LIFE
North East Coastal Town
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1- Friends Without Names / 2- Big Moon Lake / 3- Incomplete / 4- Almost Home / 5- Duck Egg Blue / 6- Shipping Forecast / 7- Poison / 8- Self Portrait / 9- The Drug / 10- Our Love Is Growing / 11- All You Are
Tandis que la flamme post-punk ne cesse d’être entretenue Outre-Manche, l’année 2022 touche à sa fin, mine de rien... Cette période généralement moins mouvementée côté nouveautés, laisse enfin loisir à vaquer vers des albums déposés en cours d’année au bord du chemin, intentionnellement ou non. Bien souvent proposés par des groupes que l’on qualifierait “d’outsiders”, ne bénéficiant pas du même coup de projecteur que leurs ainés, ces disques ne sont généralement pas dénués de qualités, et méritent tout autant (si ce n’est pas plus) que l’on s’y attarde.
Nous nous intéresserons ici au cas LIFE, une formation britannique qui passe sous nos radars depuis 2015, peut être justement la faute à un petit label britannique à la renommée limitée (The Liquid Label, vous connaissez ?). Originaires de la petite ville côtière de Hull (c’est effectivement un peu paumé et post-industriel, mais n’est-ce pas la formule pour un bon album de rock anglais ?), le quatuor a discrètement accouché en août dernier de sa troisième production studio. Enregistrée à domicile, uniquement équipés de matos local, North East Coastal Town, comme son titre le laisse entendre, fait honneur à la petite bourgade aux briques rouges délavées et à l’air salin chargé de charbon de nos 4 compères (dont UNE bassiste, ce qui est assez rare pour être souligné). En plus de la sincérité associée au thème abordé, se dégage de cet ensemble de 38 minutes mis en boite en moins de 5 jours, une spontanéité et un esprit d’unité indéfectible.
Commençons par le commencement en s’attardant un moment sur la profonde introduction, indiscutablement la pépite du disque, en course au passage pour décrocher le titre de meilleure pièce post-punk de l’année (difficile de faire mieux que “I Love You” des Fontaines D.C., mais vous reconnaitrez qu’il y a match). Une boucle de guitare lancinante nous embarque ici au beau milieu d’une montée en puissance où chaque couplet est prétexte à accroitre l’intensité pour interpréter le refrain suivant encore plus fort. Le grain sombre emprunté par Mez Green se décalque parfaitement à l’atmosphère tendue, où couches sonores s’imbriquent au fil des minutes pour une progression aux petits oignons. Grisant !
Si vous ne savez pas où donner de la tête pour vous attaquer au post-punk moderne, prêtez donc une oreille à ce disque qui caresse un nombre impressionnant d’influences (vieilles et moins vieilles), façonnant une sorte de kaléidoscope du genre. Nonchalance à la Pavement (“Incomplete”), sursauts punks à la Shame (“Shipping Forecast”, “Poison”), noirceur et profondeur mélodique déchirante à la Fontaines D.C. (“Friends Without Names”), post-punk gouailleur à la Gand of Four (“The Drug”) ou spoken word goûtu façon Yard Act (le génialisime “Almost Home”), LIFE s’inspire goulument de sa scène nationale luxuriante, pour assembler une pièce finalement bien à part dans son écosystème.
Vous l’aurez compris, l’originalité du disque réside dans cette volonté de varier ambiances et textures, frôlant entre autres post-punk ambitieux (bien sûr), pop mélodique apaisée (“Duck Egg Blue” un peu longuet et répétitif tout de même), rock alternatif travaillé (“Our Love is Growing”, très cool dans son genre) et disco new wave dépareillée (le chaloupé “The Drug”). En plus de graviter autour du timbre versatile de leur leader et menés par une section rythmique rigoureuse, nos deux adeptes du manche se partagent la vedette et ne sont pas avares dans leurs mouvements. C’est à niveau égal que nos deux musiciens évoluent dans une sorte de chassé-croisé malicieux, alternant solos, solis et power chords sans modération, conférant aux compositions un flow des plus travaillé.
La basse plus particulièrement aguiche de par sa présence au premier plan, pour une fois non reléguée au poste de métronome, se laissant plus d’une fois tenter par les contre temps et la syncope. Loz Etheridge implante son groove à “The Drug” à grands coups de médiator ou captive sur “Almost Home”, ligne magnétique au bout des doigts, en parfaite adéquation avec la guitare crissante de Mick Sanders et la gouaille de Mez derrière son micro. En plus de mener la dance derrière sa 4 cordes, celle-ci est régulièrement à la tâche, livrant des chœurs avec assurance (“Friends with no names”), et il faut avouer que ces quelques interventions féminines font toute la différence.
LIFE a finalement pris parti pour composer son troisième disque (et surement le plus complet à ce jour), avec cette facette touche à tout où fusent ambiances et influences diverses. Il semble désormais toutefois impossible de ne plus faire le parallèle avec la scène post-punk dans son ensemble à la vue de sa foisonnance et son omniprésence Outre-Manche. On ne criera donc pas au plagiat non, on appréciera plutôt cette audace à récolter autres codes et marqueurs caractéristiques pour se les approprier avec brio. 2022 a été riche, pas uniquement du fait du nombre encore considérable de sorties catégorisées “revival post-punk" certes, mais celles-ci y ont indéfectiblement participé. Avec Fontaines D.C., Yard Act, Black Country, New Road ou encore Black Midi, les sorties se sont vues variées et non moins exaltantes pour un mouvement qui en apparence ne cesse d’évoluer. Le rendez-vous est définitivement pris pour 2023, Shame et The Murder Captal en approche !
A écouter : "Friends Without Names", "Almost Home", "The Drug"