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Critique d'album

Opeth


My Arms, Your Hearse


(18/08/1998 - Candlelight - Death metal progressif - Genre : Hard / Métal)
Produit par Fredrik Nordstrom

1- Prologue / 2- April Ethereal / 3- When / 4- Madrigal / 5- The Amen Corner / 6- Demon of the Fall / 7- Credence / 8- Karma / 9- Epilogue
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"L'âme des abysses"
Julien, le 14/08/2023
( mots)

Le cercueil était grandiose, majestueux et le torrent de pluie qui s'abattait en cette matinée d'avril apportait une ultime touche de dramaturgie à la cérémonie funéraire. Elle se tenait au premier rang : belle, froide et sur son visage tombait également une averse mais dont le ruissellement provenait du ciel de ses paupières. Un masque de chagrin enveloppait son visage qu'il m'était impossible de lui ôter car à ses yeux mon être tout entier était effacé. Les éloges défilaient et je compris alors que la mort avait choisi de s'enrouler à mon cou. Pourtant je ne dors pas, je ressens toujours la brise du printemps, je te regarde à travers le miroir. Ne reste pas à te lamenter devant ma tombe, je n’y suis pas : je ne suis pas mort.


 


L'année 1998 qui accompagne la sortie du troisième album des suédois de Opeth porte le sceau du changement. Le quatuor se voit amputé de la moitié de ses membres après les départs conjugués de Johan Da Farfalla (basse) et de Anders Nordin (batterie). Un contexte qui amène Mikael Åkerfeldt à enregistrer lui-même la basse et qu'il emploie, surtout, pour prendre seul les rênes créatrices du groupe. Dans une courte interview donnée pour la réédition de My Arms, Your Hearse, le chanteur-guitariste ne se cachait pas sur son emprise à l'époque : "I can't remember writing together with Peter at all for that record to be honest". ("Je n'ai aucun souvenir d'avoir composé quoi que ce soit avec Peter sur cet album" (Peter Lindgren, guitariste de Opeth à l'époque)).
Pour ce nouvel opus, Åkerfeldt a décidé d'abandonner la dualité harmonique des guitares et de délaisser -en partie- le pan progressif pour réorienter la frappe sonore sur le black-métal avec des morceaux plus bruts, moins alambiqués. Un constat qui se vérifie avec l'abandon des pistes culminant à plus de quinze minutes comme on pouvait en trouver sur Morningrise ou Orchid. Une autre évolution vient de la forme d'écriture choisie. My Arms, Your Hearse nous compte l'histoire d'une personne décédée et ramenée à l'état de fantôme qui partage la vie de son amante et ses proches. Un concept album donc où les dernières paroles chantées sont le titre du morceau suivant.
Ainsi s'ouvre l'album avec "Prologue" sur des notes de piano jouées sous une pluie battante avant que la tempête ne se déchaîne dès l'introduction de "April Ethereal" et son riff de guitare pareil à un ouragan avant que le grondement des grawls ne s'abatte sur l'auditeur. On retrouve des morceaux bâtis comme des pièces à tiroirs, si caractéristiques de Opeth, jouant sans cesse sur l'alternance entre fureur exacerbée et rupture élégante. Au côté des lignes de guitare à la férocité hypnotique se croisent des élans de douceurs capables de captiver bien au-delà des adeptes du métal. Ces intentions sont incarnées tantôt par la mélodicité de notes délicates sur fond d'accords joués à l'acoustique ("The Amen Corner"), tantôt par le chant clair et souverain de Mikael Åkerfeldt qui évolue à merveille entre volontés émotive et diligente ("Karma"). S'il y avait un défaut à pointer sur My Arms, Your Hearse, il se trouverait là : dans ses changements de rythmes et de couleurs à l'intérieur des compositions qui sont brutaux, sans réel liant avec la partie précédente. Un manque de fluidité qui ne dissipe en rien cette sensation d'oppression exposée tout du long des 53 minutes qui composent le disque.  


 


J'errais là, coincé dans la sobriété de mon état mi-mortel, un souffle surnaturel qui traverse. Tes larmes sèchent petit à petit à l'été de ton sourire. Tu as choisi de rester dans la lumière plutôt que de me rejoindre dans la nuit de notre amour que tu avais promis de ne jamais quitter. Je dois venir te chercher, peu importe la douleur que cela nous procurera : nous danserons ensemble sur la scène de la mort couverte par le rideau du silence. 


 


L'harmonie dans les opposés, Opeth va l'exploiter avec le plus vif intérêt en deux morceaux. La succession des contraires : "Demon Of The Fall" et "Credence".
Le premier nommé, morceau adoubé par les fans, lorgne clairement sur les sentiers du death-métal au son du grawl démoniaque et possédé de son chanteur. Titre d'une furieuse célérité, "Demon Of The Fall" ne relâche jamais son étreinte au gré de ses riffs colossaux et d'un matraquage infernal des futs par le nouveau batteur Martin Lopez. Les quelques passages acoustiques ne sont que d'infimes moments de répit préparant au prochain supplice et révélé dans des lignes terrifiantes : "Gasping for another breath, she rose, screaming at closed doors" ("Haletant pour retrouver son souffle, elle se leva et hurla à huis clos"). Une sonorité et des émotions totalement différentes habillent "Credence" : composition entièrement axée sur des arpèges névrosés sur lesquelles se posent les peines du protagoniste : "Credence in my word written in dust, tainted by memories" ("Croyance en ma parole écrite dans la poussière, souillée par les souvenirs"). Ce texte incarné par un chant cristallin impérial et plein de maitrise de Mikael Åkerfeldt.


 


Mon image enfin révélée, j'ai cherché à te capturer dans l'étreinte de ma violence. Le mortuaire automne duquel, finalement, seules les feuilles seront tombées. Car la mort dérange, tu ne peux pas l'aimer. Face à tes yeux j'ai compris que je devais me résoudre à m'établir loin de toi. Si j'avoue mes espoirs, je reconnais maintenant ma solitude. L'épitaphe de mon âme.


 


My Arms, Your Hearse voit également les solos de guitare être remis au cœur de ses compositions. Parmi les éclats de bravoures, celui entendu sur le premier tiers de "When" est peut-être le plus impressionnant : car si la technicité est bien au rendez-vous, son objectif n'est pas de dévoiler l'impressionnant bagage technique de son auteur mais bien d'intégrer le propos mélodique du morceau dans une transition impeccable entre le couplet black-métal et le pont acoustique. Enfin on appréciera toute l'aisance et la virtuosité du jeu de Åkerfeldt sur l'instrumental conclusif "Epilogue" : œuvre progressive presque floydienne des plus jouissive. Un registre instrumental déployé sur un tiers de l'album : "Prologue" et "Epilogue" donc, mais également "Madrigal" pour un instant plus dispensable qui permet néanmoins de mettre en valeur la force et la puissance du morceau "The Amen Corner".


 


Voici venir la fin de ce crépuscule infini. Ma condition fantomatique peut enfin laisser place à mon essence réelle : celle de ne plus être. Du chagrin tu étais dépossédée, ta main tendue vers le miroir s'en est allée. Tu n'as plus rien à trouver, plus rien à perdre. Je traverse la forêt, drapé dans un destin que je ne peux plus changer. Assis sur le banc de mon épilogue, dans mon hiver, c'est ici que désormais je t'attendrai pour mieux te retrouver.


 


My Arms, Your Hearse ouvre un nouvel horizon des possibles pour Opeth.
Derrière une histoire aussi troublante que magnifiquement écrite, Åkerfeldt démontre qu'il a la plume suffisamment solide pour supporter un album concept. Un exercice qui sied à merveille aux variétés stylistiques et structurelles des morceaux du groupe. En empruntant le chemin du black-métal jusqu'à la lisière du death, les suédois ont donné à leurs compositions un intérêt supplémentaire avec cette approche organique. Leur musique se met entièrement au service des émotions, à l'immersion dans un environnement, la diffusion d'un propos.
Enfin, vingt-cinq ans après sa parution, il est impressionnant de constater à quel point My Arms, Your Hearse ne semble pas avoir pris une ride. Cet album, le dernier publié sur le label Candlelight, rayonnerait de manière tout aussi brillante s'il était publié à l'heure où ces lignes sont écrites. Une prouesse qui doit tout à la fois au travail du producteur Fredrik Nordstrom, au talent technique de ses auteurs et surtout à la vision musicale de l'époque, avant-gardiste, de Mikael Åkerfeldt. 


 

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