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Critique d'album

Dirty Deep


Trompe l'oeil


(07/04/2023 - Junk Food Records - Blues - Genre : Rock)
Produit par François Maigret (aka Shanka)

1- Broken Bones / 2- Juke Joint Preaching / 3- Hipbreak III / 4- What Really Matters / 5- From Tears / 6- Shoot First / 7- Donoma / 8- Your Name / 9- Hold On Me / 10- Never Too Late / 11- Waiting For The Train / 12- Medicine Man
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Bleu, Blanc, Blues"
Julien, le 25/04/2023
( mots)

En 2019 suite à ma chronique The Big Picture voyait leurs auteurs - les Alsaciens du groupe Last Train- débarquer sur une terre appelée "rock français" que mon papier qualifiait alors de "désolée".
Quatre années plus tard la donne a bien évolué. Bien gardé à ses frontières par les armées progressives, JPL et autres Lazuli d'un côté et métallique avec Gojira ou Klone de l’autre ; ce foyer autrefois colonisé en masse semble prêt à se repeupler. Une réhabilitation initiée par la qualité de ses bâtisseurs tels que Last Train donc, mais aussi : Bandit Bandit, Blackbird Hill ou encore Howard. Un édifice à l'architecture de nouveau séduisante au gré de sa palette de couleurs à laquelle la nuance proposée par les Strasbourgeois de Dirty Deep, et leur dernier album : Trompe l'œil, apporte une dose de scintillement additionnel.


En effet la teinte musicale exposée par le trio alsacien à la couleur du Blues, le vrai, l'authentique celui de la Louisiane auquel le nom du groupe Dirty Deep, fait référence reprenant celui donné au bayou et ses marécages.
Ce style donc inscrit dans les gênes de l'Oncle Sam auquel Victor Sbrovazzo, Geoffroy Sourp et Adam Lanfrey s'attaquent frontalement n'hésitant pas à gratter l'essence profonde du registre ainsi "Waiting For The Train" où harmonica et élans vocaux transpirent le rocking chair des années 50 ou encore quand l'interlude instrumental "Hipbreak III" se charge de régler son compte aux soirées des clubs des années soixante à grands coups de descente de contrebasse.


La barque que forme ce sixième album du groupe remonte le fleuve du Blues au gré des artistes qui ont largement puisé dans ses eaux à l'image de la balade "dylanienne" : "From Tears" peut-être le titre le moins convaincant de se Trompe l'œil avec sa noyade un peu grossière dans les vagues de cordes lancinantes qui la composent. La réussite prévaut en revanche quand Dirty Deep choisit de s'attaquer aux courants rapides du Southern Blues aux inspirations de Whiskey Myers sur les titres "Shoot First" et surtout "Hold On Me" où la célérité ambiante convient à merveille au déchaînement de l'harmonica hurlé au gré du glas que sonnent les slides de la guitare.


Mais Dirty Deep ne se contente pas de balbutier les émulations du style.
Le trio évolue dans le registre blues en y posant sa signature et une singularité incarnées tant par la voix souveraine de son chanteur que par l'utilisation constante de l'harmonica. L'illustration de cette personnalité s'affiche dès le début du disque sur les morceaux "Juke Joint Preaching" et "Don't Be Cruel". Le premier nous emporte dans un chemin lumineux guidé par la légèreté et l'entrain vocal communiqués par la voix de Victor Sbrovazzo, quand le second diffuse un rayon de bonne humeur palpable avec son harmonica sautillant couplé à la mélodie langoureuse du refrain.
Deux titres avec deux bonnes gueules de singles pas loin d'une efficacité infaillible qui allie la fluidité instrumentale et l'efficience mélodique.


Fort de ces belles réussites, les Strasbourgeois vont laisser exploser leur plein potentiel en faisant l'excellent choix de densifier leur musique et de se servir de leur son blues organique comme base pour explorer des registres stylistiques aux tournures plus sombres. Ainsi la musique du trio va impeccablement porter les apparats des échos de guitares et de chœurs chamaniques sur l'envoutante noirceur psychédélique déroulée pendant 5 minutes sur "Donoma". Enfin le cowboy solitaire et son harmonica s'intègrent magnifiquement dans les décors lugubres du stoner qui ouvrent et referment l'album sur les morceaux "Broken Bones" et "Medicine Man" : la personnalité de Dirty Deep, incarnée par de nouveaux glorieux éraillements vocaux, se meut en respirateur de la lourdeur agrippante et saisissante qui imprègne l'air ambiant.


Sans s'avancer dans des considérations qui feraient dire que le rock français renaîtrait de ses cendres, on peut s'accorder sur le nouvel élan insufflé par la génération actuelle dont la diffusion semble se faire autour d'un maître mot : qualité.
Ainsi Dirty Deep propose avec Trompe l'œil un disque excellent, à faire pâlir les routiniers américains du registre. S'il fallait définitivement s'en convaincre, on se replongera dans la sensationnelle puissance de "What Really Matters" d'une férocité à vous faire bomber le torse à l'écoute de nos guitares : made in France s'il vous plait.


A écouter : "What Really Matters" ; "Donoma" ; "Broken Bones"

Commentaires
FranckAR, le 29/09/2023 à 15:51
Effectivement, je te rejoins sur les qualités de ce premier album de Dirty Deep (des qualités mises en avant par une belle chronique, au passage). Ça fait plaisir de voir des groupes français évoluer à ce niveau. Dans un registre "blues rock" relativement semblable, on pourrait également citer le groupe poitevin Uncut.