↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Iron Maiden


Powerslave


(03/09/1984 - EMI - New Wave of British Heavy Meta - Genre : Hard / Métal)
Produit par Martin Birch

1- Aces High / 2- 2 Minutes to Midnight / 3- Losfer Words (Big 'Orra) / 4- Flash of the Blade / 5- The Duellists / 6- Back in the Village / 7- Powerslave / 8- Rime of the Ancient Mariner
Note de 4/5
Vous aussi, notez cet album ! (88 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 5.0/5 pour cet album
"La forme des pyramides démontre que les ouvriers ont tendance à en faire de moins en moins."
Daniel, le 07/09/2024
( mots)

Égyptologie selon Tintin & Milou

Il existe des domaines du savoir où tout le monde se sent obligé d’avoir un avis très pertinent à émettre. L’égyptologie en fait partie. Certes, le savoir des uns et des autres trouve plus souvent son origine chez Tintin & Milou, Rasmes Klump, Bob & Bobette ou Blake & Mortimer que, par exemple, dans un ouvrage réellement scientifique.

Un domaine aussi fascinant ne pouvait laisser indifférent un touche-à-tout compulsif comme Steve Harris.

Horus seul sait pourquoi mais on ne compte plus les musiciens qui ont fait explicitement référence à cette discipline riche en bobards (1). De Alan Parson’s Project à Earth, Wind & Fire, de Ronnie James Dio à Gamma Ray, de Paul McCartney à Kiss, de Pink Floyd à Jonathan Richman, de Domingo Samudio à The Bangles, …

Loi du Talion

L’extraordinaire plage titulaire – qui inspire le sublime artwork de l’album – est en réalité la seule à se référer aux mystères égyptiens. Il se raconte que les Pharaons recevaient la "puissance absolue" en cadeau des Dieux d’Egypte. Mais cette puissance était un horrible leurre parce que les élus devenaient son premier esclave (2).

On sait que les démons du rock apprécient l’ironie. En invoquant cette malédiction ancienne, Steve Harris va condamner son groupe à vivre un destin similaire. Iron Maiden avait en effet reçu la puissance absolue des Dieux de la NWOBHM. Et…

Bon, la suite est connue.

Marqué par une inhabituelle stabilité de personnel (en ce compris Martin Birch, le producteur emblématique), Powerslave a été enregistré dans une ambiance harmonieuse et féconde. L’album compte sept merveilles absolues que tous les métalleux connaissent (encore) par cœur (3) et un premier signal d’alarme.  

Avec le temps, chacun aura choisi ses pépites favorites parmi les sept merveilles. Grâce à sa construction complexe et des chœurs impressionnants "Powerslave" est un titre absolument incontournable. Au même titre que le prémonitoire "Two Minutes To Midnight".

"Aces High", "Flash Of The Blade", "The Duellists" et "Back In The Village" démontrent à quel point l’implacable puissance de feu du groupe lui garantissait une absolue domination sur la planète métallique. Et, cerise sur le gâteau, "Losfer Words (Big ‘Orra)" prouve qu’Iron Maiden peut également composer à l’occasion un instrumental lyrique d’une rare pertinence, à la limite de l’exercice stylistique.

Le signal d’alarme est évidemment la plage finale, "Rime Of The Ancient Mariner". Si le monde rock se targue aujourd’hui de connaître (sans jamais l’avoir lu, rassurez-moi !) Samuel Taylor Coleridge (1772 – 1834), poète bipolaire et romantique, c’est uniquement à cause de Steve Harris.

Mais, quelle variété de mouche a bien pu piquer le bassiste galopant le matin où lui est venue l’idée saugrenue d’adapter ce texte interminable (4) qui conte les malheurs de quelques marins (et d’un albatros) à la dérive.

Avec ses 13 minutes au compteur, "Rime..."reste la parfaite démonstration de ce qu’il ne faut définitivement pas faire (5). Après une intro prometteuse troussée sur un mid-tempo qui permet à Bruce Dickinson d’exposer ses fabuleux talents de conteur, le titre s’embourbe dans un canevas prétentieux, pénible et répétitif, ponctué par des citations ampoulées du poème original (murmurées par on ne sait trop qui).

En concert, c’était le moment où les Irons rabiques s’en allaient soulager tranquillement leurs vessies respectives avant d’allumer un clopot et partir à la quête d’une bière fraîche (6). Une vraie mi-temps de match de foot.

Il y a des œuvres classiques (et maudites) auxquelles il vaut mieux ne pas toucher. La versification de S.T. Coleridge en fait clairement partie. Dont acte.

Qui pète sans arrêt plus haut que son cul finit par maculer sa culotte...

Avec Powerslave, Iron Maiden a atteint les sommets ultimes de son art. A tel point que le groupe se retrouve seul en son royaume de sable. Dans ce cas de figure, il ne reste au vainqueur qu’à se mesurer éternellement à lui-même ce qui l’anéantit rapidement. C’est la malédiction égyptienne du sekhem.


On n’invoque pas sans risque les divinités du passé car le passé est un présent en devenir.

C’est pourquoi cet album parfait marque la fin de la NWOBHM. Et la fin d’Iron Maiden en tant que fraternité revancharde issue de la classe populaire et banlieusarde.

C’est un autre groupe du même nom qui va désormais s’obliger à pratiquer une musique plus "sophistiquée" (7), en répudiant cette brave Charlotte qui avait fait ses délices, en snobant désormais des petits meurtres de la Rue Morgue et, surtout, en oubliant que ce fichu punk d’Eddy n’avait jamais pu piffer ni Yes, ni King Crimson ni Emerson, Lake and Palmer.

Je sais que mon propos est empreint de nostalgie stupide. J’assume. Fondamentalement, le fan est toujours un conservateur de la pire espèce. Pourtant, il est logique qu’un artiste cherche à s’affranchir de ses influences originelles. Tout le monde cherche un jour ou l’autre à "tuer le père". Mais – et c’est un avis purement subjectif et strictement personnel – Iron Maiden n’a jamais eu l’étoffe intellectuelle de ses nouvelles ambitions.

Après avoir précédé une des vagues rock les plus excitantes du XXième siècle (le temps d’enregistrer cinq albums mythiques), le groupe va se retrouver à la traîne, ballotté dans le sillage houleux d’un rock "progressif" (8) dont il ne maîtrisera jamais les codes de façon satisfaisante (9).

Par conséquent, cette chronique met un terme à mon émouvante histoire d’amour avec une Vierge de Fer qui incarne ce que la NWOBHM aura jamais fait de mieux. Je cède volontiers la place au nombreux public qui a légitimement remplacé les Irons originels et qui va suivre fidèlement le groupe dans ses délires ultérieurs. Ce sera sans moi. Et sans regret ni remord...

Up, new Irons !


(1) Même le rap de Marseille célèbre Akhenaton, tandis que l’autoproclamé et avisé Maître Gims a enfin appris au monde ébahi que les pyramides étaient des générateurs électriques.

(2) On en revient à la pochette de The Number Of The Beast où Eddie était à la fois marionnette et montreur du Diable en personne.

(3) Je pourrais écrire « par chœur » puisque tous ces titres étaient chantés par le public durant le World Slavery Tour qui a suivi.

(4) 143 strophes à géométrie variable que Mc Mahon, qui avait un meilleur sens de la formule, a pu résumer en une sentence fameuse : "Que d’eau, que d’eau..."

(5) Johnny m’en est témoin, lui qui a bien consacré un double album à une adaptation involontairement hilarante de Hamlet du grand William S.

(6) Je jure que c’est vrai. Même que je l’ai fait.

(7) Je n’ose pas écrire "progressive"…

(8) Mais, finalement, je l’écris quand même…

(9) Ce qui me fait penser à ce chroniqueur littéraire qui avait écrit (non sans clairvoyance) qu’Alfred Elton Van Vogt (un de mes préférés) était un écrivain nain qui s’obstinait à taper ses textes sur une machine à écrire de géant. La critique était pleine de bon sens. Pour avoir la référence, il suffit de relire Le monde des Non-A. Par exemple... 

Note de 4.0/5 pour cet album
Romain, le 19/04/2006

1984, après une longue période de difficulté pour se stabiliser, Iron Maiden sort son cinquième album, mais surtout le deuxième avec le line up le plus célèbre : Steve Harris à la basse, Dave Murray et Adrian Smith aux guitares, Bruce Dickinson au chant et enfin le dernier venu : Nicko McBrain à la batterie. Powerslave ouvre alors la période faste d’un groupe qui est parvenu à sa pleine maturité. Après le départ de Di’Anno, Iron Maiden s’avère de moins en moins rock’n’roll et de plus en plus heavy : solos définitivement inévitables, chant haut perché, abandon des "slow" à proprement parler, architecture plus complexe et prédominance de la mélodie. Alors que les compositions dans The Number of the Beast, premier album après le départ de Di'Anno, gardaient la trace de l’influence de celui-ci, Piece of Mind offrait un an plus tard des tubes typiques, tels que "The Trooper" ou "Flight of Icarus". Toutefois, cet album ne parvenait pas à convaincre dans la longueur. Et c’est là qu’un changement notoire intervient. A une époque où les albums concepts ont la côte, Iron Maiden a décidé de ne plus se limiter à la composition de chansons mais tend à réaliser un album doué d’une véritable unité, d’une coloration et d’une structure réfléchie. A l’instar des deux albums qui suivront, la pochette ne se contente pas de croquer Eddie dans une situation parlante, mais cherche à créer un univers. Ici c’est un thème inspiré par le sable et les pyramides de l’Egypte antique qui donne le ton. Mais un bref survol des paroles donne les limites du concept : il ne s’agit ni d’une œuvre narrative, ni d’un opéra rock. Pourtant, à travers la sonorité des titres et leur agencement dans l’album, les 51 minutes s’écoutent sans ennui ni accroc. Powerslave s’ouvre sans préambule : "Aces High" et "Two Minutes to Midnight", puissants et efficaces, sont la digne relève de "The Trooper". Ils précèdent une curiosité dans la discographie de la vierge de fer : un titre instrumental nommé "Losfer words". Moins frénétique, il ménage l’auditeur avant que ne s’enchainent à nouveau des morceaux efficaces et corrects, accompagnés du cortège de solos et de guitares harmonisées qu’on est en droit d’attendre de la part de Dave Murray et Adrian Smith. "Back In The Village" offre au passage un riff extraordinaire qui a réjoui plus d’un guitariste. Mais avant que tout le monde ne s’endorme à l’écoute de ces chansons au format plutôt standard, Maiden nous propose un titre au tempo moins frénétique et à l’architecture plus narrative : une rupture mélodique - à vrai dire un peu mièvre - ouvre une série interminable de solos. Mais cette première tentative mitigée de sept minutes n’est qu’un avertissement. Car que serait un album de Maiden sans une petite référence à la littérature ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la connaissance des Londoniens ne s’arrête pas à l’épisode de la bête dans l’Apocalypse de Jean. Ainsi, c’est une adaptation du long poème de Samuel Taylor Coleridge, Le dit du vieux marin, qui clôt l’album. Certes, la forme en "résumé" en vers, agrémentée de quelques citations, tient un peu du sacrilège. Mais à défaut de rendre parfaitement et avec subtilité l’essence de l’œuvre romantique, Iron Maiden démontre que même dans le heavy metal, on peut composer un titre proche du quart d’heure et provoquer l’enthousiasme. L'architecture du titre permet de coller à la narration sans jamais se disperser. Steve et ses compères sont certes loin de la musique savante, mais ils nous montrent qu’ils ont un véritable sens de l’épique. Preuve qu’il n’est pas besoin pour cela de sampler de ridicules bruits d’épée comme Manowar, de se payer d’un orchestre lyrique en quête de rémunération, ni de s’encombrer de l’inéluctable topos sur la composition de Bach propre aux métalleux cultivés. Au final, non content de produire un de leur meilleur album, Iron Maiden sortira l’année suivante un live désormais mythique qui offre des interprétations encore plus puissante de ces titres : le Live After Death.

Commentaires
FrancoisAR, le 08/09/2024 à 11:22
C'est un excellent bon album mais je préfère tout de même les deux suivants, plus prog' en effet - et diablement bien réalisés ! Vive les synthés.
DanielAR, le 07/09/2024 à 16:58
Merci Sébastien ! A vrai dire, je ne suis pas "sévère". Je me permets simplement d'être de mauvaise foi comme peuvent l'être tous les (très) vieux rockers. Et la comparaison avec "Painkiller" me réjouit parce que c'est un album que je continue à écouter aussi avec respect et émotion.
Sébastien , le 07/09/2024 à 12:30
Même si j'adore "The Number of the Beast", objectivement "Powerslave" est le meilleur album d'Iron Maiden et le meilleur album de heavy metal traditionnel avec "Painkiller" de Judas Priest. Si j'aime moins la période à orientation "prog" du groupe, je suis moins sévère que vous. En revanche, j'apprécie l'album "Fear of the Dark", certes inégal car trop long, mais dans lequel je retrouve un peu l'esprit de la période 82-84.