The Beatles
Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band
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1- Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band / 2- With A Little Help From My Friends / 3- Lucy In The Sky With Diamonds / 4- Getting Better / 5- Fixing A Hole / 6- She's Leaving Home / 7- Being For The Benefit Of Mr. Kite! / 8- Within You Without You / 9- When I'm Sixty-Four / 10- Lovely Rita / 11- Good Morning Good Morning / 12- Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Reprise) / 13- A Day In The Life
Si le mot "culte" ne devait s'appliquer qu'à un seul album des Beatles, ce serait sans aucun doute Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band, qui fêtera le 1er juin 2004 ses trente-sept ans de bons et loyaux services auprès des oreilles du monde entier.
Rappelons tout d'abord à ceux qui l'auraient oublié que Sergeant Pepper est le premier concept album de l'histoire du rock... Les quatre garçons dans le vent ont eu cinq mois pour se réinventer une nouvelle identité. Le but était en fait pour eux de se se débarrasser de la pression dûe à la Beatlemania (1963-1966) afin de pouvoir disposer d'une certaine liberté en termes d'expérimentation musicale. Paul, John, George et Ringo seront donc durant toute la durée de l'enregistrement (129 jours, un record) membres de l'Orchestre des Coeurs Solitaires du Sergeant Poivre... Un orchestre pas très conventionnel, puisque surfant sur la vague psychédélique des années 60 à laquelle les drogues n'étaient pas étrangères (des phrases comme "I get high with a little help from my friends" ou "Lucy in the Sky with Diamonds" sont là pour le rappeler). La légende veut même que Sergeant Pepper ait été entièrement composé sous acide. Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'il deviendra la bande-son du "Summer of Love" aux Etats-Unis la même année.
Sur l'ensemble de l'album, la diversité des sonorités est ahurissante : on passe du rock classique de "Sgt Pepper" aux mélodies pop traditionnelles ("With a Little Help From My Friends" et "Getting Better"), de l'ambiance hindoue ("Within you without you") aux touches de psychédélisme typiquement lennoniennes ("Lucy in the Sky", "Good morning Good Morning") et des compositions plus matures et introspectives de Paul ("She's Leaving Home", "When I'm 64") et "Fixing a Hole" aux mélodies de foire ("Being for the Benefit of Mr Kite"), avant que "A Day in the Life" ne vienne clore le tout de manière magistrale. Les treize titres de Sergeant Pepper qui s'enchaînent sans aucun temps mort afin de créer l'illusion d'un concert rock, préfigurent en quarante minutes toute l'évolution future du genre !! La richesse des arrangements, le mélange des sonorité et la diversité des instruments (violons en pizzicati sur "She's Leaving Home", clarinette sur "When I'm 64") font de cet album une oeuvre absolument incontournable. Quand on pense que le tout a été enregistré sur un quatre pistes, il y a de quoi s'arracher les cheveux...
Loin d'être uniquement une révolution musicale, l'album constitue également une révolution en terme de para-musique (ce qui entoure la musique et la complète). La pochette de Sergeant Pepper mérite ainsi qu'on s'y attarde. C'est tout à la fois un magnifique écrin pour le disque (EMI y avait mis le prix : environ 1500 £ au lieu des 25 habituelles...) et une parfaite illustration de la culture populaire des années 60 et notamment du mouvement "Flower Power", sous l'influence duquel, c'est bien connu, les guitares se transforment en jacinthes... Jusque-là , les pochettes des Beatles étaient peu, voire pas du tout travaillées. Le grand public avait gardé en mémoire, avant que les Fab Four n'entrent en studio à Abbey Road, l'image de quatre garçons en noir et blanc et aux regards un peu perdus (voir la pochette de Revolver). Le 1er juin 1967, ils ressortent sous la forme de soldats moustachus en uniforme fluo et aux coupes de cheveux ultra-laides. La métamorphose est extraordinaire. Elle démontre à ceux qui en doutaient encore que les Beatles sont l'un des groupes les plus créatifs de l'histoire du rock. Derrière eux posent 87 personnalités ayant marqué l'histoire du monde. Parmi elles, on trouve bien sûr Marilyn Monroe, Marlene Dietrich, Karl Marx, Edgar Allan Poe, mais aussi quelques gourous (sans doute pour faire plaisir à George Harrison qui, décidément, ne s'était pas remis de son voyage en Inde quelques mois plus tôt...). Quant à Jésus et Hitler, ils furent finalement refoulés à l'entrée, en dépit de l'insistance de John Lennon... Quoi qu'il en soit, le résultat est impressionnant, et demeure comme un classique de l'art des sixties.
Mais que reste-t-il donc de Sergeant Pepper aujourd'hui ? Il est certain que l'album a vieilli, peut-être trop marqué par cette couleur psychédélique et le symbolisme "Summer of Love". Il est certain aussi que ce disque, qui marque l'apogée des Beatles, s'annonce en même temps comme le début de la fin. Dès 1967, en effet, les tensions commencent à se faire sentir entre les membres du groupe... George Harrison avouera peu avant sa mort : "Bien souvent ça se terminait avec Paul seul au piano et Ringo gardant le tempo, ce qui ne permettait plus trop de fonctionner comme un groupe. C'était devenu un processus d'assemblage, et je trouvais ça un peu lassant et ennuyeux. [...] Globalement, je n'ai pas aimé faire cet album". Quoi qu'il en soit, trente-sept ans après sa sortie, cet album déjanté est toujours considéré comme l'oeuvre ayant eu le plus d'influence sur les générations suivantes. Plus qu'un album, c'est désormais un mythe, auquel les plus grands, suivant l'exemple de Jimi Hendrix, continuent régulièrement de rendre hommage. Qui a dit que les Beatles étaient morts ?