
The Warlocks
On ne s’épanchera pas longtemps sur la prestation de la première partie assurée par les Four Dead In Ohio, sortes de Brian Jonestown Massacre wannabes, avec la rangée de guitares et les chemises à carreau règlementaires mais sans le talent, l’envergure et la puissance hypnotique. Accueilli par un silence glacial (on aura rarement vu une première partie ne récolter aucun applaudissement de bienvenue lors de son entrée en scène), le groupe n’obtiendra qu’une écoute polie de la part de l’assistance, visiblement peu désireuse de se rendre à leur prochain concert à l’International annoncé par le chanteur. Un set qui s’est laissé suivre sans enthousiasme.
http://www.myspace.com/fourdeadinohioband
Hecksher et ses troupes débarquent alors pour installer le matériel avec la mine sombre du galibot parti au turbin. C’est pourtant sous une déferlante d’applaudissements qu’ils sont accueillis lorsque les lumières s’éteignent. Grimé au 3/5, le groupe déploie majestueusement ses ailes de vautour affamé sur le club de la butte de Belleville baigné de lumières sanguines et de projections kaléidoscopiques. Echappé de leur dernier opus, "Red Camera" ouvre le débat sous une grêle de guitares malingres. Comme toujours chez les Warlocks, on reste frappé par l’apparente contradiction entre des musiciens semblant partis dans un trip solitaire, chacun dans sa bulle, et l’admirable homogénéité et cohérence du son qu’ils déploient. Pas besoin de se regarder pour communiquer. John Christian Rees grimace en faisant suppurer de sa Gretsch ses lourdes litanies, tel un Quasimodo de la pédale fuzz. Récemment débarquée des Mere Mortals, la bassiste japonaise Mimi Star arbore un maquillage inquiétant et se dandine stoïquement comme une poupée au mécanisme enrayé. Ryan McBride suit les ébats de l’autre côté de la scène, tandis que Bob Mustochio, désormais seul à tenir les fûts, alterne torpeur plombée et rythmiques tribales, gouvernant avec puissance et adresse l’entreprise. Au centre des hostilités, Hecksher, tignasse ébouriffée, préside, en se cambrant d’une étrange manière, comme s’il singeait un poulet en rut, mais la grâce est dans chacun de ses mouvements.
Loin de se lancer dans d’épuisantes divagations bruitistes, le groupe exploite le versant le plus rock’n’roll de son répertoire, ne reniant pas ses orages mélancoliques ("So Paranoid"), mais refusant de s’enfermer dans le shoegazing obstiné. Le public approuve avec ferveur chaque extrait de la set list. Le point culminant de la soirée est atteint lorsque le quintet dégaine trois morceaux à la suite de son chef d’œuvre Phoenix. "Shake The Dope Out" essuie des trombes d’applaudissement et de "Hey Hey Hey !" hurlés à chaque refrain, "The Dope Feels Good" et "Hurricane Heart Attack" font soulever l’assistance de plaisir. La communion se poursuit lorsque Hecksher fait monter un quatrième guitariste pour égrener "Caveman Rock" et "Angry Demon". Un rappel au cours duquel "Come Save Us" et "Inside Outside" brilleront à leur juste valeur de leurs feux cramoisis s’achève sur le leader maximo, ravi et presque abasourdi par l’accueil reçu, bredouillant quelques menus remerciements. Même s’ils se sont parfois égarés dans leurs récentes productions, les Warlocks n’ont pas perdu une once de leur charisme ni de leur force shamanique. Une excellente nouvelle qui clôt un concert du même tonneau.