Thin Lizzy
Black Rose A Rock Legend
Produit par Tony Visconti
1- Do Anything You Want To / 2- Toughest Street in Town / 3- S & M / 4- Waiting for an Alibi / 5- Sarah / 6- Got to Give It Up / 7- Get Out of Here / 8- With Love / 9- Roisin Dubh (Black Rose) - A Rock Legend
Malgré son origine irlandaise, Thin Lizzy n’a jamais utilisé avec insistance le patrimoine traditionnel et les mélodies celtiques pour agrémenter sa musique, bien moins qu’un Gallagher déjà peu investi dans ce type d’emprunt et bien loin des Horslips spécialistes de la chose. Certes, la version rock de "Whiskey in the Jar" permit leur essor et "Emerald" (Jailbreak, 1976) disposait de mélodies aux guitares-jumelles qui évoquaient les eaux du Shannon. Néanmoins, il fallut attendre 1979 pour qu’un hymne aussi heavy que celtique puisse voir le jour, le pinacle de leur neuvième album Black Rose a Rock Legend.
Ce titre est presque éponyme, du moins si l’on traduit "Róisín Dubh" du gaélique irlandais en "Black Rose", première incursion vers les racines irlandaises qui sont ensuite mobilisées à travers une succession d’arrangements électriques de mélodies issues du patrimoine traditionnel (selon les notes, "Shenandoah", "Danny Boy", "The Mason's Apron"). Les guitares jumelles brillent dans des dialogues épiques, virtuoses et somptueux, et Gary Moore, qui est à nouveau de la partie suite au départ de Robertson, fait vibrer les différents plans celtiques avec son talent légendaire. Véritable tour de force à l’échelle de l’histoire du rock, le titre est agencé au millimètre, toute l’architecture est finement pensée pour qu’aucune variation ne soit trop abrupte, et tout est réalisé de façon à ce que l’expérience musicale soit magistrale, des paroles aux rythmes de batterie en passant bien sûr par l’expressivité des six-cordes. Nous voici projetés dans les plus grandes batailles des clans insulaires, dans les temps immémoriaux où histoire et légende se confondent.
On en oublierait presque que Black Rose a Rock Legend est un concentré de compositions toutes plus excellentes les unes que les autres. Combien y’a-t-il des titres immédiatement propulsés au rang de classiques dans le répertoire du groupe, notamment parmi ceux qui sonnent typiquement Thin Lizzy ? "Do You Want Anything you Wanna Do" sur lequel vous noterez la modulation et les ponts martiaux assurés par le duo basse/batterie, "Toughest Street in Town" au riff démentiel (l’effet qui ferme le couplet post-solo pour le relancer est aussi simple excellent), "Got to Give It Up", qui surprend après son introduction de crooner puis déroule une composition heavy jusqu’au solo à l’avant-garde de la scène metal en gestation. La NWOBHM est à peine en train d’émerger que "Get Out Of Here" s’impose dans les juke-boxes, comme pour rappeler que les sentinelles du genre sont toujours capables de dominer la scène.
Cela en partie grâce au groove, au fun, au hard-rock profondément cool que le groupe propose depuis longtemps maintenant, à travers des digressions satisfaisantes vers le funk sur le provocateur "S&M", garni de plans de basse géniaux, instrument affublé d’effets judicieux sur "Waiting for an Albiby", devenu tube par ses mélodies aux twin-guitars et son refrain imparable. Autre chemin pour se diversifier, le slow langoureux "Sarah", qui renvoie à Shades of a Blue Orphanage, est un peu moins mémorable que le tout aussi suave mais plus réussi "With Love" (les guitares y sont plus bavardes).
Les années 1970 se referment et on se demande combien de Saxon ou d’Iron Maiden, de Dead Lord beaucoup plus tard, combien de formations au sein de toute la scène rock et surtout Metal à venir découvrirent cet album avec stupéfaction, au point d’en faire une source intarissable d’inspiration ? N’est-ce pas dans la postérité que s’écrivent les légendes ? Ne sont-elles pas vivantes tant qu’il y a des oreilles attentives pour les écouter ? Alors n’hésitez plus à demander "Tell me the legends of long ago, When the kings and queens would dance in the realm of the Black Rose …"
A écouter : "Róisín Dubh (Black Rose) : A Rock Legend", "Toughest Street in Town", "Got to Give It Up"