Silhouette
Les Retranchements
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1- Ascension / 2- La Première Neige / 3- Au Seuil de L'Oubli / 4- Interlude / 5- Les Retranchements / 6- L'Etreinte de La Chute / 7- Outro
Nous voici à nouveau égarés sur les eaux du black-metal si propices à l’expression de formations françaises menées par des chefs de file tels que Regarde Les Hommes Tomber. Pourtant, ici, l’attraction et notre curiosité ne sont pas captées par les émulations habituelles du registre. Si la brume et les angoissants secrets qu’elle renferme nous encercle dès les premières notes de "Ascension", la tempête attendue n'est pas encore prête de frapper. Au contraire. Dans les échos de cette aveuglante quiétude, nous parvient une voix : belle, fascinante, cristalline. Sa pureté s'est emparée de notre voile. Elle nous pousse à sa rencontre vers laquelle désormais, nous voguons avec hâte et insouciance.
L'ascension arrive à son terme au moment où nous apparait la chanteuse Ondine. L'envoutement a fonctionné, il n'est plus possible de faire demi-tour. L'espace s'est figé sur ces dernières phrases :
"L'aube et ses clartés de vapeurs obstruées. Puis les nuits, l'aurore et les jours du temps qui s'enfuit".
La réalité s'érode alors sous notre embarcation qui plonge dans le domaine des Montpelliérains de Silhouette, celui que le groupe a baptisé Les Retranchements avec ce premier EP. Son royaume, où la tempête du black-metal se transforme en un hiver dans les enfers dont les portes s'ouvrent au blizzard du riff de "La Première Neige". Au-devant de la lourdeur rythmique et de la puissance mélancolique des arpèges, le chant de Ondine gagne en assurance. La voix d'un ange-démoniaque, qui peut rappeler celle de Sylvaine par ses intentions mystiques, pose la personnalité et l'authenticité de Silhouette. Avec elle, la formation montpelliéraine peut s'adonner à des instants de pur relâchement contemplatif ("Interlude" ; "Outro") générateurs de cette traversée atmosphérique. Les Retranchements se propose comme un voyage à l'intérieur d'un cauchemar dans lequel Ondine serait une guide distante, presque médisante, mais nécessaire pour ne pas s'égarer dans les ténèbres, car tous les cauchemars renferment leur monstre. Chez Silhouette, il prend vie au son de la seconde voix du groupe incarnée par Yharmam. Une créature de souffrance révélée au son de ses hurlements déchirants qui nous pourchassent tout du long de l'EP. Le black-metal peut alors laisser éclater toute sa furia sur "L'Etreinte de La Chute". Les blast beats explosent au côté des cris de Yharmam, tour à tour vénéneux quand ils ne sont pas aliénés. On regrettera le couplet partagé au son d'une voix claire et hésitante du chanteur sur le morceau éponyme "Les Retranchements".
Pour le reste, aucune fausse note. Le premier EP de Silhouette se traverse au son conjugué de ses deux voix. Le chant d'une sirène et les morsures d'un démon déchaîné. Deux protagonistes qui donnent vie et insufflent l'âme d'une musique intensément sombre, parsemée de quelques éclats poétiques à l'image de ses lignes entendues sur "La Première Neige" et révélatrices du contenu de l'EP :
"Un long périple à travers les tumultes. Des soleils vigoureux aux nuits occultes".
Parmi les instants marquants, on retiendra le troublant "Au Seuil de l'Oubli" et sa superbe introduction marquée par l'entrée vocale exceptionnelle de Ondine.
Avec son premier EP, Silhouette marque instantanément les esprits par l'authenticité de sa musique. Trouvant son alchimie dans l'antagonisme des deux voix qui la porte, la formation montpelliéraine dévoile une personnalité musicale unique. Si le groupe évolue avec pertinence dans le registre black-metal, l'expérience stylistique est singulière avec la présence de plusieurs instants atmosphériques déposés intelligemment au cœur des ténèbres belliqueuses. Les prémices d'une ombre qui se dresse au loin, qui a tout pour se déployer et se révéler plus intensément.
A écouter : "Au Seuil de l'Oubli", mais cet EP s'appréciera pleinement dans sa globalité