Foo Fighters
Sonic Highways
Produit par Butch Vig
1- Something From Nothing / 2- The Feast and the Famine / 3- Congregation / 4- What Did I Do?/God as My Witness / 5- Outside / 6- In the Clear / 7- Subterranean / 8- I Am a River
Autant il nous a fallu quelques tergiversations pour finaliser un article à trois têtes sur l’ultime témoignage discographique de Pink Floyd, testant aux passages les nouvelles possibilités rédactionnelles offertes par notre V4 flambant neuve, autant le dernier né de Dave Grohl ne nous a fait ni chaud ni froid. De là à dire qu’on se fout des Foos (merci Steven pour l’accroche), il n’y a qu’un pas qu’on ne franchira pas, du moins pas encore. Le problème, c’est qu’à ce rythme-là, ça risque bien de venir...
On se doutait déjà que Dave Grohl, le songwriter, n’avait plus beaucoup d’idées en catalogue. D’idées musicales, cela s’entend. Parce qu’en terme de techniques de com’ ou d’artifices marketings, là, on lui tire notre chapeau. Réussir à faire avaler à tout le monde le coup de l’album grunge pour Wasting Lights alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins qu’un album des Foo Fighters, avec le même son (analogique ou pas, hein), les mêmes qualités et les mêmes défauts que ses prédécesseurs, c’est très fort. Cette fois-ci, il fallait bien que Dave nous sorte encore une formule magique de son chapeau pour nous faire gober la pilule. La réponse prend donc la forme d’une espèce de road trip ricain, avec huit titres composés dans huit studios et huit villes différentes, avec à chaque fois la participation d’un acteur emblématique de la scène rock de la city en question. On peut vous en faire la liste puisque ces infos n’apparaissent pas dans la tracklist ci-dessus. Alors… Rick Nielsen (Cheap Trick) a participé à l’enregistrement de “Something From Nothing” à Chicago, Pete Stahl & Skeeter Thompson (Scream) pour “The Feast and the Famine” à Arlington, Zac Brown pour “Congregation” à Nashville, Gary Clark Jr pour “What Did I Do? / God As My Witness” à Austin, Joe Walsh (Eagles) pour “Outside” à Joshua Tree, le Preservation Hall Jazz Band pour “In The Clear” à la Nouvelle Orelans, Ben Gibbard (Death Cab For Cutie) pour “Subterranean” à Seattle et Tony Visconti et Kristeen Young (des proches de David Bowie) pour “I Am a River” à New York. Le tout dûment filmé et diffusé en mini-série sur la célèbre chaîne de TV à péage US, HBO. Il paraît que la série vaut le coup. Il paraît. Pour ce qui est de l’album, en revanche…
Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de s’adonner une énième fois à du Grohl bashing. Les Foo Fighters, on les sait limités à un stadium rock gouailleur, bruyant, entraînant et fédérateur. On ne leur demande pas la lune, on n’attendra jamais d’eux un chef d’oeuvre ni même des surprises ou une quelconque prise de risque. Dave Grohl, bien que doué pour les refrains à brailler en choeur, nous a déjà montré à maintes reprises les réserves de son écriture. A partir de là, et comme on l’aime bien, on est prêt à se montrer conciliant et pas trop regardant sur le résultat global (des deuxièmes parties d’album dispensables) ni sur la durée de vie de chaque album. Le problème, c’est qu’ici, Grohl pèche un peu sur tous les tableaux. A trop se focaliser sur chaque morceau en tant qu’entité unique et séparée des autres, il en oublie qu’un album se doit de réserver des climaxs et des points d’orgues, mais surtout, dans les cas des Foos, de rentrer dans le lard et de ne pas lâcher prise.
Le premier gros défaut de Sonic Highways, c’est que le disque ne réserve pas de pièces majeures. Pas de vrais, de gros tubes, en quelque sorte. Oh c’est vrai, il y a toujours de bons moments. “The Feast and the Famine”, titre le plus concis du lot, sait encore dégager une certaine efficacité indépendamment d’un sentiment de déjà-entendu qu’on est tout prêt à pardonner. Tant que la musique est bonne, n’est-ce pas. Pour le reste, on reste sur un sentiment d’insatisfaction face à des morceaux trop, bien trop longs. Et c’est dès que la sauce s’allonge qu’on appréhende le mieux les carences de Grohl en terme de songwriting. Exemple presque absurde : “Outside” a tout, absolument tout dit au bout de deux minutes, et le titre se traîne sur plus de cinq tours de trotteuse ! Le medley “What Did I Do? / God As My Witness” est aussi réussi dans sa première partie qu’il ennuie dans sa seconde. “Congregation”, malgré de bons riffs à la base, tourne en rond, encore en rond, toujours en rond. Et plus c’est long, pire c’est, en témoignent un “Subterranean” qui peine à susciter l'enthousiasme malgré un traitement relativement sensible et surtout un “I Am a River” si redondant qu’il en devient presque comique. Seul titre arrivant à tenir une certaine distance, “Something From Nothing” joue plutôt bien la carte du crescendo, du gentil chanteur qui se la joue hurleur furibard, même si Grohl a toujours tendance à surjouer sa colère. Sauf que dans le même genre, “Let It Die” (sur Echoes…) est autrement plus réussi.
Et le pire, c’est que paradoxalement, alors que cette hétérogénéité nuit à l’album, elle ne parvient même pas à tirer parti du road trip en question. Impossible, en écoutant ces huit pièces, de savoir laquelle a été enregistrée où et avec qui. Les participations des guests, souvent anecdotiques, sont quasi-méconnaissables. De ce fait, Sonic Highways échoue à la fois en terme d’intention et de résultats pour aboutir, en définitive, au moins bon album des Foo Fighters. Encore une fois, il n’y a ici rien de catastrophique ni de déshonorant. Par son rodage, la formule Foo, même lorsqu’elle tourne à vide, évite les écueils les plus navrants. N’empêche qu’on retiendra encore moins ce huitième album que les sept précédents, et on ne peut que se montrer inquiet pour un groupe et un meneur qui n’arrivent plus, à défaut de sortir un disque majeur, à regagner notre sympathie. Et pourtant, Dieu sait qu’il est cool, Dave...