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Critique d'album

Mastodon


The Hunter


(26/09/2011 - Reprise/Roadrunner/Warner Bros. - Sludge / stoner / progressif - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- Black Tongue / 2- Curl of the Burl / 3- Blasteroid / 4- Stargasm / 5- Octopus Has No Friends / 6- All the Heavy Lifting / 7- The Hunter / 8- Dry Bone Valley / 9- Thickening / 10- Creature Lives / 11- Spectrelight / 12- Bedazzled Fingernails / 13- The Sparrow
Note de 4/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Mastodon vient de sortir son magnum opus, et ça risque de faire très, très mal !"
Nicolas, le 29/09/2011
( mots)

Un cas comme ça n'arrive que tous les dix ans environ lors d'une carrière de chroniqueur : savoir, ressentir, appréhender en un instant, dès la première écoute d'un album, que celui-ci possède un caractère proprement hors norme. On dit souvent qu'un disque révèle totalement son potentiel, en bien ou en mal, au bout de dix jours et dix écoutes. Mais avec certains d'entre eux, la messe est dite dès le premier passage de platine, laissant l'auditeur sans voix face à ce qu'il vient d'entendre. Qu'on ne s'y trompe pas : on attendait un vrai grand album pour commencer cette décennie 2010, on vient de le trouver : The Hunter, de Mastodon.

On n'omettra pas de préciser qu'il n'y a pas de véritables spécialistes du metal sur albumrock. Le metal, chacun de nous, à la rédaction, a pu essayer d'y accrocher par certaines portes entrouvertes : metal FM (Black Album de Metallica, préambule à l'exploration d'une discographie qui reste accessible bien que nettement plus musclée), rock progressif (Porcupine Tree), stoner rock (Monster Magnet), fusion (Rage Against The Machine), metal psychédélique (Tool), neo metal (System Of A Down)... uniquement des groupes à la marge de cette forteresse réputée (à raison) hermétique et inaccessible. Mais dès qu'il a fallu cheminer un peu plus loin, dès que les voix se sont durcies, de grunts hystériques en grawls terrifiants, dès que la disto a dépassé le seuil limite, dès que l'agression a pris le pas sur la mélodie, tous, nous avons fait marche arrière, pas prêts pour un sou à nous engouffrer dans la brèche, avec peut-être une exception concédée aux excellents Machine Head. Mais aller plus loin, franchement, sans façon. Voilà d'ailleurs un point qui risque de fracturer l'opinion selon que l'on soit un adepte du Dieu Metal ou non : The Hunter sera au choix impitoyablement trainé dans la boue (par les premiers) ou immanquablement placé sur un piédestale (par les seconds). Choisissez votre camp.

Autant l'avouer, l'auteur de ces lignes a un certain passif avec Mastodon, un groupe également à la marge et qui a toujours eu un positionnement atypique sur cette scène très stéréotypée et codifiée qu'est le metal. Un groupe intriguant, jonglant avec les styles, partant sans arrêt dans différentes directions de disque en disque et de titre en titre, passant du sludge au speed puis du stoner au prog, ruminant d'improbables concept-albums fantasmagoriques peuplés de créatures imaginaires et de légendes mystérieuses. Le tout avec une réussite évidente, bien sûr, mais aussi pas mal de faiblesses pour tous les allergiques au headbanging débilitant, au premier rang desquelles un son que les plus complaisants taxeront de "garage" tandis que les plus pointilleux préfèreront lui coller l'épithète "brouillon" (ou "crado", c'est selon). Difficile, en effet, d'encaisser sans broncher une déferlante de guitares qui tricotent informellement à toute berzingue tandis que mouline avec forces pétarades une batterie omniprésente, surtout quand l'ensemble se complait dans les breaks incessants et les changements de tempos à tout va. Complexe, la musique du mastodonte fascine autant qu'elle irrite, enthousiasme autant qu'elle fatigue. Le dernier essai en date, Crack The Skye, laissait pourtant entrevoir une certaine progression dans le style de la bête, les quatre hommes n'hésitant pas à forger de belles mélodies en voix claire et à laisser (parfois) retomber la pression pour une recherche d'hallucination hébétée. On était donc curieux de voir quel palier allait être franchi cette fois-ci, mais rien ne pouvait nous préparer à un tel choc.

Dès les premières secondes d'écoute, un détail saute immédiatement aux oreilles : le son. Nom de nom, Mastodon s'est enfin, enfin décidé à sonner ! "Black Tongue", balancé en éclaireur il y a quelques semaines, renvoyait en un tour de main tous les zigotos de la sphère metal à leurs chères études, avec des guitares habilement dosées, baveuses et râpeuses à souhait, réalisant un équilibre idéal entre rugosité, hypnotisme et puissance, et une basse (parent d'habitude si pauvre au sein de la sphère metal) profitant d'une hauteur de six cordes pas trop grave pour claquer comme un fouet tonnant et fourbe. Mais le rendu le plus impressionnant est celui de la batterie de Brann Dailor : auparavant brouillée et opaque, elle dispose enfin d'une prise de son aux petits oignons et se permet dès lors d'envahir tout l'espace. C'est désormais un vrai régal de se laisser emporter par les roulements massifs et les tombereaux de frappes violentes et appliquées de ce batteur terriblement efficace mais auparavant si difficile à suivre. Autre changement de taille, le rendu vocal a bénéficié d'un soin tout particulier pour qu'il apparaisse à la fois accessible et authentique. Ce sont désormais Troy Sanders, Brett Hinds et Brann Dailor qui se partagent à part quasiment égale les lead vocals et les chœurs, Hinds ayant au passage réalisé de sacrés progrès dans la maîtrise de son organe. Si certains passages font encore une belle place aux vociférations rageuses ("Blasteroid", entre couplet innocent et refrain jubilatoire), le chant clair est désormais de mise presque partout, allant de la clarté pop d'un Josh Homme (Sanders impérial sur le colossal "Dry Bone Valley") à des duos (trios) rèches et ultra-testostéronés. En résumé, Mastodon a réussi, pratiquement du jour au lendemain, à corriger tous ses défauts sonores et à effectuer un net appel du pied à tous les auditeurs allergiques au metal, et ceci sans renier le moins du monde sa spécificité et sa personnalité. Autant dire que les quatre suderons ont frappé très, très fort, et on peut dès lors remercier le producteur en charge de cette tuerie sonore, Mike Elizondo - un type habituellement en charge des grosse figures du hip hop (Eminem, 50 Cent), d'avoir accompagné (provoqué ?) la mue du mamouth.

Mais le progrès le plus spectaculaire concerne la composition en tant que telle. Adieu les concept-albums : la complexité reste toujours présente, mais elle se fait moins envahissante et se trouve mieux intégrée au sein de morceaux courts. Si les changements de tempos sont parfois encore de mise, ils se trouvent beaucoup mieux amenés et servent avant tout le morceau : "Stargasm" en est un excellent exemple, permettant d'alterner des moments de voyages galactiques flottants et de rush hallucinogènes sans trop de remous. Mieux, les quatre hommes ont enfin accouché de vraies chansons, bâties sur des riffs en béton armé mais affirmant tout aussi bien des refrains accrocheurs et prégnants. "All The Heavy Lifting" représente ainsi la parfaite synthèse de ce Mastodon nouvelle mouture : batterie atomique, guitares aussi agressives qu'hallucinées, grand chorus interstellaire, pont accéléré et hargneux, le tout coulant pourtant avec une fluidité impressionnante. Ailleurs, on retrouve un rendu proche des Queens Of The Stone Age au moins en terme d'intention ("Dry Bone Valley", le meilleur morceau du disque) ou un allant binaire furieusement communicatif ("Curl Of The Burl"), éloignant encore plus le combo georgiens des rivages de la planète metal. Comme si cela ne suffisait pas, le groupe sait désormais faire preuve de retenue et démontre une maîtrise parfaite des tempos faibles, accouchant ainsi de balades magnifiques ("The Hunter" et "The Sparrow", stupéfiantes réussites formelles) et de trips floydiens d'une furieuse modernité ("Creature Lives", phénoménale plongée hallucinogène dans les arcanes d'un autre monde). Et c'est au moment où l'on croit que le monstre s'est définitivement endormi qu'il nous déballe sa sortie speed metal la plus dératée ("Spectrelight", surpuissant et supersonique au possible), pour nous emporter ensuite dans un morceau délirant, groovy, planant et guttural, complètement barré mais pourtant d'une incroyable cohérence mélodique ("Bedazzled Fingernails"). Allez, si on voulait chipoter, on ferait remarquer que, finalement, "The Octopus Has No Friend" apparait un peu en retrait du reste. Un peu... quoique non, finalement, même pas.

Critiquer un album, c'est prendre parti pour ou contre lui, mais c'est parfois prendre un risque en terme d'impact ou d'héritage. The Hunter n'est dans les bacs que depuis le 26 septembre, mais on peut déjà vous soumettre sans trop de soucis un petit pronostic : cet album va redéfinir les frontières entre metal et rock lourd, et il va propulser dans les mois à venir les quatre artilleurs d'Atlanta dans la cour des immenses groupes de rock. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : ce cinquième album va ouvrir le metal atypique de Mastodon à un vaste auditoire qui, a sa découverte, risque de ne pas s'en remettre, réalisant en cela un choc au moins aussi monumental que le Songs For The Deaf de Josh Homme il y a de cela presque dix ans. Il était temps, on commençait à sérieusement s'endormir...

 

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