Lykantropi
Tales to be Told
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La Suède est devenue le berceau du renouveau du rock nourri par les racines des 1970’s, souvent saturé, parfois psychédélique, toujours très mélodique et riche en guitares classieuses (on notera un fort usage des guitares jumelles et de nombreux thèmes épiques joués à la six-cordes). Une autre caractéristique, peut-être liée à la société plus égalitaire qu’ailleurs entre les genres, est l’importante présence féminine au chant ; de nombreux groupes sont ainsi menés par des femmes, comme par exemple, et de façon non exhaustive, Blues Pills, Lucifer, Siena Root, Maidavale … Lykantropi peut rejoindre cette liste, puisque la formation mêle gracieusement chant masculin (très peu) et féminin au service d’un folk rock très inspiré dont on peut ouïr le troisième témoignage studio sur Tales to be Told.
L’univers féérique et forestier de Lykantropi est annoncé par leur magnifique pochette : forêt sombre, figure circulaire païenne (ici la Lune) qu’on retrouve déclinée sur chaque album, et qui donne à l’ensemble un aspect sabbat noir dominé par cette figure animalière satanique. Il se passe des choses étranges dans les forêts suédoises, comme dans les forêts italiennes par ailleurs tant Witchwood navigue dans le même univers visuel et sonore. Une épopée à travers l’espace et le temps s’offre donc à nous.
La touche folk est apportée par le chant féminin, parfaitement maîtrisé et capable de belles variations, mais également la forte présence de la flûte. Ces deux dimensions gagnent en énergie une fois associées à des aspects plus électriques qui communient parfaitement à l’ensemble (signalons de beaux passages où la guitare dialogue avec la flûte sur "Coming Your Way"), quitte à lui donner une touche progressive ("Världen går vidare"). Lykantropi parvient à être à la fois reposant et très stimulant.
En effet, la dimension absolument rock de leur esthétique les entraîne parfois dans un registre plus saturé, vers un hard-rock typé 1970’s, avec de multiples lignes mélodiques très bien pensées à la guitare électrique. Ainsi, on en vient à penser à une excellente formation actuelle mais anglo-américaines cette fois-ci, Tanith (la présence d’une chanteuse favorisant cette comparaison). Ainsi, "Tales to be Told" où la six-cordes développe de belles idées, et où le contraste entre riffs musclés et passages plus éthérés est très subtil, est une grande réussite. Dans le même registre "Axis of Margaret" ou "Life on Hold" sont également de grands moments qui usent de passages atmosphériques en deuxième partie afin de densifier le propos (pour ce qui est du second morceau, on pense immédiatement à Opeth dans ses titres les plus apaisées).
A l’école des 1970’s, c’est l’influence de Wishbone Ash (encore !) qui est la plus substantielle, que ce soit la période Argus (le sublime "Mother of Envy", avec une belle ligne de flûte) ou Wishbone Four sur le très bon "Kom Ta Mig Ut" (ici, la guitare est particulièrement mélodique). Bref, si cette référence vous semble être un bon patronage (comment pourrait-il en être autrement), vous pouvez adopter Lykantropi sans la moindre hésitation. On n’en finira pas de souligner à quel point ce groupe irrigue la scène revival des 1970’s, particulièrement en Suède.
Lykantropi vient donc clore une année musicale durant laquelle son pays a marqué les esprits en termes de production rock. Il semble d’ailleurs que cette dynamique n’est pas prête de s’essouffler …