↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Big Big Train


Common Ground


(30/07/2021 - English Electric - Rock progressif - Genre : Rock)
Produit par Big Big Train

1- The Strangest Times / 2- All The Love We Can Give / 3- Black With Ink / 4- Dandelion Clock / 5- Headwaters / 6- Apollo / 7- Common Ground / 8- Atlantic Cable / 9- Endnotes
Note de 4.5/5
Vous aussi, notez cet album ! (3 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.5/5 pour cet album
"Après un Gran Tour décevant, Big Big Train revient à son plus haut niveau. Une perle."
Nicolas, le 12/10/2021
( mots)

On l’a parfois évoqué dans ces pages, mais il semble régner, dans le domaine de la critique rock - ou musicale au sens large d’ailleurs - une certaine paresse, un certain attentisme, en particulier quand un groupe brille de mille feux puis qu’il se fourvoie purement et simplement. Il est souvent difficile de se rendre immédiatement à l’évidence du dérapage, les a prioris et les augures étant tellement positifs. Ainsi en va-t-il de disques nettement surestimés à leur sortie mais qui ne tiennent pas la route sur la durée. Dans le cas qui nous occupe, j’avais été pratiquement le seul à conspuer une nette baisse de forme de Big Big Train avec Gran Tour après le fabuleux triptyque Folklore - Grimspound - The Second Brightest Star. Forcément, comment un groupe au faîte de sa musique pourrait-il commettre un faux-pas, tout relatif soit-il ? Or déjà à l’époque certains signes ne trompaient pas, en particulier le départ d’Andy Poole qui ne laissait présager rien de bon, avec à la clé un album que je considère toujours nettement en dessous de ses prédécesseurs. Les faits m’ont-ils donné raison ? Il est en tout cas avéré que le phénomène de fuite s’est franchement accéléré par la suite, puisqu’ont successivement quitté le navire depuis 2019, accrochez-vous, Danny Manners, Dave Gregory et Rachel Hall, réduisant ainsi de moitié l’effectif quintessentiel de très gros train. C’est donc une équipe resserrée et en crise qui s’est attelée à la difficile tâche de redresser la barre, et contre toute attente, Common Ground renverse complètement la vapeur.


Notons déjà que les forces vives de la formation anglaise, à savoir le guitariste fondateur Greg Spawton et le chanteur multi-instrumentiste providentiel David Longdon demeurent fidèles au poste, gage d’une continuité de l’esprit Big Big Train. Ils sont de surcroît encore épaulés par Rikard Sjöblom, ex frontman de Beardfish, ces regrettés héritiers suédois de Yes, mais aussi par Nick D’Virgilio qui fut pour Spock’s Beard ce que Phil Collins fut - oui, je crois que l’on peut bel et bien parler au passé - pour Genesis, à savoir un batteur - chanteur - songwriter de grand talent. Donc même si les rangs se sont vus divisés par deux, l’essentiel du talent musical est demeuré présent. Après avoir géré cette rude crise interne avec discrétion, les anglais ont malheureusement dû affronter les temps du COVID qui n’ont pas arrangé les choses pour pouvoir se réunir et faire tourner la moteur du jam, si quintessentiel du groupe. Qu’à cela ne tienne, chacun est allé composer dans son coin, les idées ont fusé par mail, les morceaux se sont enrichis au fil des transits numériques, avec à la clé la réalisation la plus collaborative de Big Big Train à avoir vu le jour jusqu’ici. Idem, changement dans le mode d’enregistrement puisque les anglais ont jusqu’ici toujours enregistré dans les conditions du live, tous ensemble dans une même pièce. COVID oblige, c’est instrument par instrument que Common Ground a été couché sur bande, chacun s’efforçant par ailleurs de sortir de sa zone de confort en prenant à son compte des postes inhabituels, le claviériste s’essayant à la guitare quand le guitariste s’emparait des claviers. Comme quoi, on reconnaît les plus grands à leur capacité à se réinventer lorsque la crise plane. Enfin, la thématique essentielle de Common Ground repose non plus sur les odes héroïques et romantiques du passé, mais justement sur ces temps difficiles pour notre planète, pourtant capable de se serrer les coudes et de transcender son humanité, à l’image d’un artwork évocateur à défaut de se montrer particulièrement sexy.


“Strangest Times”, allégorie de cette étrange ère covidienne, ouvre le bal et renoue avec les openings brillantes de Big Big Train, après un “Alive” franchement raté sur l’opus précédent. Ici tout coule de source, supporté par un piano cristallin, tantôt véloce, tantôt sautillant, chaloupé ou cadencé, ça remue et ça swingue avant de se poser sur des parties de guitare plus apaisées réhaussées d’harmonies vocales très travaillées, et toujours cette verve si particulière de David Longdon qui clame ses textes en y mettant toutes ses tripes - à l’entendre, on pense de plus en plus à Guy Garvey, et c’est un vrai beau compliment. À signaler qu’à nouveau le violon se manifeste dans les wagons après avoir connu une période de vaches maigres sur Gran Tour - et on comprend tellement que Rachel Hall ait mis les bouts. Ici, c’est un invité du nom d’Aidan O’Rourke qui tient l’archet, de manière discrète mais omniprésente, et cela s’avère fort appréciable. Derniers arrivés à la guitare et aux chœurs, Carly Bryant et Dave Foster densifient le son du groupe, et ils semblent bel et bien partis pour intégrer Big Big Train à plein temps - l’avenir nous le dira. Bonne nouvelle du côté de Bryant, car une voix féminine va encore permettre d’apporter du relief et de la profondeur aux mélodies. Bref, “Strangest Times”, en à peine plus de cinq minutes, parvient à balayer presque trois années entières de doutes. Encore faut-il que le reste de Common Ground tienne la route, et c’est bel et bien le cas. Et plus encore !


Cette treizième réalisation studio fait le choix de s’articuler essentiellement autour de quatre “grands morceaux” de sept-huit minutes à la matrice relativement simple, ce qui apporte une certaine cohésion, j’allais dire une certaine cohérence à l’album. Le plus aventureux n’est autre que “All The Love We Can Give” qui effraie un peu quand Longdon pousse la chansonnette dans un registre nettement plus grave et ampoulé qu’à son habitude, mais d’une part on finit par s’y faire, et d’autre part les contributions instrumentales se révèlent ici particulièrement réussies, avec des ponts où la technicité se dispute à la finesse musicale. En témoigne notamment un authentique riff de heavy metal, tant dans les intervalles que les rythmiques, qui se voit fort habilement intégré à une matrice pop prog aussi intelligente que racée. Autre surprise avec “Black With Ink” puisqu’ici David Longdon partage le micro avec Nick D’Virgilio - que l’on avait plus entendu chanter depuis le brillant X de Spock’s Beard, un comble - mais aussi Rickard Sjöblom et Carly Bryant, avec un jeu de questions - réponses très intéressant qui bascule dans un duel entre synthétiseur et mellotron des plus poignants. Montant encore le niveau d’un bon cran, “Apollo” se montre quant à lui purement instrumental, et autant dire que les protagonistes s’y amusent avec beaucoup de malice et de talent, articulant leurs divagations sur un thème violon-flûte traversière qui rappelle la grande époque de Folklore, avec ces combats solistes entrecoupés de grands breaks radieux bardés de cuivre. Sans aucun doute l’Everest de ce disque. “Endnote”, pour sa part, plonge dans la mélancolie douce de The Second Brightest Star, lente mélopée romantique lancée à la face des cieux nocturnes et magnifique point d’apaisement de l’édifice que vient enrober une paire de trompettes royales dans ses ultimes retranchements. 


Restent des intermèdes de choix, avec sans doute l’une des plus belles balades à avoir vu le jour chez Big Big Train, “Dandelion Clock” qui tire nettement sur un mood à la Tears For Fears - tient d’ailleurs ils viennent d’annoncer un nouvel album, mais passons. Le piano y réalise des merveilles, contrepoint idéal aux choeurs richement harmonisés de cette émouvante ode pop conclue par de magnifiques arpèges de violons. Comme quoi, il n’était pas si difficile de retrouver la magie de Folklore, bon sang. “Headwaters” fait plus office de transition, entre Danny Elfman et Enya, jolie berceuse qui nous entraîne fort joliment dans les bras de morphée. “Common Ground”, quant à lui, surfe sur la même verve que “Strangest Times” quoique sur un versant plus radieux, avec sa ritournelle solaire portée par des cordes acoustiques et un support instrumental apaisé. Pas forcément le plus réussi du lot, mais quand on voit la concurrence autour de ce morceau, il y a de quoi demeurer coi. Reste également le colossal “Atlantic Cable” qui, du haut de son quart d’heure de prouesses, assure la lourde charge de nous entraîner vers une époque révolue, entre océan à conquérir et technologie à maîtriser, réalisant l’un des exploits les plus retentissants de l’humanité plusieurs décennies avant qu’internet ne vienne reléguer cette conquête de la communication transatlantique au rang de pittoresque anecdote historique. Ici, tout n’est prétexte qu’à une joute endiablée lancée par des claviers intenables auxquels viennent se greffer des guitares joueuses, avant que le cœur de l’esquif se fasse nettement plus calme et concerné pour ne laisser la bataille faire rage qu’à la toute fin du voyage dans un déluge technique haletant à se rouler par terre de bonheur. On touche ici, une nouvelle fois, à tout le savoir-faire Big Big Train, capable d’égrener les minutes sans lasser l’auditeur ne serait-ce qu’une seule seconde, capable d’enchaîner les thèmes, les textures et les ambiances sans jamais perdre en cohérence et en force émotionnelle. La marque des plus grands.


Autant on partait avec un a priori très négatif sur ce Common Ground, autant la magie, la vraie, a tôt fait d’opérer à nouveau. Ce treizième album est encore une immense réussite de la part de l’une des formations progressives les plus ébouriffantes du moment, véritables héritiers modernes de Genesis tout autant que machine à vapeur d’une redoutable force de frappe émotive. Ne commettez pas l’erreur de passer à côté de ce fabuleux disque, et comme d’habitude avec Big Big Train, laissez le temps faire son office. Vous verrez, le charme aura tôt fait d’agir. Reste une inconnue : quand la team Spawton-Longdon acceptera-t-elle ENFIN d’honorer la France d’une ou deux dates ? On peut toujours rêver, mais d’ici là, contentons-nous de savourer Big Big Train sur disque. Et il y a de quoi faire.


À écouter : "The Strangest Times", "Apollo", "Dandelion Clock"... tout, en fait

Commentaires
Alexx, le 21/10/2021 à 11:16
Superbe ! Pour ma part, je le trouve plus facile d'accès que les précédents.