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Rock Iconic Items - ep2 : Les Ray-Ban


Daniel, le 06/08/2025

Comme toutes les religions à dimension prosélyte, le Rock a ses objets sacrés, ses accessoires emblématiques dont le petit rocker rêve en écoutant ses titres préférés. Emblématiques ou même anecdotiques, récurrents ou passagers, les objets du Rock ont tous leur petite histoire qui se présente généralement sous la forme d’un!inextricable écheveau de vérités et de mensonges.

Épisode #2 – Les Ray-Ban

1.- Introduction


Si John Arthur Macready (1887 – 1979) n’avait pas eu des yeux fragiles, les petits rockers seraient contraints d’exhiber sans pudeur leurs yeux rougis par les excès (ou, beaucoup plus rarement, par les affres de la créativité musicale).


 


 

2.- Bob a toujours raison


Dans le navet ultime The Poison Rose (2019) qui aurait pu s’intituler Le Vrai Con Maltais, le romancier américain de série B Richard Salvatore fait dire une horrible bêtise à l’un de ses inconsistants personnages secondaires : "Il y a trois catégories de personnes qui portent des lunettes de soleil à l'intérieur : les branleurs, les aveugles et les branleurs aveugles."


En jouant son Audiard d’opérette, Richard Salvatore a tout faux. Il oublie de citer la catégorie la plus concernée : les petits rockers (1).


Pour un petit rocker, vagabonder sans lunettes noires relève de l’attentat à la pudeur. Que ce soit pour remplacer des lunettes de vue oubliées dans l’avion comme ce fut le cas pour Roy Orbison lors d’une de ses tournées en Angleterre. Ou pour masquer des yeux rendus psychédéliques par la fatigue, l’alcool ou des champignons qui font rire.


Emmanuelle Béart dit : "Quand je n’ai pas de lunettes de soleil, je me sens vraiment toute nue."


Alain Bashung surenchérit : "Sans mes lunettes noires, j’ai l’impression d’être tout nu au beau milieu d’une épicerie, avec des miroirs au plafond."


Jack Nicholson confirme : "Avec mes lunettes de soleil, je suis Jack Nicholson. Sans elles, je suis gros et j’ai 60 ans."


Et Paul Newman conclut : "Il y a des gens qui vous disent : "Enlève tes lunettes noires pour qu'on puisse voir tes beaux yeux bleus." Et vous avez juste envie de... je ne sais pas, euh... leur casser la gueule."


 


Les lunettes dites "noires" se portent principalement à l’intérieur. Mieux encore: à l’intérieur et le soir (puisque le petit rocker est une espèce nocturne). Voilà bien un public que la firme Bausch & Lomb ne pensait jamais conquérir. Dans l’esprit des mercantis, vendre des lunettes solaires à des idiots noctambules équivalait à vendre du sable à un bédouin. Une forme de Nirvana.


 


Bob Dylan a finement tout résumé : "Parfois, il suffit de se mordre la lèvre supérieure et de porter des lunettes de soleil." Le Zim a toujours eu le sens de la formule définitive et pertinente ; il sous-entendait ici (non sans moquerie pour ses pairs) que n’importe quel gugusse peut être un rocker adulé s’il est capable d’adopter une moue un peu sexy en portant des lunettes de soleil.


Pensait-il spécifiquement à Mick Jagger ? Mystère.


Plus pragmatique, l’excellent dessinateur Philippe Geluck (in Le Chat) a complété les pensées des uns et des autres en expliquant que "Tous ceux que les lentilles font péter devraient porter des lunettes". Les grands penseurs libres finissent toujours par se rejoindre en l’absence de toute concertation.


 

3.- Ray-Ban


Au risque de paraître "extrême", il me semble indispensable de rappeler en préambule que le petit rocker ne peut porter que des Ray-Ban. Aucune autre marque ne peut revendiquer un statut "rock".


Aucune.


A l’extrême (extrême) rigueur (si, par exemple, votre armoire a lunettes sécurisée a été dévalisée), il peut être envisagé de porter très ponctuellement des Oakley (le modèle Masseter pourrait être "supportable") ou des Gargoyles Ansi Terminator. Mais expliquez bien à vos amis proches que vous les avez piquées à votre petite sœur et que vous n’en ferez pas une habitude.


Tout le reste est insupportable. Pas rock du tout. A proscrire. A jeter. A piétiner et détruire. Mais (car il y a toujours un "mais"), quel modèle de Ray-Ban ?


Car il existe deux modèles "orthodoxes" (et seulement deux) qui peuvent ombrer les yeux du rocker sans le transformer en touriste de bord de piscine.


Et le choix est absolument cornélien. Au point que le débat ne peut être tranché qu’à la condition d’avoir l’oreille musicale. J’y reviendrai plus tard.


 

4.- Ray-Ban Aviator


Petit retour en arrière...


C’est une combinaison de science fondamentale germanique et d’art de la guerre américain (deux disciplines qui d’ordinaire n’excitent pas vraiment les petits rockers) qui est à l’origine de nos lunettes de soleil préférées.


Nom de code : Ray-Ban.


Ray pour rayons (du soleil). Ban pour bannir.


Bannir les rayons du soleil. Ca ressemble au nom de code d’une opération militaire. Et c’est précisément le nom de code d’une opération militaire.


C’est ici que l’on en revient à John Arthur Macready, cité en préambule. Au Lieutenant John Arthur Macready pour être précis. L’homme est le meilleur pilote d’essai militaire de son temps. Mais ses petits yeux sont très fragiles. Au retour d’une épuisante mission solitaire de longue durée (trente heures de vol), il contacte Bausch & Lomb, la firme qui fabrique des instruments d’optique pour l’armée américaine.


L’aviateur (c’est important) veut des lunettes de soleil efficaces. C’est une question de sécurité nationale.


La société Bausch & Lomb a été fondée en 1853 par deux opticiens allemands – Bausch et Lomb – qui avaient quitté l’Europe pour s’installer à Rochester, dans l’Etat de New-York.


Il faudra trois ans aux techniciens de la firme pour mettre au point le fameux verre RB3 (R pour Ray et B pour Ban, on y revient) capable de filtrer à la fois les ultraviolets et les infrarouges. Le RB3 a en outre la capacité magique de ne pas déformer les couleurs, ce qui permettra d’identifier les aéronefs ennemis (et, plus tard, les fausses blondes colorées) avec certitude.


En 1936, un premier prototype, équipé d’une monture en plastique, est mis au point.


En 1938, les verres deviennent résistants aux chocs.


En 1939, une magnifique monture métallique est dessinée.


Baptisée logiquement Aviator, la Ray-Ban aux verres RB3 de Bausch & Lomb, adoptée par l’US Air Force, prend son envol.


Pour l’éternité !


 

5.- Ray-Ban Wayfarer


Popularisée en Europe par le passage des soldats américains à la fin de la seconde guerre mondiale, l’Aviator fait un carton.


Mais, et l’ironie rejoint ici l’histoire, tout le monde n’a pas la prétention de jouer les pilotes de chasse. Parfois, il s’agit d’une simple question de prestance.


Alors, un génie nommé Raymond Stegeman se met au travail chez Bausch & Lomb. Il déposera plus de vingt brevets pour son employeur. Comme Ray (diminutif prédestiné) n’aime pas trop les avions, il invente des lunettes de soleil destinées aux vulgaires "rampants" (que, dans le jargon militaire, l’on appelle aussi les "badauds").


En 1952, le modèle Wayfarer ("piéton") débarque sur le marché. Le verre est de la même qualité RB3 que celui des Aviator mais la monture est en résine moulée.


Et c’est un "rampant" (par la force des choses) qui va immédiatement populariser le modèle : le fabuleux Ray Charles.


 


Ceux qui pratiquent un peu l’économie de marché savent bien que la meilleure façon de museler la concurrence est de se concurrencer soi-même en interne.


Et la guerre va rapidement être rude entre Aviator et Wayfarer.


D’autant plus qu’un contrefacteur de talent, le lunetier anglais Oliver Goldsmith, va affubler la divinissime Audrey Hepburn de Diamants sur canapé (1961) d’une copie bluffante de la Wayfarer. L’image d’une croqueuse d’hommes qui dissimule son regard de braise derrière une monture aussi virile va ajouter à la légende de... Bausch & Lomb (qui, subtilement, a laissé faire et laissé croire).


La gent féminine est conquise à son tour. Les jolies filles rock des sixties seront plutôt Wayfarer.


Le modèle connaîtra sa consécration universelle en 1980 par la grâce de Dan Aykroyd et John Belushi. Le génial The Blues Brothers va donner leurs lettres de noblesse aux Wayfarer que l’on retrouvera sur tous les nez people les plus délicatement poudrés, comme ceux de MadonnaMichael JacksonElvis Costello ou Freddy Mercury...


 

6.- Comment choisir entre les Aviator et les Wayfarer ?


Finalement, tout est une question de nuance(s). Si la soirée est franchement rock, les Aviator s’imposent. Par contre, si la soirée s’annonce teintée de nuances de blues (ou de jazz), les Wayfarer sont préférables (2).


Si la soirée est "mixte" (plutôt rock mais plutôt blues aussi), il faut se munir des deux et en changer en temps opportun. Cependant, la question des étuis assez encombrants va devenir cruciale. Nous verrons ci-dessous, dans la rubrique consacrée aux fashion faux-pas, comment le problème peut être élégamment résolu.


 

7.- Quelques affreux fashion faux-pas


Pour ne pas paraître idiot dans une soirée AlbumRock (par exemple), il faut éviter certains pièges grossiers.


Vous me remercierez plus tard...


1.- Rappel : si vous voulez être magnifaïque en public, il faut toujours porter des lunettes solaires. Une exception est tolérable à la piscine municipale (du moins si on se baigne). Mais quel rocker fréquente la piscine municipale ? L’endroit n’est ouvert que pendant ses heures de sommeil. Et puis ça pue le chlore, ça fripe la peau et ça abîme les cheveux.


2.- Sur scène, le rocker, même fort amateur, portera fièrement ses Ray-Ban. Il est vrai que dans la semi pénombre, les cordes des mauvaises imitations italiennes de Fender deviennent difficiles à distinguer. Mais on s’en fout ! Personne n’entend les fausses notes ou les accords foireux sur les photos. La frime passe(ra) toujours avant l’art. (3)


3.- Il faut éviter les lunettes "miroir" au risque de passer pour un cyclotouriste (4).


4.- Il ne faut jamais porter ses Ray-Ban sur le bout de son gros nez pour y voir plus clair (en regardant par-dessus la monture). C’est un foutu truc de vieux rocker boomer. Il est bien plus rock de ne reconnaître personne (appelez tout le monde "Chéri", "Dear", "Trésor" ou "Darling" !) et de heurter les meubles en adoptant une attitude titubante ultra branchée.


5.- Il faut proscrire les imitations de Ray-Ban. Ca se voit à dix kilomètres et ça fait ultra cheap. Évitez de fréquenter des soirées pendant le temps où vous économisez pour un premier achat !


6.- Les petites lunettes rondes à la John Lennon sont réservée à John Lennon. Si vous ne vous appelez pas John Lennon, évitez ce modèle comme la peste ! En plus, on sait qu’il attire les Yoko Ono et bien d’autres fatalités.


7.- Les lunettes à verres bleus à la Tony Iommi sont réservées à Tony Iommi. A la rigueur (et dans un style opposé) à Bruno Gigliotti. Si vous ne vous appelez ni Tony, ni Orlando, évitez les verres bleus ! De toute façon, si vous êtes Orlando, vous ne serez jamais invité à une soirée AlbumRock. En variante, les lunettes à verres mauves sont tolérables le soir d’Halloween.


8.- Les lunettes extravagantes (en forme de cœur, de lettres, de fraises, de notes de musique, ...) sont réservées à Elton John et, dans une moindre mesure, à Mathieu Chedid. Elles sont tolérables le seul jour du Carnaval.


9.- Il est défendu d’enlever ses lunettes durant une soirée. Par ailleurs, il est impossible de transporter les étuis de protection rigides qui, en raison de la forme de la monture, sont trop imposant pour être glissés dans le Perfecto ou dans le Levi’s 501 (à moins, dans ce dernier cas, de chercher un effet facile dit Sticky Fingers Style). Certains de ces étuis sont bien équipés d’une boucle qui permet de les attacher à la ceinture du pantalon mais il alors faut aimer le look Contrôleur RATP Sixties. En définitive, si vous opérez dans une soirée mixte (parfois rock – Aviator – et parfois blues - Wayfarer) et que vous n’avez pas les moyens de faire appel aux services d’un garde du corps personnel portant une veste avec de grandes poches, il faudra vous encombrer d’une bonne copine ultra-fiable pour conserver les étuis dans son grand sac de fille.


10.- Les lunettes à verres roses absolument ridicules devraient être interdites par la Convention de Genève. Même au Carnaval. Même à Halloween. Si l’un de vous croise Bono, ce serait chouette de lui passer le message.


11.- Les lunettes épaisses à monture en cuir bouilli (type pilote de chasse 14-18) sont réservées à Bruce Dickinson qui ne craint pas le ridicule quand il galope partout dans ses culottes en Spandex.


 

8.- Conclusion en chanson


Gibbons, Hill et Beard. "Cheap Sunglasses"...


Quand tu te lèves le matin et que la lumière te colle la migraine


La première chose qui te préoccupe en tombant du lit


C’est de foncer dans la rue pour devancer la foule


Et aller te chercher des lunettes de soleil à deux balles


Oh Yeah ! Oh Yeah ! Oh Yeah !


Preuve qu’il n’y a pas de magasins franchisés Bausch & Lomb dans tous les bleds paumés du Texas...


(1) A défaut de statistiques fiables, je suis incapable de dire s’il y a plus de rockers que de branleurs dans le monde. J’ai un doute. Évidemment, il peut y avoir des branleurs parmi les rockers. Plus rarement des aveugles. Et plus rarement encore des sourds, même si je me pose parfois des questions au sujet des fans de Ghost (pour ne citer qu’un exemple pris au hasard). Mais là, je suis hors sujet.


(2) Avant de sortir, posez-vous prudemment la question de savoir ce que vous allez faire dans une soirée jazz.


(3) Et s’il y a trop de pains, il vous suffira d’incriminer l’ingénieur du son. Le pauvre geek, souvent fort timide, est incapable de se défendre. D’ailleurs, s’il avait une grande gueule comme tout le monde, il serait sur la scène avec les autres et pas en train de s’emmerder à dépatouiller des câbles avec des lunettes de myope.


(4) Et on sait que le petit rocker ne porte jamais de pinces à vélo sur ses Levis 501.


 


 


Si cette article vous a plu, retrouvez notre premier éposode de Rock Iconic Items consacré au Blue Jean Levi’s 501 red tap arcuate

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