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Critique d'album

Paramore


After Laughter


(12/05/2017 - Fueled by Ramen - pop punk / emo - Genre : Rock)
Produit par Justin Meldal-Johnsen, Taylor York

1- Hard Times / 2- Rose-Colored Boy / 3- Told You So / 4- Forgiveness / 5- Fake Happy / 6- 26 / 7- Pool / 8- Grudges / 9- Caught in the Middle / 10- Idle Worship / 11- No Friend / 12- Tell Me How
Note de 3/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Fini de rire"
Nicolas, le 01/06/2017
( mots)

“You say my eyes are getting too dark now / But boy, you ain't ever seen my mind”


Sauver les apparences, garder contenance, faire bonne figure… jusqu’au point de rupture. Une thématique qui a récemment trouvé son illustration de la façon la plus émouvante qui soit avec la remarquable série Netflix 13 Reasons Why dans laquelle le fantôme analogique d’une jeune lycéenne suicidée décrit par le détail sa lente descente aux enfers face au harcèlement et aux brimades morales dont elle a été victime. Une oeuvre bouleversante, d’une cruelle mélancolie, que tout ado ou parent d’ado devrait au minimum voir une fois dans sa vie. Or l’un des reproches récurrents faits à la série, outre une certaine systématisation paresseuse dans l’enchaînement des événements et quelques incohérences (pourquoi Clay met-il autant de temps à écouter ces putain de cassettes ?) tient surtout au caractère voulu enjoué de Hannah, à son sourire, à cette joie à laquelle essaye encore et toujours de se raccrocher alors même qu’elle s’enfonce irrémédiablement dans le marasme psychique. Une suicidaire ne pourrait ainsi passer que pour abattue, déprimée aux yeux de tous, idée reçue pourtant battue en brèche par nombre d’affaires similaires - réelles cette fois-ci - au cours desquelles personne, parents, amis, professeurs, n’ont rien vu venir de l’issue fatale. Cela tient sans doute au fait que l’esprit - a fortiori féminin - se bat pour sa survie, fait tout pour maintenir l’illusion que tout va bien avant de s’effondrer face à l’inéluctable spirale descendante.


13 Reasons Why, série tournant autour de la mort et du suicide adolescent, jouit d’une bande originale à l’avenant qui fait la part belle à la cold wave ou à la new wave, Joy Division, Bauhaus, The Cure, The Call… confirmant ainsi le revival 80’s portée par la même Netflix avec son autre série phare Stranger Things et son OST clignant elle aussi de l’oeil au désenchantement synthétique. Un désenchantement qu’il n’est pas utile de souligner à la truelle à grands coups de vagues de claviers morbides, de textes cafardeux et de mélodies noires de geai. Au contraire, le mal-être ici décrit sait parfaitement s’exprimer dans une bonne humeur de façade, une attitude faussement enjouée. Quoi de plus dérangeant qu’une fille qui va se saouler et “s’éclater” en boîte avec ses amies de circonstances pour finir par se retrouver seule face à elle-même dans sa chambre, face au grand vide qui emplit sa vie après tous ces éclats de rire hystériques forcés, exultation pathétique d’un mal-être qui revient à la charge une fois éteints les spotlights. “Après le fou rire”, After Laughter, tel est ce même programme auquel nous convie aujourd’hui Paramore sur sa cinquième galette, et autant le dire d’emblée - et en dépit des apparences - c’est pas la franche déconnade.


Hop hop hop, attendez un peu… quoi ? Paramore ? Ce groupe de débiles pour post ados boutonneux, cette bande d’émo pop-punkers commerciaux qui abrutissent nos sécréteurs d’hormones avec leur rock de stade calibré et téléphoné ? Vous déconnez à plein tube, les mecs ! En fait non, aussi étonnant que cela puisse paraître. D’ailleurs leur précédent effort avait déjà sonné la fin de la récré en élargissant leur habituelle panoplie jeuniste à un échantillon assez savoureux de pop musique parfaitement construite et interprétée, avec toujours le bagout - parfois un peu irritant aux entournures, il est vrai - de la sémillante Hayley Williams qui cette fois-ci a troqué sa tignasse flamboyante pour un blond beaucoup plus passe partout, histoire probablement de faire écho à l’artwork pastel vaguement schizophrène de ce nouveau LP qui reprend les affaires là où le précédent les avait laissées. Entretemps, exit le bassiste Jeremy Davis parti en froid avec le tandem Williams - York, et retour à la batterie du cadet des frangins Farro, Zak, après les excuses de ce dernier pour les insultes proférées à l’encontre de la rouquine quelques sept années plus tôt via réseaux sociaux interposés. Il est un fait que depuis un peu plus de cinq ans, chez Paramore, c’est pas vraiment la joie. À peine sorti d’un procès assez lourd avec les frères Farro - Josh s’étant fait larguer par Hayley, ceci expliquant sans doute cela -, le groupe a dû faire face à d’autres démêlés judiciaires avec Davis, chaud bouillant pour se faire rétrocéder un paquet de royalties pour spoliation de droits d’auteur. Dans le même temps et par effet miroir, le duo Williams - York est en train de se refaire une crédibilité artistique, et pas qu’un peu : son opus éponyme a été fort bien reçu par la critique (y compris par Albumrock, hé hé) et a même réussi à scorer la première place du Billboard. Autant dire que Paramore commence vraiment à compter, et on gage que cet album-ci pourrait convaincre nombre de sceptiques.


Car la plus grande force du groupe, c’est justement de savoir capturer l’air du temps, de saisir le mal-être de la jeunesse et de le retranscrire sous une forme qui gagne en profondeur à mesure que les natifs du Tennessee prennent de la bouteille. S’il pourrait de prime abord paraître racoleur de changer son fond de commerce punk-rock emo pour une pop pétillante aux atours synthétiques (quoique non moins emo), cf les pitoyables Linkin Park qui font la même chose avec One More Light mais eux sans la moindre once de talent, on sent que cette couleur vaguement 80’s - d’où 13 Reasons Why, hein - va comme un gant aux américains et que ce virage pas si évident que ça à prendre parait parfaitement mûri et intelligemment amené. L’autre point fort de Paramore, c’est de savoir tourner ses faiblesses à son avantage. Privée de son batteur sur l’album précédent, la fine équipe avait eu la bonne idée de faire appel à Ilan “Nine Inch Nails” Rubin pour ébranler ses fûts et de l’exposer crânement dans le mix final, histoire de bien faire comprendre au démissionnaire (entretemps revenu dans le rang la queue entre les jambes) qu’elle en avait dans le bide. Idem cette fois-ci alors que le bassiste Jeremy Davis s’est fait la malle : Hayley Williams et Taylor York ont capitalisé sur leur fructueuse collaboration avec Justin "Nine Inch Nails" Meldal-Johnsen au sein de Paramore et l’ont derechef engagé à la production ainsi que pour tenir la quatre cordes, accordant par esprit de foutage de merde une place capitale à cet instrument dans leur nouvelle galette. La suite, finalement, coule de source : comment mieux exploiter un technicien comme lui qu’en s’abandonnant à une pop funky qui fait remuer les derrières ? Logique, mais, au regard de l’ambiance plutôt morose dans le tandem eut égard aux coups pris dans la tronche ces derniers temps, la pop funky peut aussi réussir à nous mettre un rien mal à l’aise… à condition de bien comprendre l’anglais.


Allez, morceaux choisis : “Dis-moi que je vais bien et que je ne vais pas mourir (...) Et je ne sais même pas comment je peux survivre” (“Hard Times”), “Je viens de tuer ce qu’il restait de l’optimiste en moi” (“Rose Coloured Boy”), “Le meilleur est fini et le pire est encore à venir” (“Told You So”), “Je m’en sors plutôt pas mal en leur faisant croire que je vais bien” (“Fake Happy”), “Je ne veux pas penser à quand je serai vieille car que ça me donne envie de mourir, et je ne veux pas penser à quand j’étais jeune car ça me donne envie de pleurer” ou encore “Non je n’ai pas besoin d’aide, je peux me saboter toute seule” (“Caught In The Middle”), “Oh qu’il est long et affreux de chuter seule de ce piédestal sur lequel tu ne cesses de me placer” (“Idle Worship”), “Je déteste l’idée que je pourrais avoir encore plus peur, et j’ai l’impression qu’ils connaissent tous déjà l’histoire” (“No Friend”)... on vous passe les détails, mais sachez que les paroles d’After Laughter sont clairement à l’avenant du début à la fin, transpirant le mal-être, l’angoisse, la frustration et cet incompréhensible besoin qu’ont les femmes - désolé si ça peut paraître sexiste - de toujours vouloir sauver les apparences, de donner le change même quand elles ont le moral à zéro. Or cette tonalité pas ouvertement dépressive - quoique - mais plutôt à cran, sur la corde raide, s’avère autrement plus touchante que l’habituel mal-être adolescent souvent brossé superficiellement par les autres groupes emo, vous savez ceux qui aiment se laisser pousser de grosses mèches devant les yeux et se maquiller comme des porcs pour bien souligner que, hé ho les gars, vous avez vu comme je souffre ? Ici le vernis reste normatif, même appliqué à marche forcée. Mieux, cette dichotomie entre mélodies enjouées et textes anxiogènes, par le malaise évident qu’elle provoque, pousse à l’empathie envers la chanteuse même si, hein, bon, faudra quand même expliquer à miss Williams qu’elle n’a plus seize ans et que les petits tics vocaux subhystériques, elle peut les laisser de côté.


Car en dehors de quelques relents de putasserie (des petites embardées entendues sur “Hard Times”, “Rose-Coloured Boy” ou “Idle Worship”) et hormis quelques baisses de régime dommageables (l’anecdotique balade “26” qui sectionne le rythme du disque, et dans une moindre mesure le conclusif “Tell Me How”, pas très utile), After Laughter se montre fort séduisant. Les défauts formels de son prédécesseur ont été gommés : le disque se montre compact (42 minutes), homogène, cohérent, efficace. Manque peut-être un ou deux titres aussi forts que “Ain’t It Fun” ou “Anklebiters”, mais franchement le niveau de songwriting s’avère très intéressant. La belle ex-rouquine se balade toujours avec aisance sur des mélodies osées et gourmandes (“Rose-Coloured Boy”, “Told You So”) tandis qu’instrumentalement ça remue, ça groove, c’est frais et funky même si certaines pointes acides transparaissent à l’occasion (les carillons tintinabulants de “Pool”, par exemple). On pense tantôt à Two Door Cinema Club quand ils étaient bons (“Told You So”, rigolo), tantôt à Foals quand ils en avaient moins dans le calebute (“Grudges”, décapant), ou même New Order (le pont d’”Idle Worship” constitue même un clin d’oeil fort appuyé à leur “Fine Time”), le style de Paramore répondant clairement ici au spleen dansant des mancuniens. Les morceaux sont a minima bons, souvent saisissants, parfois excellents, en particulier sur la deuxième partie : la triade “Caught In The Middle” (quelle basse) - “Idle Worship” (quel synthé)” - “No Friend” (quelle… bonne idée que cet instrumental coiffé de samples suintant le mal-être) est vraiment épatante. Taylor York montre ici qu’il est plus qu’un simple suiveur de sa frontwoman : on sent qu’il instille une patte stylistique, qu’il bosse ses arpèges, ses soli, qu’il met de l’âme dans sa guitare. Qu’on le retrouve également à la production avec Meldal-Johnsen en dit long…


Bref, une fois encore, Paramore fait vraiment le job et négocie le virage stylistique pris lors de son précédent disque avec un culot et une personnalité qu’on souhaiterait voir plus souvent chez d’autres acteurs de la pop et du rock catégorisés plus “sérieux”. Manquent encore, allez, un poil de constance et une petite pointe supplémentaire d’écriture, un titre ou deux qui se détachent encore plus nettement, et là, promis, on balance un 4 au prochain album. En attendant, After Laughter, malgré ses défauts (et qui n’en n’a pas, n’est-ce pas ?), sait se montrer attachant, avec un petit goût de reviens-y qui saura vous séduire. À condition que vous laissiez vos préjugés de côté. Et franchement, goûtez à l’album en profondeur, explorez ses textes, et il vous interpellera d’autant plus. Fini de rire, au propre comme au figuré : à bon entendeur.

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