer un rendu aussi irrésistible qu'il l'aurait souhaité. Au contraire, lorsque le groupe reste dans le style qu'il maîtrise le mieux, il tutoie l'excellence avec une déconcertante facilité. Reste que cet album est de très bonne tenue, pas forcément le meilleur du groupe (12 Memories étant un bon cran au dessus), mais d'une qualité bien suffisante pour rassasier les fans de ces épatants écossais.