The Stooges
Fun House
Produit par
1- Down On The Street / 2- Loose / 3- T.V. Eye / 4- Dirt / 5- 1970 / 6- Funhouse / 7- L.A. Blues
Les années 70 avaient-elles meilleure façon de commencer qu’avec la parution du deuxième album des Stooges ? Peut-être mais vraiment pas sûr tant cet album met une claque systématique à celui qui l’écoute et ce presque 40 ans après sa première sortie.
Les Stooges ce sont d’abord une bande de jeunes s’étant déjà fait remarqués grâce à leur premier album et qui, avec ce second opus, confirment qu’il ne sont pas vraiment en phase avec l’ambiance "flower power" et "peace & love" de l’époque. Ici pas de bons sentiments, pas d’amour des peuples, pas de mélodie planante : on attaque ce disque à toute berzingue, dans une moiteur sexuelle, on s’accroche pour ne pas être largué en route et, si possible, on garde un couteau calé dans sa botte au cas où.
Fun House est un disque violent, brûlant, à l’image d’Iggy Pop, leader charismatique du groupe. Iggy chante, crie, déclame ses textes avec une brutalité et une suavité mêlées comme jamais ça n’avait été fait et comme jamais ce ne fût fait depuis. Et pour chanter de telles paroles il fallait bien la voix et la figure de l’iguane : sexe, virées nocturnes, partouzes, bagarres, drogues… Iggy raconte ici sa vie quotidienne, vraiment pas triste ! Les mots sont crus et on le visualise très bien cavaler dans les rues complètement défoncé aux acides sans trop savoir ce qu’il cherche.
Parmi sa garde rapprochée l’iguane a son premier lieutenant : Ron Asheton. Sa guitare distordue, criarde, agressive, vous met des coups de boule tout le long du disque et même des coups de boules de plus en plus fort tant le disque monte en puissance. Si on arrive à éviter les gnons on arrive à capter la virtuosité du bonhomme qui tripote les riffs bluesy et fuzzy en en faisant des rouleaux compresseurs auxquels seuls les plus forts survivront. Pour l’anecdote Ron aura vraiment été l’homme à tout faire sur ce disque en ce qui concerne la gratte puisqu’il y joue les deux parties de guitare. Et sur Fun House la guitare est un individu à part entière, un être vivant, un membre du groupe : ses cris, ses complaintes résonnent réellement comme une "seconde voix", tourmentée et hurlante.
Le disque, donc, ne cesse de grimper en violence et en son crado du début à la fin. Dans le morceau "1970" un saxophone s’invite à l’orgie et ne la quitte plus jusqu’à la fin. On est alors entre rock n’ roll, free jazz, rythm n’ blues. Il n’est pas forcément nécessaire de chercher à savoir où on se situe musicalement à ce moment là : on est juste chez les Stooges, dans la Fun House. Ces gars là ont leur univers, leur propre vision du rock, et l’album se termine dans un immense orgasme noisy où les instruments se font l’amour les uns les autres. Le mot "bordel" prend alors tout son sens.
Ce disque a été fait sous les influences de plusieurs drogues, c’est une évidence lorsqu’on l’écoute et c’est une vérité confessée depuis longtemps par les Stooges, mais c’est surtout un disque fait par un groupe unique : rencontre d’énergumènes, parmi lesquels un génie, qui ne pouvaient faire autre chose de la musique et qui sont des miraculés de leur époque tant il est frappant que leur destin semblait clairement de finir overdosés dans un caniveau. C’est justement avec cette force animale du paumé qui découvre la vie et tous ses excès que Fun House, l’un des meilleurs albums rock de tous les temps, a été pondu.
Sept ans plus tard le punk éclatera mondialement, mais dès 1970 Fun House lui montrait le chemin.