
The Dresden Dolls
Yes, Virginia...
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1- Sex Changes / 2- Backstabber / 3- Modern Moonlight / 4- My Alcoholic Friends / 5- Delilah / 6- Dirty Business / 7- First Orgasm / 8- Mrs. O. / 9- Shores Of California / 10- Necessary Evil / 11- Mandy Goes To Med School / 12- Me & The Minibar / 13- Sing


Dualité complémentaire sont les deux mots qui parviennent le mieux à résumer l’essence de ce groupe de Boston. Plantons le décor pour mieux comprendre : un cabaret berlinois des années 20, sur scène les deux poupées en question, habillées en conséquence et poudrées de blanc. Elle, ex artiste de rue, se confie à travers son piano sur lequel elle plaque ses accords et ses confessions. Lui, métalleux reconverti, s’éclate à la batterie, hilare, en véritable pantin désarticulé. On peut dire que ces deux là se sont bien trouvés. Rencontrés lors d’une fête d’Halloween (tiens donc), Amanda Palmer et Brian Viglione ont mixé leurs goûts et leur talent pour aboutir à un style de musique… indéfinissable. Punk cabaret ? Dark wave ? Dresden Dolls, c’est un peu tout ça à la fois, un mélange de genres aussi barré que maîtrisé.
Bien sûr, il y a un peu d’appréhension lors de la première écoute. Faut dire que leur premier album, The Dresden Dolls, avait fait son petit effet en 2004 et avait réuni une véritable communauté de fans, eux-mêmes artistes pour la plupart, grimés et habillés à la manière de leurs idoles. Alors Yes Virginia se contentera t-il de piétiner sur place, reprenant la recette du grand frère, à savoir des petites chansons glauques sur une toile de fond gothico-vaudevillesque ? Heureusement, non. L’album reste certes fidèle à leur univers déjanté -parfois touchant ("Shores Of California"), parfois burlesque ("Me And The Minibar")- mais tout en ayant l’intelligence d’aller ratisser un peu plus loin, du côté du rock mainstream, agrandissant ainsi le cercle d’adeptes. La scénarisation des chansons perdure elle aussi : le titre "Mrs O" fait référence à une lettre envoyée par une fillette (prénommée Virginia) au New York Sun en 1897 dans laquelle elle demande si Santa Claus existe vraiment. Et le journal de s’empresser de la rassurer avec la réponse attendue... D' où le Yes Virginia, vous l'avez compris. Le ton est donné, les paroles balanceront entre naïveté infantile et désillusions liées à l’âge adulte. Les explosifs "Sex Changes" et "Dirty Business", tout deux dopés aux cymbales, suffisent à prouver l’énergie de l’album. Amanda martèle littéralement les touches de son piano avec ferveur, "Am I a poster girl ?" s’exclame t-elle, en pleine crise identitaire.
Loin d’avoir l’esprit étriqué, les Dresden Dolls se risquent à maintes reprises hors de leur petit théâtre pour nous livrer des chansons engagées dans lesquelles ils défendent les nombreuses causes chères à leur cœur. Ainsi la poupée Palmer hausse le sourcil (redessiné au crayon) dans "Mandy Goes to Med School" où elle parle avec humour (noir) de l’avortement et sur "My Alcoholic Friends" dans lequel elle met à plat les tabous de tous les ivrognes de la terre. La plus intimiste "Delilah" permet entre temps de souffler et "Sing" clôture joliment et amèrement l’album, nous invitant à chanter, tous en choeur : "Sing cause it’s obvious, sing for the astronauts sing/ Sing for the president, sing for the terrorists sing". Depuis leurs concerts en première partie de Nine Inch Nails en 2005, les poupées de Dresde ont parcouru un bon bout de chemin. La délicatesse qui flirte avec l’urgence punk, la voix chuchotée qui succède aux hurlements, c’est cette étrange alchimie qui rend ce duo unique. Ou quand un équilibre musical inqualifiable devient fascinant…