The Ocean
Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic
Produit par Jens Bogren
1- Triassic / 2- Jurassic | Cretaceous / 3- Palaeocene / 4- Eocene / 5- Oligocene / 6- Miocene | Pliocene / 7- Pleistocene / 8- Holocene
L’album dont il est question aujourd’hui s’éloigne un peu des styles de prédilection de la rédaction. The Ocean est un groupe de metal progressif allemand, souvent associé au mouvement post-metal. Le post-metal… encore une désignation bien obscure ! Retenez seulement qu’il s’agit d’un courant s’éloignant légèrement des conventions établies par le metal en s’orientant vers des ambiances plus atmosphériques empruntées au shoegaze. Les guitares peuvent alors côtoyer des synthétiseurs, et le chant généralement hurlé peut laisser place à un chant clair. On peut rattacher ce mouvement à des groupes comme Neurosis, Amenra, Cult of Luna, ou encore dans une moindre mesure à Russian Circles.
Pour les détracteurs du genre, ou bien les personnes allergiques aux hurlements à s’en décrocher la glotte, un conseil : ne fuyez pas, car l’expérience Phanerozoic II en vaut vraiment la peine.
The Ocean est un collectif ayant vu passer plus de quarante musiciens de différents horizons depuis sa création en 2001. Le groupe s’articule autour de la tête pensante Robin Staps (guitariste et auteur-compositeur) et parviendra à trouver une certaine stabilité à partir des albums Heliocentric et Anthropocentric (tous deux parus en 2010), en partie grâce à l’intégration du chanteur Loic Rossetti. Vous remarquerez certainement que le groupe affiche un goût prononcé pour les titres d’albums "intello". Les Berlinois de The Ocean ont en effet toujours présenté une certaine ambition avec des albums complexes gravitant autour de théories physiques (héliocentrisme), de conceptions philosophiques (anthropocentrisme), jusqu’aux différentes ères géologiques de la Terre (Précambrien, Palaeozoïque, Mesozoïque,…).
Commençons par le Précambrien, il s’agit de la première ère géologique de…. Non je plaisante ! Vous êtes toujours là ? Revenons-en à nos moutons, ou plutôt à nos dinosaures ! Comme son nom l’indique, l’opus dont il est question ici correspond à la deuxième partie de l’album Phanerozoic I: Palaeozoic paru en 2018.
Autant le dire tout de suite, les vingt premières minutes de l’album sont fantastiques ! "Triassic" prend le temps d’installer une atmosphère presque sauvage, à la fois paisible et menaçante, qui servira de fil conducteur tout au long de cette œuvre. On pense évidemment à Cult of Luna mais aussi à Tool dans l’approche et les sonorités. L’intensité monte progressivement, on découvre alors la voix modifiée au vocodeur de Loic Rossetti, contrastant avec les premiers passages de screaming. On passera par de nombreux rythmes et sonorités, notamment orientales, s’inscrivant parfaitement dans la dynamique générale.
Quelle introduction ! Accrochez maintenant vos ceintures car arrive la pièce maitresse de l’album avec le titre "Jurassic/Cretaceous", déroulant son riff de guitare ravageur accompagné quelques instants plus tard par des cuivres bienvenus. Du long de ses treize minutes, ce morceau est une totale réussite, d’une richesse folle qui n’a pas à rougir face aux plus grands représentants de la scène metal progressif. On découvrira au fur et à mesure des écoutes d’innombrables détails, chaque apport instrumental (synthés, cuivres, percussions,…) amenant méthodiquement sa pièce à l’édifice. Le refrain met en avant un Loic Rossetti inspiré rappelant presque la voix rocailleuse d’un Dave Grohl. Jonas Renkse de Katatonia (également à l’origine du très réussi City Burials en 2020) viendra prêter main forte au frontman livrant une partition mélodique tout en nuances.
Pas le temps de digérer ce que l’on vient d’entendre, nous entrons dans l’époque Paléocène ("Paleocene") qui, historiquement, s’est vue marquée par différents cataclysmes. Tel le chaos provoqué par une intense activité volcanique, The Ocean nous envoie plusieurs salves de metal rageux. Il s’agit du morceau le plus brutal du disque, la quiétude revenant à partir de l’époque Eocène ("Eocene") tel le calme après la tempête.
La deuxième moitié de l’album, composée de morceaux plus directs (et plus courts), ne faiblit à aucun moment. Nous passons par des ambiances plus atmosphériques ("Oligocene") et mélodiques ("Miocene/Pliocene") jusqu’à l’explosion finale ("Pelistocene"). On constatera que Loic Rossetti a nettement élargi sa palette vocale depuis son arrivée dans la formation. Le chanteur fourni en effet une prestation des plus convaincantes, que ce soit sur les chants clairs mais également en poussant son organe vocal au maximum avec les cris stridents de "Pelistocene". Nous terminons sur le très réussi et mélodique "Holocene" correspondant à notre époque actuelle.
Les Allemands de The Ocean nous montrent encore une fois toute l’étendue de leur talent et clôturent leur périple à travers les ères géologiques avec un album-concept monumental. Plus homogène et accessible que sa première partie entamée en 2018, mais aussi plus maitrisé, Phanerozoic II est bien plus qu’un album de metal. Celui-ci recèle de pépites dont le colossal "Jurassic/Cretaceous" et nous fera passer par toutes les émotions. Parfois épique, parfois planant, quelque fois brutal mais toujours passionnant, l’album nous fait voyager dans l’univers cérébral du groupe. Un grand cru tout style confondu de l’année 2020.