Spock's Beard
Brief Nocturnes and Dreamless Sleep
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1- Hiding Out / 2- I Know Your Secret / 3- A Treasure Abandoned / 4- Submerged / 5- Afterthoughts / 6- Something Very Strange / 7- Waiting For Me
On avait laissé Spock’s Beard dans une forme olympique en 2010 avec un X triomphal qui adoubait enfin le line-up reserré à quatre membres après le départ de Neal Morse et trois albums relativement poussifs, ou en tout cas pas au niveau des V et autres Snow. C’est sur cet entrefaite que Nick D’Virgilio a pris la poudre d’escampette un an plus tard pour vaquer à sa propre carrière solo : dès lors, pour les trois larrons restants, tout était à refaire. Pas de réel soucis en ce qui concerne le poste de batteur : puisque D’Virgilio ne pouvait officier à la fois au chant et aux caisses sur scène, c’est à Jimmy Keegan, remplaçant cogneur du leader en live, qu’est revenu naturellement le job. Pour ce qui est du chanteur, le trio d’anciens s’est rabattu sur une valeur sûre du progressif ricain en la personne de Ted Leonard, actuel frontman des relativement peu connus Enchant qui officient peu ou prou dans le même registre que celui de la barbe de Spock. Restait à savoir ce qu’allait donner ce nouvel alliage.
Pour tout dire, Brief Nocturnes and Dreamless Sleep déçoit avant de convaincre. Adieu le subtil équilibre retrouvé avec le Mach 2 de la formation, le côté sombre et viril de D’Virgilio et la hargne de sa batterie : en lieu et place, Leonard donne dans un registre de voix plus lyrique et haut perché, et même si techniquement on n’y trouvera rien à redire, on ne pourra s’empêcher de frémir d’effroi à l’écoute d’un "Submerged" qui dégouline de sentimentalité poisseuse. En terme de frappe, Keegan assure sa place mais sans faire preuve d’une réelle personnalité. Plus gênant, l’entame du disque laisse poindre des carences ou des détails énervants : "Hiding Out" possède un bon riff groovy qui déboîte mais pas grand chose de plus, le gimmick de synthé de "I Know Your Secret" s’avère aussi redondant qu’ennuyeux aux entournures, et "A Treasure Abandoned" brille autant par sa pertinence que par son ultra-clacissisme. A ce stade de l’écoute, on se demande si Spock’s Beard a réellement eu raison de s’acharner à poursuivre sa (longue) carrière après avoir eu à subir la perte de deux frontmen successifs.
Mais c’est bien connu : c’est lorsque l’on se trouve dos au mur que l’on est capable de se dépasser. Parce qu’ils ne sont pas nés de la dernière pluie et parce qu’ils connaissent leurs limites, le trio Alan Morse - Dave Meros - Ryo Okumoto a encore su se prémunir contre un songwriting vide de sens en faisant appel à une aide extérieure. Outre le désormais habituel John Boegehold, c’est bel et bien Neal Morse qui est revenu prêter ses talents d’écriture sur "Afterthoughts" et "Waiting For Me". Même si on ne s’attend plus forcément à des miracles avec Neal - on pense en particulier à son récent supergroupe Flying Colours, pas franchement inoubliable - on ne saurait nier que son empreinte sur Spock’s Beard reste la plus appréciable. Dialogue vocal fier, polyphonies à l’ancienne, gros riff hard qui balance, "Afterthoughts" ne démérite nullement. Quant à "Waiting For Me", point d’orgue de douze minutes, il démontre, une fois encore, que le groupe sait y faire en terme de filiation Yessienne (ou Yessiste, comme bon vous semble) malgré un refrain passablement plat et un final étiré inutile. Finalement, c’est encore le retors "Something Very Strange" qui emporte le plus facilement les suffrages en nous entraînant dans ses circonvolutions instrumentales flamboyantes et sa jolie mélodie lyrique en très haute altitude.
Que cela soit dit : fondamentalement, Spock’s Beard n’a rien perdu de son ineffable classe, mais il manque à cette troisième mouture le liant et l’émotion que les effectifs Morse puis D’Virgilio avaient mis des années à affiner. Si les natifs de Los Angeles persistent à enchaîner les albums à l’avenir (et c’est bien parti pour), gageons que l’on pourra certainement attendre d’eux un nouveau grand disque... à l’horizon 2019.