Riverside
Wasteland
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1- The Day After / 2- Acid Rain / 3- Vale of Tears / 4- Guardian Angel / 5- Lament / 6- The Struggle for Survival / 7- River Down Below / 8- Wasteland / 9- The Night Before
C’est de façon tardive, en 2020, que j’ai réellement découvert Riverside, négligeant jusqu’alors la formation en ce qu’elle me semblait relever d’une scène progressif moderne - ou new progressive rock (Porcupine Tree, The Pineapple Thief, Anathema …) – qui ne me séduisait guère.
Le plus étonnant reste la façon par laquelle j’en suis venu à me plonger dans la discographie du groupe polonais : c’est arrivé grâce à la diffusion d’un de leur morceau à la radio, certes locale (Radio Arverne), mais avouez que cela fait bien longtemps qu’on ne découvre plus un combo de rock progressif sur les ondes. Ce soir-là, l’émission Arverne prog diffusait "Wasteland", morceau titre de ce qui était leur dernier album en date. La mélancolie du picking cristallin, de la guitare acoustique, du chant grave, ténébreux et envoûtant, des quelques notes de guitares fluides, puis les transitons metalliques et la longue phase instrumentale dans le style d’Ennio Morricone : j’étais immédiatement conquis.
Le lendemain, je fonçais chez mon disquaire pour me procurer cet album qui était heureusement dans les rayons : Wasteland devait être l’œuvre par laquelle je découvrais Riverside, ce qui lui donnera à jamais une place particulière dans ma discothèque personnelle. Vous connaissez tous l’attachement qui lie le mélomane à l’album l’ayant introduit à un groupe qu’il apprécie.
Dès la première écoute, Wasteland saisit l’auditeur par la tristesse absolue qui enveloppe son atmosphère. Il s’agit en effet du premier effort studio réalisé sans le guitariste Piotr Grudzinski, décédé en 2016 d’un arrêt cardiaque. Ainsi, le trio au sein duquel Duda s’est en plus occupé de la guitare (il est parfois secondé par des invités), porte encore le poids du deuil. C’est un exutoire, un exorcisme.
L’album est donc secoué par le torrent d’une mélancolie diluvienne. L’introductif "The Day After", chanté a capella, nous berce de la douce voix de Duda mais développe une ambiance pesante tandis que "Guardian Angel" est simplement déchirant – même le magnifique "Wasteland" évoqué plus haut ne tire pas autant sur les glandes lacrymales. Jusqu’au bout, "The Night Before" étirera ses suites d’accords au piano et la voix de Duda dans une plainte subtile mais terrassante. Même les oiseaux pleurent sur "River Down Below", quand bien même la lumière semble percer les nuages et se refléter dans le courant de la rivière au détour d’une mélodie chantée ou de notes de guitare foydiennes. Mais ici, les notes sont comme des larmes qui inondent nos oreilles d’une musique divine … neptunienne !
Au sein de cette introspection dans les zones les plus sombres de l’âme endeuillée, l’étiquette Metal qui colle à la musique progressive de Riverside s’avère moins pertinente tant cette caractéristique paraît être en retrait. Les riffs heavy viennent parfois apporter du contraste, comme sur "Lament" où ils contrebalancent les arpèges plaintifs, mais ils sont moins marquants que ne le sont le banjo et le violon, audaces instrumentales dont la présence originale ne saurait passer inaperçue. De même, l’efficace "Vale of Tears" a tout du tube Metal moderne volontiers rageur, mais ses refrains retrouvent la douceur privée de saturation : les sublimes montées/descentes à la guitare et le chorus épique maintiennent tout de même un cap très électrique.
Riverside n’oublie pas complètement sa chapelle metalo-progressive : "Acid Rain", avec son rythme alambiqué et ses accords musclés, choisit cette esthétique sans détour, si ce n’est par un pont funky et floydien annonçant des chœurs taillés pour la scène. Longue pièce instrumentale, "The Struggle for Survival" est l’autre tribut payé au Metal progressif, gorgé qu’il est de passages de guitare criards, alambiqués et clairement crimsoniens, avant de devenir à des plans plus cinématographiques – pas loin des OST de James Bond.
Soyez prévenus, Wasteland est un album aussi magistral que déprimant, mais il y a du sublime dans cette atmosphère de deuil. Qui encore, pour croire que la joie est la seule à être bonne conseillère ?
À écouter : "Wasteland", "Acid Rain", "Vale of Tears", "River Down Below"