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Critique d'album

Malfunkshun


Return to Olympus


(18/07/1995 - Loosegroove - Glam de Seattle - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- Enter Landrew / 2- My Only Fan / 3- Mr. Liberty (With Morals) / 4- Jezebel Woman / 5- Shotgun Wedding / 6- Wang Dang Sweet Poontang / 7- Until The Ocean / 8- I Wanna Be Yo Daddy / 9- Winter Bites / 10- Make Sweet Love / 11- Region / 12- Luxury Bed (Rocketship Chair) / 13- Exit Landrew
Note de /5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"In loving memory of Landrew the Love Child"
Nicolas, le 31/03/2023
( mots)

Il était une fois un jeune garçon nommé Andy, beau, affable, jovial, solaire. Rien qu’à le voir, on a le sourire aux lèvres. Rien qu’à l’entendre parler, on a envie de rire, on se sent transporté de joie. Andy, qui a rapidement compris l’aura naïve qu’il dégage et parce que c’est un grand amateur de rock tendance hard glam (Kiss, Queen, Aerosmith trônent parmi ses disques de chevet), se dit qu’il se verrait vraiment bien en rock star. Alors il s’invente un avatar, Landrew the Love Child, s’imagine en dieu lumineux descendant de l’Olympe pour porter sa bonne parole d’amour universelle à ses ouailles, se poudre le visage en blanc comme la bande à Gene Simmons, se met à porter des vêtements excentriques, de bottes à talon et un gros boa en plumes, et voilà qu’il embarque son frangin Kevin, gros fan de shreds complètement aux fraises, ainsi que Regan, son meilleur pote un peu punk sur les bords qui bastonne comme un malade à la batterie, afin de former le groupe qui donnera corps à ses fantasmes les plus fous. Voici, en gros, quels sont les ressorts de la genèse de Malfunkshun, projet complètement barré qui a pris corps sur l’île de Bainbridge, à moins d’1h de ferry de Seattle, en 1980. Andy (Wood, certains l’auront d’ores et déjà compris) n’a à l’époque que 14 ans.


À l’énoncé de ce synopsis, on peine réellement à comprendre comment un truc pareil a réussi à se révéler aussi influent sur une scène grunge encore en devenir, à une époque où la région ne jurait que par le punk hardcore le plus dévoyé. Et l’écoute des émoluments studio de Malfunkshun (ils sont rares, deux singles seulement en quelques huit années de carrière) ne nous renseigne pas davantage à ce sujet, quand ils ne nous plongent pas carrément dans la perplexité pure et simple. Quel lien tracer, en effet, entre ce glam naïf à la prodigieuse voix éraillée, aux textes irradiant de positive attitude et aux soli de guitares aussi dissonants que débridés, et la sacro-sainte fusion punk-metal aux voix rocailleuses, aux guitares lapidaires et aux lyrics désenchantés des Soundgarden, Alice in Chains et autres Nirvana ? À première vue, aucun. Et pourtant, le lien n’est autre qu’Andy Wood lui-même, ce gamin que tout le monde adore, qui fait marrer la foule, qui suscite la joie partout où il passe. Les multiples témoignages au sujet de Landrew the Love Child sont édifiants de convergence : tout le monde porte aux nues, sans aucune réserve, cet être angélique… même si personne ou presque n’est vraiment fan du type de musique auquel il s’adonne. Tout le monde à Seattle dans les années 80 est allé à un concert de Malfunkshun et a vibré face à cette présence magnétique, tout le monde s’est pâmé devant cette voix folle, ce grain inimitable à mi-chemin entre candeur adolescente et raucité acide, tout le monde a crié, ri, pleuré sur ses chansons. Même Kurt Cobain y est allé de son anecdote hilare au sujet de Malfunkshun, comme quoi le Christ Grunge se serait endormi en plein concert et que Wood serait venu tourner autour de lui pour lui chanter la sérénade. En fait de Christ qui ne croyait plus en rien, Kurt avait trouvé son maître en la personne de cet ado au charisme positif prodigieux qui ne laissait personne indifférent et qui plongeait tout le monde dans la béatitude. C’est dire à quel point Andy Wood a laissé une marque indélébile sur Seattle et sa musique, et à quel point son overdose fatale survenue un funeste 19 mars 1990 a fait basculer la ville dans un cauchemar éveillé.


Les témoignages vidéo live de Malfunkshun sont peu nombreux et très peu qualitatifs, il est donc difficile de se rendre compte de la folie qui régnait dans leurs concerts en les visionnant. De même les enregistrements audio s’avèrent bien rares. Le power trio n’a sorti aucun album, et nous nous retrouvons donc ici face à un recueil de démos publié à titre posthume en 1995 sur le label Loosegroove tenu par Stone Gossard (qu’on ne présente plus) et Regan Hagard, le batteur de la formation. Première chose à dire : point de vue qualitatif, c’est moyen moins, le son manque d’ampleur, c’est un peu cracra, un peu “grunge” diront certains même si le terme n’aura pas le sens du Seattle Sound. Deuxième remarque : il n’y a ici aucune volonté de concision ni de cohérence, il s’agit plus d’un instantané brut qui aurait nécessité un sérieux travail en studio et un bon coup de ciseaux. En particulier vous pourrez zapper allègrement les introductions “Enter Landrew”, “Exit Landrew” ou encore “Luxury Bed” après les avoir écoutés une fois, histoire de piger le trip de Malfunkshun. À titre d’archive, c’est sympa, mais pour l’entertainment c’est zéro. Une fois ces prérequis digérés et pour peu qu’on aime le hard rock typé glam, il y a réellement de quoi contenter son auditeur. En particulier on se régalera de la voix d’Andy Wood, qu’elle soit mutine, taquine, houspilleuse, offusquée, revêche ou grandiloquente, il y a là un diamant brut qui brille de mille feux et qui nous happe aisément pour ne plus nous lâcher. Autre particularité - on passe sur la batterie, très propre mais pas bien mise en valeur - : le jeu de guitare complètement frapadingue de Kevin Wood vaut aussi son pesant de cacahuète. Si on a tendance à dire qu’il n’y a que peu de soli dans le grunge et que ceux-ci sont soit dévoyés (dissonances, contre-emplois etc), soit calqués sur la mélodie ou soutenant simplement celle-ci, ici, ça part réellement dans tous les sens, avec de longues envolés supersoniques qui en définitive sont tellement en décalage de tonalité et de rythmique avec les chansons que ça en devient réellement trippant. Rien à voir, mais alors RIEN À VOIR avec le grunge que l’on connaîtra plus tard. L’ensemble réalise un rock glam plutôt original, avec de bons riffs bluesy bien cognés (“My Only Fan”, aussi ingénu que surpuissant), des trips qui vont rappeler les down tempos des Guns N’ Roses avant l’heure mais en nettement moins prétentieux (“Jezebel Woman”), du proto Sabath dopé à la wah-wah et aux harangues gloutonnes (“Shotgun Wedding”, vocalement impressionnant), des rushs à la Aerosmith débordant d’hystérie amusée (“Wang Dang Sweet Poontan”), du Led Zep après l'heure avec moult clins d’œil à ce bon Robert Plant ("I Wanna Be Yo Daddy") et même des balades à la “November Rain” plutôt typées Elton John, là encore en nettement moins ampoulé que ce que délivrera Axl Rose une bonne décennie plus tard (“Until The Ocean”). On peut noter quelques tics mélodiques un peu trop systématisés (décroissance dominante => médiane suremployé, cf “Winter Bites” pour l’exemple concret) mais foncièrement il n’y a là rien de rédhibitoire.


Si certains vouent un culte à Mother Love Bone, le projet qu’Andy Wood montera avec la partie jugée “commerciale” de Green River (c’est-à-dire grosso modo le noyau dur des futurs Pearl Jam), d’autres estiment que le vrai témoignage de ce chanteur d’exception se réduit à sa carrière de rock star extravertie sous le patronyme de Landrew the Love Child, venu apporter l’amour, la paix et la joie au monde. Et si le cahier des charges peut prêter à sourire, tout comme ce recueil de démos truffé d’excentricités et de maladresses formelles, on aurait tort de ne pas s’y attarder. Rien que pour le plaisir de découvrir un chanteur et un homme d’exception, comme il n’y en aura sans doute plus avant longtemps. Plus de trente ans ont passé depuis la mort d’Andy Wood, mais la blessure de sa disparition demeure béante pour tous ceux qui l’ont connu. Un conte de fée qui s’est hélas bien mal terminé…

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