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Critique d'album

Todd Rundgren


A Wizard a True Star


(02/03/1973 - Bearsville - Pop progressive - Genre : Autres)
Produit par Todd Rundgren

1- International Feel / 2- Never Never Land / 3- Tic Tic Tic It Wears Off / 4- You Need Your Head / 5- Rock and Roll Pussy / 6- Dogfight Giggle / 7- You Don't Have to Camp Around / 8- Flamingo / 9- Zen Archer / 10- Just Another Onionhead; Da Da Dali / 11- When the Shit Hits the Fan; Sunset Blvd. / 12- Le Feel Internacionale / 13- Sometimes I Don't Know What to Feel / 14- Does Anybody Love You? / 15- Medley / 16- Hungry for Love / 17- I Don't Want to Tie You Down / 18- Is It My Name? / 19- Just One Victory
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Zinzin au Pays des Merveilles"
Guillaume , le 04/11/2023
( mots)

Que serait le rock sans les drogues ? Elvis et Jerry Lee boulotteaient des quantités gargantuesques d’amphétamines lors de concerts tachycardiques, Sergent Pepper’s n’aurait jamais vu le jour sans le LSD, Keith Richards - "le rockeur le plus élégamment dévasté au monde" - voltigeait à des invraisemblables altitudes pendant les séances de Sticky Fingers… En ces aurorales seventies, Todd Rundgren, de son côté, se démarque du Gotha du Rock par ses positions ouvertement anti-drogues. Todd n’est pas un inconnu. Il officiait au sein de Nazz, groupe garage US sous perfusion Beatles, où il écrasait déjà ses collègues par sa personnalité autoritaire et son étourdissante créativité malgré ses vingt printemps. A qui il offre "Open my Eyes", joyau resplendissant de la compilation Nuggets. Ses prodigieuses capacités sont repérées par le mythique Albert Grossman qui lui confie un poste de réalisateur artistique chez Bearsville. Cette nouvelle casquette va lui laisser le loisir de percer les possibilités infinies qu’offrent un studio d’enregistrement, en digne successeur des Beatles et de Brian Wilson - bientôt, il sera un des producteurs les plus en vue de la décennie : Badfinger, New York Dolls, Hall & Oates, Meat Loaf…


Ses premiers albums solo le voient naviguer dans une galaxie soft-rock infusée à la Philly Soul, gagnant le surnom de "Carole King masculin" (l’analogie avec Laura Nyro serait plus approprié, eu égard à leur recherche harmonique constante) auprès des rock critics avisés. Par le succès alléché, Warner, la compagnie détentrice de son label, voit grand pour son poulain et imagine Rundgren en futur Elton John. Oui mais voilà, Rundgren plonge corps et biens de "l’autre côté du miroir", à la suite de ce foutu lapin blanc absurde. Il fait la connaissance du Ritalin, puissant psychostimulant, qu’il adopte volontiers pour échafauder la plantureuse pièce montée Pop Something/Anything ?. Sur sa lancée, le jeune homme engloutit tous les psychotropes qui lui passent sous la pogne, du LSD, à la mescaline en passant par le DMT. Les effets sont immédiats. Son cerveau bouillonne, explose en une kyrielle de constellations scintillantes se perdant dans les confins du cosmos, à des années lumière des considérations terre à terre de l’industrie musicale. Avec les deniers amassés grâce à ses hits FM ,il se met en tête de construire, dans le cœur de New York, son propre studio d’enregistrement - "The Secret Sound" - turne où il pourra coucher ses délires mégalomaniaques sur bande. Pas exactement ce qu’avait prévu Warner, qui saisit l’ampleur du naufrage à la vue du passage télé de Rundgren dans l'émission The Midnight Special alors accoutré en elfe androgyne surgissant d’un mauvais film de SF, pour y interpréter son hit "Hello It’s Me".


Catalogué par les masses ignares comme un "faiseur de ballades", la parution de A Wizard A True Star en juin 1973, s’apparente à un suicide commercial en bonne et due forme. Tube Glam en or massif servi sur un plateau, "International Feel" donne le change en dépit des batteries ultra compressées et autres bruitages parasites. La corruption ambiante se confirme dans un voyage dans le paysage mental délirant de l’auteur. De courtes vignettes psychédéliques se bousculent à toute vapeur, bernent l’auditeur, le propulsent sur un arc-en-ciel chatoyant qui s’évanouit brutalement au profit d’un solo hendrixien qui lui vrille les tympans sans crier gare ("You Need Your Head"). Reclus dans sa tour d’ivoire pendant des semaines entières, le sorcier fou travaille d’arrache pied à la création de son grand œuvre. Dix ans avant Prince. La passion pour l’ésotérisme, le goût pour les guitares aux formes extravagantes (période Utopia), un certain sentimentalisme échevelé… Les similitudes sont grandes entre les deux génies.


La créativité débordante de Rundgren explose enfin au grand jour, s’autorise absolument tout. Jusqu'à la blague graveleuse aux allures de partie de jambes en l’air spatiale ("Dogfight Giggle"). Les claviers sous toutes leurs formes monopolisent l’espace sonore du disque, prétexte à des instrumentaux prog frappadingues ("Flamingo"). Un avant-goût des longues plages électroniques à venir sur Todd. Bien avant la trilogie berlinoise de Bowie.


Malgré les apparences, Rundgren n’a pas perdu la raison. Il distille au gré de ses excentricités bruitistes, de parfaites gemmes pop, structurant ce fragile édifice qu’est A Wizard, A True Star. A l’image de "Zen Archer", qui d’un simple air d’harmonium, gagne en ampleur puis se métamorphose en une déchirante complainte à la production démente. Citons également "Just Another Onionhead/DAda Dali". Des harmonies vocales en cascade se superposent jusqu’à l’interlude surréaliste impromptu, comme scandé par un enfant de six ans. C’est ce qui fait tout le charme de cet album à part, le sublime côtoie sans cesse la loufoquerie dans un chaos savamment organisé.


Le thème inaugural ("Le Feel Internacionale") fait un retour en fanfare avant de laisser place à des ambiances plus incertaines, moroses. Dur retour à la réalité après les bacchanales du premier acte. Pour atténuer cette redescente, notre castafiore préférée vient panser ses blessures à l’abri d’un medley Soul grand luxe ! Elle nous sort le grand jeu, nous roucoule à l’oreille, use de son vibrato exquis pour nous faire fondre d’amour ("I’m So Proud", "Ooh Baby Baby", "La La Means I Love You", "Cool Jerk"). Ce pot-pourri de Blue-Eyed-Soul passé, Rundgren reprend du poil de la bête, défenestre un hard rock musclé avec un refrain taillé pour les stades ("Is It My Name ?"). Romantique incorrigible, il revient taquiner les ivoires de son piano chéri pour un bouquet final flamboyant ("Just One Victory"). Vénéré par une troupe de fans énamourés, le projet A Wizard A True Star est un des secrets les mieux gardés du Rock : ambitieux, démesuré, ne ressemblant à rien de connu. Une vision personnelle du "Neverland" de Peter Pan, où sont uniquement conviés les adultes qui ont gardé leur âme d’enfant, leur innocence, sésames pour un disque fou, comme seules les seventies pouvaient en produire.

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