
Helloween
Walls of Jericho
Produit par Harris Johns
1- Starlight / 2- Murderer / 3- Warrior / 4- Victim Of Fate / 5- Cry Freedom / 6- Walls Of Jericho / 7- Ride The Sky / 8- Reptile / 9- Guardians / 10- Phantoms Of Death / 11- Metal Invader / 12- Gorgar / 13- Heavy Metal (Is The Law) / 14- How Many Tears / 15- Judas


Indépendamment de toute considération relative à la célébration des quarante ans de Walls of Jericho, le premier album d’Helloween, j’avais décidé de réécouter cet opus pour réchauffer un peu ma mémoire. Et dès le premier titre, le culte "Ride the Sky", une réflexion s’est imposée à moi. Au-delà des lignes de basse véloces et mélodiques, du chant grandiloquent et des trompettes bas budget de "Walls of Jericho", le jeu de guitare, qu’il s’agisse des riffs ou des chorus, est d’une virtuosité épatante. On mesure là l’ampleur des progrès techniques réalisés depuis les débuts du rock’n’roll et le chemin parcouru depuis les explorations des guitar heroes encore célébrés aujourd’hui comme étant les "meilleurs" de l’histoire (Jimi Hendrix et Eric Clapton, au hasard). Kai Hansen et Michael Weikath ont bien sûr bénéficié du travail précédemment réalisé par ces pionniers, mais leur technicité est bien supérieure - et leur inventivité au moins égale, à celles de ces derniers.
Cette virtuosité guitaristique est un des éléments du Power-Metal dont Walls of Jericho constitue plus ou moins l’acte de naissance. Celui-ci a lieu en Allemagne de l’ouest, terrain dynamique des musiques saturées qui appelle les chroniqueurs à provincialiser l’espace anglo-saxon pour faire sortir la scène germanique de sa position périphérique. En effet, depuis la fin des années 1960, celle-ci se montre aussi précoce et vive qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne, en témoigne l’essor du Krautrock qui correspond peu ou prou à la naissance du rock progressif anglais. Plus d’une décennie plus tard, il en va de même avec l’explosion de l’esthétique metallique qui s’exprime à travers la NWOBHM mais aussi, au même moment, à l’arrivée d’Accept dans les bacs et à l’évolution musclée de Scorpions. En 1985, ces deux derniers groupes sont au sommet de leur gloire, tandis qu’apparaît une foule de formations aussi énervées qu’ambitieuses - Running Wild, Grave Digger et Iron Fist, un groupe d’Hambourg qui devient Helloween en 1984.
Avec Kai Hansen au chant et à la guitare, Michael Weikath à la guitare, Markus Grosskopf à la basse et Ingo Schwichtenberg à la batterie, il s’agit là de la première version d’Helloween, celle d’avant l’arrivée de Michael Kiske qui permit la réalisation du diptyque Keeper of the Seven Keys. Mais le groupe n’en est pas moins enthousiasmant. En avril 1985, l’EP Helloween avait déjà présenté cinq titres représentatifs de ce qu’on appelait encore le Speed Metal : "Starlight" et ses bidouillages radiophoniques introductifs, les maiden-iens (période Di’Anno) "Murderer" et "Warrior", le plus alambiqué "Victim of Fate" et l’épique "Cry for Freedom". Très réussi, cet acte de naissance posait de belles bases pour une future discographie.
Plusieurs titres s’inscrivent d’ailleurs dans la suite de cette première production ("Heavy Metal (Is the Law)"), mais l’amélioration des compositions du groupe marque le passage du Speed Metal au Power Metal, et donc, de la consécration du style d’Helloween, très sensible sur l’enthousiasmant "Metal Invaders" ou sur "Guardians", épique comme un générique d’animé japonais des années 1980, mais d’une belle densité bien articulée. Même l’écrasant "Gorgar", hymne au flipper un peu bas du front mais bien différent de "Pinball Wizard", n’échappe pas à quelques subtilités, comme en témoigne la reprise de Peer Gynt lors du solo. Enfin, la longue pièce "How Many Tears", aux développements instrumentaux intenses, préfigure les chefs-d’œuvre à venir.
Au milieu des années 1980, certains imaginaient qu’Helloween aurait pu remplacer Iron Maiden sur le trône du royaume metallique. Le parallèle n’est pas incongru tant plusieurs titres évoquent l’esthétique des hérauts de la NWOBHM, comme "Reptile" et ses variations rythmiques (parfois midtempo, parfois plus rapide), "Phantoms of Death" aux synthés préfigurant Somewhere in Time (qui paraît en 1986). En outre, le Keeper of the Seven Keys apparaît déjà sur la pochette, pour devenir l’une des mascottes du groupe (aux côtés de Jack o Lantern à la tête de citrouille), à l’image d’Eddie the Head pour la Vierge de fer.
Ainsi, ces premières mélodies sonnent comme autant de promesses qu’Helloween parviendra à actualiser brillamment quelques années plus tard, en chantant les secrets épiques du gardien des sept clefs. Un nouveau genre et une nouvelle scène étaient nés.
À écouter : "Ride the Sky", "Guardians", "Metal Invaders", "How Many Tears"