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Critique d'album

dEUS


How To Replace It


(17/02/2023 - PIAS - rock belge - Genre : Rock)
Produit par Adam Noble

1- How To Replace It / 2- Must Have Been New / 3- Man of the House / 4- 1989 / 5- Faux Bamboo / 6- Dream Is a Giver / 7- Pirates / 8- Simple Pleasures / 9- Never Get You High / 10- Why Think It Over (Cadillac) / 11- Love Breaks Down / 12- Le Blues Polaire
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Sans filet, sans déférence mais non sans risque"
Mathilde, le 06/03/2023
( mots)

L’enregistrement de How To Replace It est resté bien confidentiel... Mais l'heure est venue, les troubadours des réseaux sociaux ont dit vrai, dEUS is back. Souvenons-nous de leur dernier album en 2012 qui avait un petit goût déceptif mais détenait aussi une part pop enthousiasmante, menée à juste titre par Adam Noble (producteur de Biffy Clyro, Placebo...). Juste avant lui, Keep You Close était comme le produit maturé d'un Girls In Hawaii dont on se délecte à chaque morceau. Et voici, parmi la salve des albums qui sortent en ce début 2023, le huitième album studio du groupe "le plus important du rock belge". Une bonne pression IPA, une longue attente qui a sa soif à étancher. L'hyperactif Tom Barman n'est pas resté sans rien faire, il a monté un projet Jazz Rock (Taxiwars), a sorti un nouvel album avec son side-band Magnus (Where Neon Goes To Die) et une (magnifique) compilation de dEUS (Selected Songs: 1994-2014). 


Mais voilà, ça fait vingt-huit ans que le Worst Case Scenario a été écrit, et dix ans que Following Sea s'est retiré, et la surface dEUS est si bien nettoyée qu'on pourrait manger de la soupe dessus. Alors. Après s'être rabiboché avec le guitariste Mauro Pawlowski et avoir atteint ses cinquante et un ans, que reste t-il de Tom Barman et sa clique anversoise? Sont-ils devenus des vieux cons qui démarrent à la manivelle (en mode groupe "héritage") ou restent-ils une référence, un groupe solide qui reste debout (tel Séchan) en se renouvelant grâce à la rock-otopie contemporaine ? Car dEus est un vrai pattern à lui seul, une formation qui ne souffre d'aucune réelle comparaison et qui s'exporte bien à l'étranger. Un groupe belge de rock alternatif rassurant à l'heure où on nous gave d'Angèle et où il y en a marre de Pierre De Maere.


La pochette très sobre de How To Replace It est une photo (peinte) d'un pêcheur sans filet. Le titre est lui sans ponctuation, pas de point d'interrogation de suspension ou d'exclamation, il se présente plutôt en forme de consigne de commentaire composé. Laissant la libre interprétation à chacun du sujet à suivre. D'entrée de jeu on dirait que Tommy (ou Tomeke peut-être) s'est assagi. Plutôt dans le style flamand flamboyant dans le passé, Barman nous sert (eh oui, on ose ce jeu de mot nul ici, comme tant d'autre choses) un rafraîchissement plutôt classique voire retenu. La circonstance est une rupture amoureuse d'une longue relation et la grande tristesse qu'elle laisse derrière elle. Oserons-nous aussi employer les termes usés jusqu'à la corde la plus pénible de "crise de la cinquantaine "et d' "album introspectif"? Mais tout à fait. Inderdat (comme on dit là-bas).


Le premier titre qui est le même que l'album commence tel un examen départemental de classe de percussions et, un peu moins personnellement, comme la bande originale d' Un Homme et Une Femme ("Aujourd'hui c'est Toi" de Francis Lai). dEUS a blijkbaar (évidemment, comme ont dit dans le plat pays) une musique cinématographique avec un côté conquérant de groupe un peu drama, théâtral  - souvenez-vous du clip d' "Instant Street" qui à partir d'une scène quotidienne devient une chorégraphie flash mob de danse contemporaine - et elle est en raccord avec cette intro. Avec le refrain chanté en groupe, non sans rappeler les petits frères gantois de Balthazar. Le morceau est lourd et tout de même électrifié, un vrai clair-obscur dEUS. "Man of The House" a la même verve multiplexe avec son clavecin sexy et sa guitare en overdrive.


La tournée anniversaire (de soixante-cinq dates !) de The Ideal Crash est proche, et How To Replace It a lui aussi ce vent d'été dans les cheveux. "Must Have Been Now" et "Faux Bamboo" ont tout des débuts du groupe, ainsi que, (beaucoup) plus loin, "Why Think It's Over" qui renoue avec le côté collectif plein de guitare et de woodblock, un brin rapé sur les couplets (comme la team de Devoldere et Bernardt, encore). Ça sent les érudits de musique (l'acolyte Klaas Janzoons a tout du type conservatoire). Et c'est bien exécuté. Le truc avec les flamands c’est qu’ils affichent un air de ne pas y toucher, un genre de retenue teintée de décontraction qui leur donne une poker face, et peu d’infos sur leur talent alors qu'ils sortent des plages musicales à s'en relever la nuit...


Retour au fond, à la contemplation du vide. Souvenez-vous de Talk Talk et de Mark Hollis qui, alors que son groupe commençait (à peine) à se faire un nom, avait décidé d'enregistrer un album avec des silences et dans le noir (pour parler rapidos). Eh bien il y a de cette atmosphère-là sur How To Replace It. Une retraite identitaire pour mieux s'interroger sur le groupe, sur ce qui pourrait le maintenir vivace et comme sorti du nid. Au vu de la voix rauque exploitée dans ses abysses les plus graves sur "1989", on sait qu'on n'a pas affaire à des lapereaux de six semaines. Délibérément Leonard Cohen, le morceau s'ouvre avec un parlé déjà entendu sur "Quatre Mains" (Following Sea). Il se ponctue d'instants plus légers avec le retour des violons, des guitares claires et des chœurs mineurs sur le refrain qui chasse les nuages comme les éclaircies sur la mer du nord. Il fait froid mais on a chaud à son coeur, quoi.


Et arrive le point de discorde, le moment gênant qui s'étend de la plage six à neuf incluse, comme une mauvaise blague lourdingue dont on espère vite la fin. Ce ne sont que quatre morceaux, et c'est un peu le surplus de l'album. "Le Style fauve Louis XIV " ( entendu dans "Le Blues Polaire") est une association risquée. Ne pas avoir mis de filet (sur la pochette, mais on s'entend) aussi. Keep You Close par son côté concentré de neuf titres prenait moins de risque et s'avérait être un album presque irréprochable. Ici la mélodie n'est pas au centre des attentions de Barman, qui veut agrandir ses parcelles. On est sur un difficile enchainement donc, qui parait long avec "Dream Is A Giver" qui est un faux morceau New Wave slamé et funké, pas indispensable (et est-ce un melodica qu'on entend? Yeurk). À sa suite "Pirates" est un navire qui a perdu son bateau (et est-ce un bruit de mouettes qu'on perçoit? Non...). 


Passons en accéléré "Simple Pleasure" et "Never Get To High" qui ne sont ni faits ni à faire et l'incertitude est là, le frisson aussi de voir s'enchainer des morceaux un peu rafistolés, sans teneur complète. On est en Belgique, le sens de l’auto-dérision n'est jamais loin. Dans ce pays on se détache, on observe, on ose, on en rit. C'est un système propice à l’expérimentation. D'accord. Mais on est quand même bien content de voir arriver "Love Breaks Done" aux contours bien plus dessinés de balade délicieuse sucrée-salée, sauce Mammouth. Un exemple d'allure qu'il aurait sans doute fallu davantage suivre: douce et profonde elle a des airs de Feeder et Travis, au début de l'automne à Capeside (pour ceux qui ont vu Dawson). Adam Noble, merci de ta nobilité.


Et finalement "Le Blues Polaire" conclue sur une bonne note (sueurs), sous forme d'un western moderne très bien exécuté, il rappelle la mélodie de Gainsbourg avec la voix de Christophe (le début de "l'Éte Indien" aussi il faut bien le dire) sur un fond de clavecin. Finalement les belges retombent sur (leurs pieds) la pop qui leur sied bien avec ces paroles en français :"Il y a des dangers qui s'accrochent à moi"/ Ça galvanise, ça me met dans un état, oui j'ai besoin de ça" jusqu'au final". "Pas besoin de remplacer" (ce qui a a été perdu), qui vient donner la réponse à l'album sur un fond de "lalala", bien belge et grinçant.


On part sur un jeu d'équilibriste. Il faut que dEUS pense à se mettre un filet en dessous. Il se détache un malaise de surplus de confiance dans certaines postures, là où il aurait sans doute fallu rester près des lignes blanches en pointillé. Fou de musique, Tom Barman cite dans ses influences J.J Cale, Velvet Underground (il y a un hommage dans "Hotellounge"), Hendrix aussi, et il a pu jouer parfois au chien fou qui flaire tout ce qui passe. "Pour survivre longtemps, il faut créer la rareté" a-t-il dit (L'Écho.be). Serait-ce le cas du parfois périlleux How To Replace It qui donne la sensation que dEUS a voulu ratisser (un peu trop) large de peur d'être dans une redite interpersonnelle ? Heureusement que l'ensemble tient, la structure ne vacille pas. Les percées demeurent bien senties, les moments de suspens, de variations d'intensité sont toujours maniés avec soin et complexité. Tout de même, dEUS c'est comme les meubles design, c'est plus cohérent et brillant quand c'est moulé en un bloc et avec moins de raccords et de soudure. Pour une vraie belle immersion dEUS-ienne ante diluvienne, gardons Keep You Close pas loin et même Following Sea, qui tous deux apportent une part de réconfort qui se fait absente ici. How To Replace It est certainement irremplaçable, mais s'il est mis en cave pour être ressorti et apprécié, et donc mieux digéré un peu plus tard.

Commentaires
MathildeAR, le 10/03/2023 à 17:53
Merci pour ton retour Quentin !
Quentin, le 09/03/2023 à 16:15
Super chronique Mathilde, que je partage complètement. L'album est très réussi dans son ensemble avec quelques morceaux vraiment irrésistibles ("Man of the House" et "Why Think It Over" notamment) mais reste malgré tout un ton en dessous des classiques The Ideal Crash, Pocket Revolution ou plus récemment Keep You Close. Cela fait tout de même du bien de retrouver Tom Barman et sa bande, toujours présents malgré les années qui passent Anvers et contre tout (haha) !