Dio
The Last in Line
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1- We Rock / 2- The Last in Line / 3- Breathless / 4- I Speed at Night / 5- One Night in the City / 6- Evil Eyes / 7- Mystery / 8- Eat Your Heart Out / 9- Egypt (The Chains Are On)
Si je devais être honnête – n’est-ce pas mon devoir de chroniqueur ? -, il faut que j’avoue comprendre les raisons du succès de Dio et en même temps, reconnaître qu’elles m’échappent un peu. En effet, le chanteur est doté d’une voix exceptionnelle et possède un flair aiguisé pour saisir les ressors d’une bonne composition, qui sait être à la fois purement Heavy et très accrocheuse avec ses mélodies et refrains imparables typés US. Ajoutez à cela la carrière prestigieuse de Ronnie James Dio, en particulier au sein de Rainbow et de Black Sabbath (Elf compte un peu moins), et vous obtenez un argumentaire plus que solide. Sauf que, des chanteurs talentueux, la scène Metal (et la scène hard-rock auparavant) en a compté des centaines dès les années 1980 et globalement, la plupart des morceaux du combo sont peu innovants voire très calibrés. Il en va de l’histoire des musiques saturées comme des tomates : le calibrage compte parfois plus que le goût ou l’originalité du produit – règle auparavant formulée par AC/DC et Kiss.
C’est pourquoi le premier album du groupe, Holy Diver (1983), était à la fois un album instinctivement séduisant, très immédiat, et tout aussi frustrant par ses facilités ou son manque de singularité. The Last in Line n’allait pas fondamentalement changer la donne en basculant le démon sur une planète infernale, comme un écho extra-terrestre et futuriste à Powerslave, et l’arrivée de Claude Schnell aux claviers s’avérait sans effet pour faire évoluer les choses.
Alors il est vrai que la cavalcade de "We Rock" fait au moins aussi bien qu’"Holy Diver", et que l’album propose une série de titres très réussis en tant que parfaits petits exemples de compositions Heavy avec des soli virtuoses et des interprétations dévastatrices… Auxquelles il manque néanmoins un supplément d’âme : "Breatless", le speed "I Speed the Night", les (peut-être trop) caricaturaux "Evil Eyes" et "Eat Your Heart Out", et enfin "Mystery", le passable "Rainbow in the Dark" de la galette. Le problème vient principalement de l’absence de particularités qui permettraient de démarquer le combo : de la part d’une foule de petites formations anonymes, de tels morceaux auraient suffi à crier à l’injustice pour un tel manque de reconnaissance, mais on a le droit (et même le devoir) d’être très exigeants avec un groupe mené par Ronnie James Dio, non ?
Et pourtant… Et pourtant, on finit par céder à la tentation, comme lors du mid-tempo shakespearien "One Night in the City" aux thèmes éculés et aux détours presque FM (les claviers – xylophones). En outre, l’album fait mieux qu’ Holy Diver en ajoutant un soupçon d’épique avec "The Last in Line" d’abord - ses quelques arpèges, ses riffs et claviers cérémoniaux, son solo magique – puis, de façon beaucoup moins sobre, avec "Egypt (The Chains Are On)", qui a pu servir de patron aux futurs opéras metaliques d’Avantasia.
Qui peut se vanter de ne jamais être victime des produits calibrés dans des manufactures ? Je n’ai pas de Nike aux pieds et je ne mange pas de Nutella, mais j’avoue céder au plaisir d’un bon album de Dio. Et s’il fallait n’en conserver qu’un, ce serait sans hésiter The Last in Line.
À écouter : "We Rock", "The Last in Line", "One Night in the City"