Graveyard
6
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1- Godnatt / 2- Twice / 3- I Follow You / 4- Breathe In Breathe Out / 5- Sad Song / 6- Just A Drop / 7- Bright Lights / 8- No Way Out / 9- Rampant Fields
Par ses tribulations, Graveyard incarne une forme de telenovela rock à la sauce suédoise. Après sa séparation en 2016, immédiatement suivie d’une reformation et d’un nouvel album (Peace, 2018), le groupe s’était muré dans plusieurs années de silence laissant croire qu'il était à nouveau au point mort, jusqu’à l’annonce en 2023 d’une nouvelle résurrection discographique post-COVID. Pour un combo n’ayant à son actif que six albums, c’est presque plus qu’un vieux groupe multipliant ses ultimes tournées.
Puisqu’il est question de ce sixième opus, on relèvera la sobriété de son intitulé digne de Soft Machine : 6, en chiffre arabe, auquel le groupe semble accorder une symbolique puisque tous les titres sont ainsi numérotés sur la pochette. Le nombre de la Bête ? Peut-être, mais à regarder de plus près, on remarque qu’il y a neuf pistes, soit un six inversé, dont la forme évoque les deux parties du yin et du yang s’imbriquant parfaitement (toute métaphore sexuelle exclue) malgré leur caractères opposés.
Cette interprétation numérologique qui dessine deux faces contradictoires mais complémentaires définit bien l’esprit de l’album qui multiplie les piste très calmes, entre les morceaux planants et les ballades bluesy, en les alternant avec des morceaux plus heavy – et plus typiques du groupe.
À ce titre, Graveyard fait un pied de nez à l’auditeur avec "Godnatt", une entrée en matière surprenante qui nous entraîne dans une sorte de divagation planante particulièrement douce, une ambiance reproduite sur "I Follow You" bien que ce titre bascule ensuite dans un registre heavy-psychédélique. En effet, la couleur retro demeure et le puissant "Twice", qui sent bon le hard-rock de Détroit un peu garage de la fin des 60’s (pensez aux Stooges ou au MC5 voire à Grand Funk pour les refrains plus fédérateurs), ne nous fera pas dire le contraire. Dans son meilleur titre ("Breathe in Breath out"), Graveyard associe cette touche revival à une interprétation dans le style de Nick Cave, notamment pour le chant grave et les chœurs Motown, et l’enrichit de belles lignes mélodiques à la guitare qui culminent lors d’un solo bavard nous ramenant au tournant des 60’s.
Ces remarques enthousiastes doivent néanmoins être nuancées en évoquant le sérieux problème de dosage qui se fait cruellement ressentir dans la suite de l’album. La multiplication des pistes calmes fait courir le risque de l’ennui, et certains penseront que si prises isolément, les ballades bluesy comme "Sad Song", "Rampant Lights", "Bright Lights" ou une pièce plus folk comme "No Way Out" (avec une vraie touche Opeth), pourraient être sympathiques, elles finissent par lasser dans leur succession. Car dans cette deuxième moitié d’album, seul le fougueux "Just a Drop", très représentatif de leur esthétique, relève un peu la tête – bien qu’il soit lui-même assez contrasté.
Nous tirons donc un bilan mitigé de 6 que nous avons pris le temps d’écouter de nombreuses fois pour dépasser nos doutes et saisir ce qu’il avait de meilleur, preuve de notre attachement au groupe. Hélas, nous restons dubitatifs face au cheminement esthétique de Graveyard, une espèce d’entre-deux étonnant puisqu’il s’attache à conserver le même style que celui développé sur les autres opus tout en axant le propos sur une dynamique globale très apaisée, entre le blues et la ballade, jamais mièvre mais forcément peu énergique. Peu de choses mémorables en résultent, malgré un disque globalement solide. Un résultat tout juste bon, qui n’empêche pas le groupe de stagner dans le ventre mou de la scène revival suédoise où il avait déjà rétrogradé depuis quelques années.
À écouter : "Breathe in Breath out", "Just a Drop"