Jethro Tull
Crest of a Knave
Produit par Jethro Tull
1- Steel Monkey / 2- Farm on the Freeway / 3- Jump Start / 4- Said She Was a Dancer / 5- Dogs in the Midwinter / 6- Budapest / 7- Mountain Men / 8- The Waking Edge / 9- Raising Steam / 10- Part of the Machine
Il faut voir la tête d’Alice Cooper, quand, lors de la cérémonie des Grammy Awards de 1989, il ouvrit l’enveloppe où était inscrit le nom de la meilleure performance Metal/Hard-rock. C’était la première fois que cette catégorie était primée, et les prétendants étaient prestigieux : Iggy Pop, AC/DC, Jane’s Addiction et surtout Metallica pour … And Justice for All. Mais ce fut le cinquième d’entre eux qui vit son nom et celui de son album émerger de l’enveloppe. Alice Cooper n’en revenait toujours pas en 2021, et se rappelant les événements, il commente : "J’ai ouvert l’enveloppe et j’ai dit : ''Le gagnant est Jethro Tull", et tout le monde a ri. J’ai regardé autour de moi. Je cherchais quelqu’un pour me dire : "Nous t’avons donné la mauvaise enveloppe". J’ai cru qu’on m’avait donné l’enveloppe de répétition… Ils m’ont dit : "Non". Et puis j’ai réalisé que c’était pour de vrai." (Meltdown, "Talkin’ Rock with Alice Cooper Cooper and Toby Wright", 2021).
Quel destin pour Crest of a Knave, initialement sorti en 1987 après une longue traversée du désert à se perdre dans les sables des synthétiseurs, mais également de gros soucis de santé pour Ian Anderson qui affectaient son organe vocal. Il est d’ailleurs légèrement en retrait sur l’album, laissant la part belle à Martin Barre à la composition comme à la guitare électrique – d’où le côté un peu plus saturé (enfin de là à justifier ce prix …). Néanmoins, le Grammy ne vient que couronner la bonne réception de l’opus qui affiche de très belles ventes et une forte audience, attestant que la formation est de retour près de 20 ans après la sortie de son premier album.
Pourtant, ce n’est pas vraiment du côté des titres les plus Heavy que Jethro Tull se montre le plus pertinent : "Steel Monkey", bien qu’entraînant, possède encore des restes de la période synthé, de même que "Rasing Steam" qui aurait pu sortir d’Afterburner de ZZ Top. De quoi laisser dubitatif …
Par contre, sur cet album comme sur le suivant, Jethro Tull semble vraiment s’inspirer de Dire Straits, que ce soit dans la façon de chanter (peut-être due aux problèmes de gorge d’Anderson) ou dans la manière dont Barre intervient à la guitare. Difficile de ne pas penser à la bande de Knopfler sur le slow "Said She Was a Dancer", le chant sur "The Waking Edge" ou encore la seconde partie de l’excellent "Mountain Men", dont on soulignera la belle envolée mélodique épique. Même "Farm on the Freeway", un titre assez typique du répertoire tullien pour ses nombreuses interventions de flûte et ses passages acoustiques, possède cette touche esthétique.
On sent néanmoins que le groupe a voulu renouer avec son identité musicale originelle, retrouver la légèreté toute british sur "Dogs in the Midwinter", rappeler ses débuts folks et blues sur "Jump Star". Il y a même un petit côté progressif sur le très bon "Budapest", qui multiplie les passages instrumentaux très réussis où l’on appréciera la flûte, la guitare acoustique ainsi que le violon.
Si le prix obtenu par l’album deux ans après sa sortie n’était peut-être pas mérité, Crest of a Knave peut être salué pour avoir été l’œuvre avec laquelle le groupe se remet dans le droit chemin de l’inspiration. L’âge d’or est loin derrière, mais Jethro Tull a encore de quoi composer quelques albums honorables dans les décennies à venir, loin des errements du début des 1980’s.
A écouter : "Budapest", "Mountain Men"