Black Diamond Heavies
Je n'ai décemment pas pu résister à l'appel d'airs de La Citrouille qui sent encore le neuf (elle a été inaugurée en septembre 2009) pour ressentir de près les effluves émanées par Black Diamond Heavies, le duo le plus incendiaire du blues-rock actuel qui se joue si sauvagement des saveurs du passé. En attendant de goûter leur charge, le public, qui remplit à moitié la salle de près de 500 places, commence à déguster.
Après les TOTX (le premier "petit" groupe de la soirée), la prestation enlevée de The Craftmen Club, révélation nationale du rock garage du coin (ils sont Guingampais) avec leur second album Thirty six minutes, est visiblement attendue. Les morceaux sont avalés avec l'aide d'un sample de banjo, la basse vrombit, le batteur suit (seulement...), un membre inédit assume les parties de synthé et quelques notes de grattes alors que le guitariste-chanteur assure vraiment en se montrant de plus en plus aventureux scéniquement. Il finit son set dans le public et nous demande si nous sommes bien rock'n'roll. Pour ce qui est des Craftmen il n'y a pas de doute, son Club envoie ce qu'on attend d'un blues-rock façon garage délivré par des petits bien de chez nous. Une partie des spectateurs est invité à monter sur scène et ne se prive pas de communier avec le groupe lors d'un final prolongé. Seulement voilà, les racines de cette diabolique musique ne sont forcément pas en eux et les Black Diamond Heavies risquent de faire entendre cette évidente différence. C'est en tout cas ce à quoi je m'attends et espère. Un tour au bar et sur la terrasse, brrr il fait toujours aussi frisquet en ce mois de mai, qu'il est déjà temps d'aller s'encanailler auprès du duo from East Nashville.
A ma gauche, John Wesley Myers en débardeur, jeans et boots. A ma droite, Van Campbell chaussé de lunettes de soleil aux branches vert fluo. Le duel a bien lieu, ici et maintenant. La règle du jeu est claire, il s'agit simplement de donner des grands coups d'adrénaline à l'auditeur-voyeur. Quand on vient de là-bas et lorsque l'on passe sa vie sur la route avec au minimum 250 concerts par an, on sait forcément y faire. Avec les talents combinés de John, un homme doué d'un organe vocal hors norme, qui se trouve quelque part entre les halos noirs de Howlin' Wolf ou de Screaming Jay Hawkins et les grognements de Tom Waits, et ceux de Van, qui se joue nonchalamment de ses baguettes pour envoyer des pains explosifs, la claque est rapidement encaissée. Reste à tenter d'apprivoiser le jeu de mains du Reverent James Leg (le surnom de John, son père était pasteur baptiste quand il a commencé à jouer du piano à l'église dès l'âge de six ans). En haut et avec sa main gauche il martyrise un clavier d'orgue, en bas et avec sa main droite il martèle un piano Fender Rhodes. Avec elles, il se moque de ses deux claviers pour produire un son saturé et les marier de force avec sa voix complètement (d)éraillée. Ce qui en sort est strictement réservé aux adultes et donc hautement recommandé aux plus jeunes avides d'une révélation scénique. Ca suinte le blues et la soul, ça sonne garage mais c'est surtout du pur rock'n'roll passé au vitriol. Après un début sans retenue et l'avantage d'une chanson inédite "Sad days", le concert prend encore une autre dimension. John bringuebale ses touches et balance sa tête tel un metalleux, il semble être en apesanteur au-dessus de son tabouret. Avec "Smoothe it Out", et l'indomptable "Fever in my blood", même les plus surpris sont désormais convertis. Entre le paradis et l'enfer, entre la sainteté et le péché, une droite ligne est tracée. Le temps d'un rappel ils finissent par m'y envoyer avec "It's a long way to the top" d'AC/DC.
Myers et Campbell m'ont mis KO pour de bon. Comment deux mecs peuvent-ils faire un tel boucan d'enfer ? Une heure durant leur rock démoniaque et leur sensibilité soul-blues-punk ont empli mes esgourdes et dilaté mes pupilles. BDH c'est de la bombe baby !
Merci à Laurent T pour les photos, accès ici