Ranking albums : Camel
Parce qu'on s'est vraiment bien amusés avec François à revisiter et débattre du classement des albums d'un groupe qu'on aime beaucoup (voir le Ranking albums : Aerosmith), on a aussitôt cherché le nom suivant qui pourrait nous faire envie et sommes rapidement tombés d'accord sur celui de Camel. Un groupe qui, s'il est moins connu du grand public, nous a profondément marqués tous les deux.
Une pondération à deux qui n'était pas superflue
Même si nous avons rapidement trouvé un accord parfait sur les 4 premiers de ce classement, certains albums post-années 70 ont beaucoup fait débat ! On vous invite à écouter le podcast pour connaître tous les détails...
N°14 : Stationary Traveller (1984)

Les années 80 ont été sans pitié pour les groupes de rock progressif et Camel n'y échappe pas. C'est là qu'on trouve leurs albums les plus faibles. Stationary Traveller en est le nadir. L'album est majoritairement Pop, voire AOR ("Cloak and Dagger Man"). Côté sonorités, on y trouve du Fairlight ainsi que des sons de synthés et un solo de saxophone qui ont très mal vieilli. La batterie est affligeante (en gros, c'est poum-tchac tout du long). A la guitare, Latimer délaisse tout sa personnalité et se prend, au choix, pour Knopfler, Gilmour ou Van Halen. Parmi les fautes de goût, on trouve de l'accordéon et de la flûte de pan, des instruments qui peuvent difficilement faire bon ménage avec une musique Rock. Même les rares moments progressifs ("Stationary Traveller", "Missing") sont entachés par ces défauts récurrents, et on ne trouve pas un titre à sauver sur cet album... Sauf "Vopos" étonnamment, puisque c'est un titre qui nous évoque du très bon Depeche Mode !
N°13 : The Single Factor (1982)

Souvent considéré par les fans comme le pire album de Camel (la pochette n'aide pas en ce sens), The Single Factor bénéficie de circonstances atténuantes qui méritent qu'on le revoit un peu à la hausse. Pour un album enregistré sous la pression de la maison de disque pour honorer le contrat, alors que le groupe n'avait plus de raison d'être (Andy Ward empêtré dans des problèmes personnels avait quitté le navire), Latimer ne s'en sort pas si mal. En recrutant David Paton et Chris Rainbow du Alan Parson Project, il propose au final un album qui ressemble beaucoup à celui-ci et qui a de quoi plaire aux fans du groupe du célèbre ingé son ("Heroes" est magnifique pour peu que vous soyez sensible à la voix de Chris Rainbow). Et si ce n'est pas votre cas, il vous reste l'instrumental "Sasquatch" où Peter Bardens, de retour en tant qu'invité, suffit à raviver un peu la magie du Camel des débuts.
N°11 : Nude (1981)

Il nous a semblé que beaucoup de fans surévaluent cet album uniquement parce qu'il est conceptuel à une époque où le terme Prog était tellement devenu un gros mot qu'il valait mieux éviter ce genre de projets ambitieux. L'histoire est assez fascinante pour peu qu'on n'en ait jamais entendu parler : un soldat japonais isolé sur une île des Philippines croit jusqu'en 1974 que la Deuxième Guerre Mondiale n'est pas finie. Même s'il y avait eu des prémices sur l'album précédent, c'est avec Nude que Camel plonge pleinement dans les années 80 avec tout ce que ça a de gênant : sons de synthés datés, solo de saxophone cliché et Pop tristement simpliste pour des musiciens de ce calibre ("City Life"). Sous prétexte de concept, plus de la moitié des titres sont des instrumentaux Ambient qui donnent l'impression d'écouter une B.O. de film kitsch des années 80 et laissent une sensation d'album un peu vide de contenu marquant. Quelques instrumentaux Néo-Prog parviennent cependant à nous sortir de cette léthargie ("Docks", "Beached", "Captured"). Notons également "The Homecoming", dont le côté fanfare médiéval rappelle "The Procession" qui figurait sur Mirage. Et si on n'est pas allergique à un Camel qui délaisse le Prog, "Drafted" et "Lies" sont respectivement une chanson Pop et un Blues plutôt réussis. En résumé, Nude aurait pu faire un excellent EP ! Nous n'avons pas réussi à départager cet album et le suivant qui ont énormément de points communs, raison pour laquelle vous voyez 2 albums référencés à la onzième place dans ce classement.
N°11 : Dust and Dreams (1991)

De retour après 7 ans d'absence, Camel propose un concept fort en s'inspirant des Raisins de la colère de Steinbeck pour cet album. Comme pour Nude, plus de la moitié des titres sont des instrumentaux Ambient qui évoquent une musique de film (les synthés sont datés nineties cette fois) et laissent à nouveau cette sensation d'album un peu vide de contenu marquant. Comme pour Nude, on trouve de quoi faire un excellent EP. On sauve là aussi 3 instrumentaux Néo-Pro d'excellente facture ("Cotton Camp", "Broken Banks" et l'étonnant "Hopeless Anger" qui a presque un côté Dream Theater meets Iron Maiden). Et si on n'est pas allergique à un Camel qui délaisse le Prog, "Go West" et "Rose of Sharon" sont de très belles chansons Pop, tandis que "Mother Road" et "End of the Line" montrent un Latimer certes peu original mais efficace quand il s'agit de jouer du Blues. Il y a tant de similarités entre ces 2 albums, dans leurs forces comme dans leurs faiblesses, qu'on n'a pas souhaité les départager. On pense néanmoins que votre préférence dépendra de si votre aversion est plus grande pour le kitsch des années 80 ou celui des années 90 en ce qui concerne les sonorités des synthétiseurs.
N°10 : I Can See Your House from Here (1979)

I Can See Your House from Here est l'album le plus contrasté de la discographie de Camel puisqu'on y trouve aussi bien des titres dignes de figurer parmi les meilleurs du groupe que les pires fautes de goût. Avec "Your Love is Stranger than Mine" et "Remote Romance" on est déjà complètement dans les sonorités des années 80 (alors que, rappelons-le, nous ne sommes qu'en 1979). Les deux rappellent les pires moments de Genesis et on se demande si Phil Collins qui est présent aux percussions sur cet album n'y aurait pas puisé des idées : Pop mièvre avec solo de saxophone cliché pour la première ; Synth-Pop robotique influencé par Kraftwerk pour la deuxième (on ne connaît que "Who Dunnit?" de Genesis qui ait fait pire dans le genre). A côté de ça vous avez "Hymn to Her", véritable bijou d'écriture sur un thème et variations, qui malgré des mélodies et des arrangements Pop propose en son sein un superbe interlude instrumental Jazz-Rock. Mais aussi le point d'orgue "Ice", 10 minutes de solo de guitare déchirant, qui reste un des morceaux préférés des fans. Les 5 titres restants proposent un entre deux qui fonctionne plutôt bien, entre Pop et Prog, ce qui ne devrait pas déplaire aux amateurs de Supertramp.
N°9 : Rajaz (1999)

Un intro planante façon Pink Floyd des années 90 ne laisse pas présager ce qui va suivre : un instrumental enlevé en 5/8 où un déluge de mélodies de guitare plus géniales les unes que les autres se succèdent ("Three Wishes"). "Lost and Found" enchaîne aussitôt sans une seconde de répit. Mesure en 7/8, mélodies entêtantes, solo de synthé puis de E-Bow, le nouveau Camel semble vouloir revenir à quelque chose de très Prog tout en modernisant son propos. On savoure l'ajout de Dave Stewart à la batterie (dont le jeu à la fois véloce et créatif fait de lui le meilleur contributeur à ce post depuis Andy Ward) et du violoncelliste Barry Phillips. Mais cet élan Progressif est de courte durée, puisque le cœur de l'album fait se suivre quatre titres lents : un blues orientalisant et trois chansons Folk avec des touches Country. C'est très beau mais plus convenu, et surtout le fait de les avoir rassemblé donne un sensation de ventre mou. Après une intro Jazz de deux minutes, "Sahara" repart sur l'univers qu'on avait tant aimé en ouverture, avec un instrumental Prog en 7/8 où Latimer s'en donne à cœur joie en guitare lead, entre notes tenues intenses dont il a le secret, jeu plus véloce et mélodies orientales. "Lawrence" termine Rajaz en beauté avec 5 minutes de solo de guitare aérienne façon Gilmour.
N°8 : A Nod and a wink (2002)

Sur A Nod and a Wink, Camel revient enfin totalement au Rock Progressif, qui plus est fortement influencé par les années 70. Les fans du début sont comblés, et cet album, qui reste à ce jour le dernier enregistré, conclu la carrière de très belle manière. On y trouve de nombreuses compositions Prog à tiroir de plus de 7 minutes ("A Nod and a Wink", "Fox Hill", "A Boy's Life", "Squigely Fair"), deux titres qui parleront plus aux amateurs du Camel années 90 ("Simple Pleasures" et "For Today"), ainsi qu'une belle pièce Folk à la guitare 12 Cordes ("The Miller's Tale") qui rappelle fortement Genesis. Les plus tatillons trouveront à redire sur l'influence un peu trop prégnante du groupe de Peter Gabriel sur cet album dans son ensemble, ou le solo de guitare de "For Today" qui est une véritable imposture du style gilmourien. Et on n'a pas compris l'interlude "fête foraine" qui gâche l'excellent instrumental "Squigely Fair". Si on ajoute à cela de sonorités de synthétiseurs qui laissent à désirer, aussi bien sur les solos que pour imiter des instruments d'orchestre, il nous était difficile de classer beaucoup plus haut ce chant du cygne qui reste malgré tout plein de charme.
N°7 : Breathless (1978)

Sorti un an avant I Can See Your House From Here, Breathless pâtissait déjà de cette volonté de coller aux modes de l'époque, mais est globalement plus réussi. Cette fois-ce c'est la mode du disco qui est à l'origine des deux pires titres de l'album ("You Make Me Smile" et "Summer Lightning"). La Pop précieuse du titre éponyme n'est guère mieux. En revanche, le groupe est convaincant quand il s'adonne à un Pop Progressive à la Supertramp ("Wing and a Prayer") ou orchestrale à la Beatles ("Rainbow's End"). On aime aussi la fantaisie anglaise canterburesque de "Down on the Farm" même si on ne comprend pas ce que vient faire le passage AOR complètement hors sujet dans cette composition de Richard Sinclair. Nous vous gardons le meilleur pour la fin, puisque cet album comporte également trois pépites dans le plus pur style de l'âge d'or de Camel. "Starlight Ride" a cette composante musique classique du début du XXème siècle qu'on pouvait trouver sur The Snow Goose. "The Sleeper" s'aventure du côté du Jazz-Rock tout en conservant la patte du groupe. Quant à "Echoes", ses nombreuses mélodies de guitare et de synthétiseur marquantes et la richesse des différents univers évoqués en 7 minutes en font incontestablement un des 10 meilleurs titres du groupe.
N°6 : Rain Dances (1977)

Sorti un an avant Breathless, Rain Dances est le premier album de Camel à comporter des fautes de goût, mais ici elles sont moindres. "Highways of the Sun", sorti également en single edit est une chanson Pop opportuniste, qui n'a bien évidemment pas marché dans les charts. "One of These Days I'll Get an Early Night" évoque plus le Smooth Jazz commercial à la Grover Washington, Jr. que le Jazz Fusion. Dans ce même registre, "Skylines" est beaucoup plus réussi car la patte Camel y est encore très présente, notamment dans les sons et solos de synthétiseurs. Idem pour "Unevensong", leur première tentative Pop Prog à la Supertramp. Mais on retiendra surtout les deux premiers titres de l'album ("First Light" et "Metrognome") et le dernier ("Rain Dances"), trois morceaux majeurs dans la discographie du groupe dans la continuité de Moonmadness avec l'apport magistral de Mel Collins au saxophone en plus.
N°5 : Harbour of Tears (1996)

Harbour of Tears est l'album le plus réussi du Camel post-années 70. Latimer propose un concept fort (la migration des Irlandais vers les Etat-Unis) qui lui a été inspiré par le décès de son père dont la famille était originaire de ce port qui voyait les familles se séparer. Mais contrairement à Nude ou Dust and Dreams, il arrive à proposer des morceaux qui servent de liant au concept plus concis et pertinents, ce qui fait que l'album est sans temps faibles. On trouve de nombreuses parties orchestrales qui rappellent The Snow Goose et Latimer a eu la bonne idée de recruter des musiciens pour jouer du hautbois, du cor, du saxophone, du violoncelle et du violon plutôt que d'utiliser des synthétiseurs pour imiter pauvrement ces instruments. Pour coller au concept, l'album propose une petite touche celtique très agréable (Irish Air, Eyes of Ireland). On trouve également de nombreux temps forts dans le style habituel du Camel des années 90, à savoir des chansons Pop ("Harbour of Tears", "Send Home the Slates"), des blues ("Watching the Bobbins", "The Hour Candle") et des instrumentaux Prog ("Running From Paradise", "Coming of Age").
N°4 : The Snow Goose (1975)

The Snow Goose est le seul album où Camel assume pleinement sa différence qui est aussi sa plus grande force : savoir être passionnant sans chant. La musique est inspirée d'un magnifique roman anglais de Paul Gallico à l'histoire particulièrement touchante. Là où l'album est très fort, c'est qu'il arrive à nous faire percevoir ce qui arrive dans l'histoire, même sans l'avoir lue, comme si nous écoutions une B.O. de film tellement évocatrice qu'on se fait les images rien qu'en l'écoutant. On y trouve certains des plus beaux moments de toute la carrière de Camel comme la suite "Rhayader/Rhayader Goes to Town" (qui contient un des meilleurs solos de l'histoire du Rock), "Dunkirk", ou encore "Preparation" qui est un peu leur "The Great Gig in the Sky". Un orchestre de musique classique est convoqué sur certains morceaux et "Friendship" rappelle plus Pierre et le Loup ou Le Carnaval des Animaux que le Rock pour un résultat totalement convaincant. Le seul reproche qu'on puisse faire à ce chef-d’œuvre de l'histoire du Prog est que la reprise de plusieurs de ses thèmes en fin d'album donne une sensation de déjà entendu, les variations étant parfois mineures.
N°3 : Mirage (1974)

Mirage contient le plus grand chef-d’œuvre de Camel, "Lady Fantasy", un titre épique de presque 13 minutes qui passe par toutes les ambiances, des plus sensibles et délicates aux plus déchaînées. Il s'agit de leur "Stairway to Heaven", leur "Child in Time", et dites vous bien que si le groupe est moins connu que Led Zeppelin ou Deep Purple, c'est vraiment d'un titre légendaire de ce niveau qu'il s'agit. Face à un tel brio, bien que très bons, les titres plus courts de l'album paraissent plus secondaires. On trouve cependant une deuxième suite épique magistrale avec "Nimrodel/The Procession/The White Rider inspiré du Seigneur des Anneaux, faisant de cet album leur plus ambitieux dans l'écriture de chansons longues.
N°2 : Camel (1973)

La maîtrise du style Camel était déjà parfaite dès le premier album. Ce qui impressionne ici c'est que les chansons qui font toutes entre 4 et 6 minutes sont bourrés d'idées, de cassures et d'ambiances variées donnant l'impression d'écouter des morceaux deux fois plus longs. La maestria de chaque musicien sur son instrument est exceptionnelle, mais cette virtuosité est au service d'une créativité sans limites et ne parait jamais comme une démonstration de technicité. On sent une influence Jazz, mais tellement subtilement intégrée au son du groupe qu'elle peut passer inaperçu pour les allergiques au genre. Latimer a ici un son de guitare santanesque, puissant et agressif, un style qu'il exploitera plus rarement par la suite. Chaque composition à son identité propre, faisant de Camel un album extrêmement varié où chaque chanson est marquante.
N°1 : Moonmadness (1976)

A l'image de sa pochette aussi belle que poétique, Moonmadness présente un groupe arrivé à son pic artistique. Sans concept apparent, l'album présente malgré tout un univers d'une cohérence conceptuelle, avec une ambiance sonore qui a quelque chose de très aquatique. Si la remarque suivante est valable pour tout l'âge d'or de Camel, ici plus que jamais, chaque solo de guitare, de claviers ou de flûte, chaque partie de batterie, chaque riff de basse, chaque son de synthétiseur est une merveille de créativité, de virtuosité et d'inspiration. Impossible ici de choisir un temps fort tellement chaque titre est parfait.







