Etienne Belin
Obsidienne
Produit par Etienne Belin
1- Blanche / 2- Mais que veux-tu ? / 3- Héros / 4- Bye Bye / 5- The rain and the flame / 6- Obsidienne / 7- Médecin des âmes / 8- Le bon tapis / 9- Quelque chose de Tennessee
La chronique du jour est différente. Elle ne porte pas sur un artiste ou un groupe dont les fans se comptent par milliers, se ruant dans des stades à scander des tubes. Elle ne porte pas non plus sur ces albums qui ont fait l’histoire du rock et dont les avis se comptent, eux aussi, par milliers sur internet. Non. Aujourd’hui il sera question d’un artiste indépendant dont le talent mérite tout autant que les autres la lumière et son heure de gloire.
Paris. Il est 21 heures, un jour d’avril où les températures sont fraîches et timides. Après une journée harassante à enchaîner les cafés, il n’est pas temps de rentrer chez soi. En nostalgie et en souvenir d’une époque musicale révolue, l’envie nous prend de nous balader dans le 6ème arrondissement. Là où le jazz, la chanson française et l’art, en règle générale, avaient élit domicile non loin de de Saint-Germain-Des-Prés.
Aujourd’hui, le quartier a un peu changé. Les restaurants hors de prix ont remplacé les caves où les jazzmen nous gardaient éveillés. Les voisins se battent pour fermer tout lieu de culture dès lors qu’ils estiment que cela les agace plus d’une heure par semaine. Au détour d’un bar se tient, depuis 1989, une scène ouverte où chaque musicien, chanteur ou même passionné vient s’exprimer. L’organisateur se trouve près de la table de mixage, il accompagne, aide, et surtout, met sa passion et son expérience au service des artistes en devenir, timides de fouler la petite scène de bois.
Cet homme, grand, cheveux longs attachés et barbe imposante, c’est Etienne Belin. Et il faut attendre minuit environ pour (enfin) le voir monter sur cette estrade, prendre sa guitare, un micro et montrer quel artiste il est. On en est touché. Et une seule envie nous prend, une seule question nous traverse l’esprit : « Où le trouver ? Que fait-il de cette musique une fois rentré chez lui tard le soir ? » Après quelques recherches, on tombe sur le site internet de France Info qui nous recommande en juin 2021 l’écoute de l’album Obsidienne, le premier d’Etienne Belin. Les adjectifs sont élogieux et, il faut l’avouer, rares de la part de grands médias lorsqu’il s’agit d’artistes indépendants non signés sur les labels possédés par les majors. Le service public, au sens noble du terme, existe donc encore.
Obsidienne est un album de voyage, de sérénité et d’ode à l’introspection. Il remplira ces trois principales fonctions pour quiconque aime rouler sur de longues routes au volant d’une voiture avec comme seule envie de prolonger cet instant et laisser les mots et la musique nous faire de l’effet. L’ensemble se classe dans du folk acoustique, la guitare sèche est reine.
Le voyage commence avec « Blanche », tout en calme, dans une ambiance maritime aidée par les paroles et dont les arrangements nous impressionnent par leur justesse et leur place tout à fait à propos. La voix est singulière. Elle est délicate et chevrotante par instants, évoquant celle du chanteur de Rusted Root notamment sur le tube « Send Me On My Way ». Ce qui est certain, c’est que ce timbre, qui ne manque pas de puissance, est tout à fait adapté au style de l’album.
La cohérence de l’opus n’impacte en rien la variété des compositions qu’il contient. Nous ne sommes pas face à un album ne comprenant qu’un seul type de musique. Nous avons des morceaux qui évoquent une ambiance contemplative, de voyage, de sensations d’évasion (« Blanche », « Héros »). Ces morceaux tout de même, entraînants, se veulent justes et peuvent être observés et écoutés tels un hymne de motivation, comme une dose de courage. Il n’oublie pas non plus la mélancolie avec des textes forts, qui feront réfléchir les âmes égarées et/ou les cœurs esseulés (« Bye Bye »). Impossible de ne pas avoir un œil quelque peu humide à l'écoute de cet adieu paisible en chanson.
Que ceux qui apprécient également les morceaux énergiques, plus rock et où la guitare sèche cohabite avec la guitare électrique, ne soient pas déçus. L’album n’est pas en reste à ce sujet. On citera bien évidemment le morceau coup de cœur « Mais Que Veux-Tu ? » qui restera dans vos oreilles et dans vos esprits pendant un long moment (admirez le solo parfaitement exécuté, grandiose). C’est sur ce type de morceau et d’autres (« Médecin Des Âmes », « The Rain And The Flame »), que l’on ressent qu’une âme rock existe bel et bien.
La faiblesse de l’album est peut-être le morceau « Le Bon Tapis » qui, sur un ton se voulant léger et amusant, dénote peut-être trop avec le reste.
Pour clôturer l’album, Etienne Belin a choisi une reprise de Johnny Hallyday, « Quelque Chose De Tennessee ». Ce morceau, que tout un chacun connait peut-être par cœur, est écouté autrement, d’une façon différente et inédite. Rien à redire sur cette reprise qui clôt l’album comme il avait commencé, sur une note calme et apaisée. On aurait peut-être souhaité une revisite plus « rock » de ce classique, pour se démarquer davantage.
N'hésitez plus à vous balader dans Paris le soir, même dans les quartiers historiques dont on croit que leur âme musicale jadis honorée n’existe plus. N’hésitez pas à soutenir les artistes indépendants qui méritent autant (si ce n’est plus parfois), l’écoute et l’attention des majors et des labels ayant pignons sur rue. On sortira de l’écoute de l’album d’Etienne Belin avec le sentiment que la musique n’est peut-être pas qu’une affaire de fric, mais encore, je l’espère, de sensation, de sentiments et de passion.