Les Thugs
Radical Hystery
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Premier album autoproduit du côté de Rouen en une dizaine de jours, Radical Hystery portait déjà en lui ce qui fit le son "Thugs". Mur de guitares, chant rageur et désenchanté, rythmes infernaux et mélodies imparables : l'équation avait opéré d'un résultat plus que convaincant. Du bruit, les Thugs savent en faire, comme n'importe quel gamin un brin frustré muni d'une guitare bon marché et d'un ampli suffisamment tenace. Mais là où le quatuor angevin triomphe d'emblée, c'est dans cette capacité à composer en trois/quatres accords seulement des titres à l'efficacité tonitruante. Christophe Sourice et sa bande avaient parfaitement assimilé le dogme punk, "Do it yourself", qu'ils n'ont jamais renié, bien au contraire.
Radical Hystery donc, album de huit titres, puis de dix-neuf lors de sa réédition chez CD Inventaires, sort en hiver 1986. Mais ce n'est pas le froid saisonnier qui transparait dans les compositions mais plutôt la chaleur moite des salles de concerts miteuses dans lequelles les Thugs tournent déjà depuis trois ans. "Never Get Older", morceau d'ouverture, frappe vite et fort. Anxieux et survitaminé, les martellements de caisse claire et les va-et-viens de médiators noient d'emblée l'auditeur sous un déluge sonore. Les paroles, chantées en anglais, n'ont guère besoin de traduction pour que l'on comprène vite la teneur du message que transmet le groupe. Peut importe si les temps présents et à venir n'ont rien d'enviables, ce qui prime en premier lieu c'est de laisser éclater la colère froide qui sommeille en nous. "Le Schpountz", chanson hommage au personnage joué par Fernandel, témoigne de l'attachement que porte le groupe aux classes populaires, à tous les déclassés de France, voire du monde. Lorsque le tempo se fait (légèrement) plus lent, comme sur "Road Closed", le chant et les choeurs s'intensifient comme pour faire résonner encore plus le message d'esperanto qui anime le groupe. "I'm So Bad", "Mad Train", "Where Is The Party?" et "Lost Fight" se suivent par la suite, toutes animées de la même nervosité, des mêmes mélodies expéditives et sans concession, le tout s'achevant sur l'instrumental "Without Annie", avec son riff de guitare envoûtant jusqu'à l'ivresse, s'écrasant sous l'explosion des coups portées aux cymbales et toms d'une batterie que l'on estime un brin endommagée après l'enregistrement.
Sur le CD de rééditions, six titres studios plus cinq live viennent s'additionner à l'album original. "Sunday Time", "Night Dance", "Femme Fatale", "Emotion", "You Say Why" et "Black & Noir" demeurent dans la même veine que ce Radical Hystery de 86, guitares saturées et effets de réverb' répondent présent, avec une mention spéciale pour "Emotion" et son refrain digne des plus grands classiques punk au sein duquel voix rageuse, choeurs entêtants et accords fiévreux poussent à la révolte générale. Enfin les live confirment que les Thugs ne plaisantent pas en concert et délivrent à leur public une intensité extrême dans la manière de jouer leurs morceaux, sans frime ni blabla, bref de vrais brulôts expéditifs lancés comme des pavés aux politiques d'alors. Et qui trouvent une résonance aujourd'hui encore...