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Billet Concerts

Adieu cher Grateful Dead


Steven Jezo-Vannier, le 07/07/2015

Époustouflant. adj. « Qui provoque une vive admiration, qui stupéfie par son caractère extraordinaire, prodigieux » (Larousse) À couper le souffle. Certaines expériences nous rappellent parfois le sens des mots et des expressions. Hier soir (6 juillet 2015), 19h30, après un périple autoroutier de 170km, j'ai assisté à l'un de ces spectacles : la retransmission mondiale par satellite du concert d'adieu du Grateful Dead, Fare Thee Well. Reformé exceptionnellement, vingt ans après sa séparation, pour une série de cinq derniers concerts célébrant cinquante années d'existence et de création musicale sans équivalent ni concurrent réel connu, le groupe a offert une seule et/ou dernière chance de le découvrir en live. Les deadheads américains le clament depuis les premiers pas du groupe dans les soirées acidulées de la Californie des sixties : « There is nothing like a Grateful Dead Concert ». Oui, un concert du Dead est une expérience et pourtant, je ne ferai aucun live report.

Je pourrais parler de l'esprit et du jeu intact qui se cachent derrière les voix et les visages fatigués. De la mécanique, préservée, sublime. Car si certains rouages montrent des signes s'usure en surface, au début de deux ou trois chansons ("Mountain Of The Moon" notamment), il suffit de quelques minutes de jam, une huile précieuse, pour graisser la machine et révéler la précision et la perfection de l'engrenage ("China Cat Sunflower/I Know You Rider", "Throwing Stones", "Cassidy", "Althea", "Terrapin station"). L'osmose est là, comme au premier jour. Et chaque chanson, étirée sur plus d'un quart d'heure, offre un voyage auditif, sensoriel et émotionnel ("Space"), au côté des musiciens et de la grande communauté des fans rassemblée dans le stade Soldier Field de Chicago et dans les salles de cinéma du monde. Il y a une émotion palpable (sur "Unbroken Chain", et surtout les rappels "Touch Of Grey" et "Attics Of My Life") à redécouvrir le groupe et célébrer avec lui le temps passé. « What a long strange trip it's been ». Ce soir plus que jamais, les paroles de “Truckin'” ont du sens.

Endormie depuis deux décennies, la magie du Dead est encore puissante et chaque séquence instrumentale en fait la démonstration. Le quatuor fondateur et survivant (Phil Lesh à la basse, Bob Weir à la guitare rythmique et les batteurs Bill Kreutzmann et Mickey Hart) est en pleine capacité de ses moyens, et l'incroyable solo de batterie achève de convaincre les plus sceptiques, s'il en était encore quelques-uns pour douter des ressources du groupe. La prestation des rhythm devils est plus diabolique que jamais. Explorateur des ondes et des vibrations, maître des percussions et des schémas cérébraux, Mickey Hart orchestre un long break, l'incontournable "Drums" qui donne la mesure de l'envergure artistique de ce groupe. Les trois amis et compagnons venus épauler les musiciens n'ont pas démérité : aux claviers, Bruce Hornby et Jeff Chimenti, et à la guitare soliste, Trey Anastasio, leader du groupe Phish et digne héritier de Jerry Garcia. Le célèbre promoteur Bill Graham le disait déjà dans les années soixante-dix : « Ce ne sont pas seulement les meilleurs dans leur spécialité, ce sont aussi les seuls ».

Je ne ferais pas de live report parce que je n'ai pas trouvé les mots pour en parler, aucun autre mot que « époustouflant ». Pourtant, puisque la musique est un langage, le Grateful Dead est pour moi comme une langue maternelle apprise sur le tard, mais nous ne sommes visiblement pas très nombreux à la parler en France. Seules six salles (à Paris, Marseille, Strasbourg, Mérignac, Le Pontet et Ploërmel) retransmettaient le show dans le pays – d'où les 170 km parcourus – et nous n'étions qu'une poignée, peut-être une douzaine dans la salle bretonne où je me trouvais... à titre de comparaison, il y avait plus de cent soixante-dix salles dédiées en Angleterre ! Et le groupe n'y a guère joué plus de fois qu'en France. Certes, nos voisins britanniques sont plus sensibles au rock, une langue qu'ils sont visiblement plus nombreux à parler. Mais que conclure des vingt-trois salles allemandes, des douze suédoises, des dix croates, des huit autrichiennes, des sept espagnoles et finlandaises, et des six salles belges, autant qu'en France pour un territoire vingt fois plus petit... Outre le manque d'intimité du public français avec le rock, il faudrait aussi pointer le manque de publicité de l'événement. Ceux qui l'ont raté en live pourront se rattraper le 20 novembre avec la sortie des CDs et du DVD monté à partir des différents concerts.

Ce n'est pas parce que nous sommes très peu en France à avoir vu ce concert hier que je ne ferai pas de live report, mais tout simplement parce que le Grateful Dead est une expérience intérieure, introspective. C'est un langage des profondeurs. D'ailleurs, je n'ai jamais vraiment su dire si cette musique entrait en moi ou m'en faisait sortir, comme happé. Mickey Hart répondrait sans doute « les deux en même temps ! ». La question me brûle encore l'esprit en sortant du cinéma, déboussolé par 3 h 40 de concert, de retrouvailles et de communion avec la grande famille du Dead ("Not Fade Away"). J'image alors les milliers d'autres fans dans le monde que ces adieux laissent tous un peu morts et surtout très reconnaissants pour cinquante ans d'une musique devenue immortelle. Il ne reste plus qu'à rentrer, reprendre la route au son du « Dark Star » de Sunshine Daydream (concert du 27 août 1972 à Veneta), pour poursuivre un peu l'expérience et laisser conduire sa barque dans l'obscurité éternelle.

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Commentaires
Alain L., le 20/07/2015 à 20:46
Merci pour ton texte, Steven. Dans la salle parisienne où j'ai suivi la retransmission, et qui pouvait contenir quelque 300 places, nous n'avons pas été plus d'une cinquantaine de deadheads. Mais quel plaisir, quelle émotion, quels sentiments !… La set list de cet ultime concert ne m'a pas vraiment emballé, mais tout fut admirablement joué, et retrouver Phil, Bob, Mickey et Bill, même vieux, décatis, et chantant mal (avouons-le), fut, pour moi, bouleversant. Le miracle de l'année.