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Critique d'album

Sleater-Kinney


Little Rope


(19/01/2024 - Loma Vista - punk rock - Genre : Rock)
Produit par John Congleton

1- Hell / 2- Needlessly Wild / 3- Say It Like You Mean It / 4- Hunt You Down / 5- Small Finds / 6- Don’t Feel Right / 7- Six Mistakes / 8- Crusader / 9- Dress Yourself / 10- Untidy Creature
Note de /5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"La première belle surprise rock de l'année. Rendez-vous pour les Awards 2024."
Maxime L, le 04/02/2024
( mots)

Drôle de groupe finalement que Sleater-Kinney. Tout du moins aux yeux du très grand public amateur de rock à guitares. Formation incontournable de la scène punk ouest-américaine des années 90, via quelques brûlots ayant acquis le statut d’oeuvre “culte” (on pense notamment à Call The Doctor en 1996 ou Dig Me Out l’année suivante), difficile d’avoir une idée de la portée de leur musique au delà de ces sphères somme toute assez cloisonnées (preuve en est : Little Rope est le premier opus du groupe a être chroniqué dans nos colonnes) !


Formé autour de Corin Tucker et Carrie Brownstein, guitaristes et chanteuses, Sleater-Kinney (pour “Sleater-Kinney Road”, la rue où le groupe esquissa ses premières répétitions) s’inscrit à l’origine dans le mouvement “Riot Grrrrl”, apparu au début des nineties, dans l’Etat de Washington, aux alentours d’Olympia, ville de naissance de Sleater-Kinney, et où un certain Kurt Cobain y avait établi résidence entre 1989 et 1991. La filiation entre Nirvana et Sleater-Kinney est donc autant musicale que géographique, voire idéologique, Cobain étant un des rares artistes masculins de l’époque conscient et partenaire de la cause féministe.


Après avoir publié 7 disques de punk-rock (assez linéaires, cela reste du punk-rock, mais sans réelle fausse note) entre 1995 et 2005, les Américaines jettent l’éponge suite, entre autre, à des problèmes de santé assez sérieux pour Carrie Brownstein et la batteuse Janet Weiss.
Un hiatus qui s’avérera salvateur, puisque elles reviennent en 2014, concentrées autour de Brownstein et Tucker ; et il faut bien le dire, presque dans l’indifférence générale de ce côté là de l’atlantique. Depuis, le groupe sort des albums à intervalles réguliers, tous les 2 ans ou presque. Des disques en tous points remarquables, sincères, honnêtes, mais dont l’impact ne dépasse que très rarement le cercle des très initiés.


Et puis il y a ce Little Rope, une des premières “grosses” sorties de ce début d’année 2024. Un album qui parait dans un contexte pour le moins difficile pour Carrie Brownstein, la musicienne ayant surmonté des deuils familiaux assez soudains ces derniers mois. Alors me direz-vous, pourquoi parler de ce 11ème disque studio, alors qu’on a passé sous silence ici-même les 10 premiers ? Et bien pour 3 raisons assez distinctes.
La première est toute simple : un début d’année assez timide en terme de parutions fait que mon oeil est attiré par ce visuel esthétiquement très réussi et qui se démarque de mon algorithme (l’importance des pochettes toujours, même lorsque la musique est dématérialisée), et assez loin de l’image qu’on peut avoir d’un artwork de pur punk-rock. Et pour cause, mais on en reparlera.


Ensuite, la production. Moderne, sophistiquée sans jamais prendre le pas sur les compositions, John Congleton (que je découvre pour l’occasion mais dont le CV est ahurissant) transfigure le son du duo, reléguant l’identité punk brute et sauvage dans les cartons. Les lignes de basses tremblent, les riffs de guitares respirent, la batterie martèle quand il faut, avec toujours beaucoup de subtilité. Gageons que le casting est complété aux guitares et aux claviers par Dave Depper de Death Cab For Cutie, groupe très apprécié chez AlbumRock (et qui bénéficie de davantage de chroniques que Sleater-Kinney, tout fout l’camp).


Et puis, enfin, il y a les chansons. Et quelles chansons.
Que ce soit dans les mélodies, et dans les mots choisis.


Les jalons sont posés dès “Hell”, qui ouvre fantastiquement le disque :


"Hell don't have no worries
Hell don't have no past
Hell is just a signpost
When you take a certain path
Hell needs no invitation
Hell don't make no fuss
Hell is desperation
And a young man with a gun
"


La fougue punk des nineties a laissé place à un cynisme désabusé et implacable qui, hélas, sied parfaitement à notre époque. Le refrain enfonce le clou, le “No Future” scandé des premières générations punk étant remplacé par l’urgence simple et impitoyable d’un “No Tomorrow” :


"You ask why like there's no tomorrow
You ask why like there's no tomorrow
"


Un “No Tomorrow” qui reviendra comme un boomerang inéluctable, notamment dans “Untidy Creature”, autre grande réussite, (où ça chante comme rarement sur un disque de punk) et dont le riff tout bonnement énorme associé au piano bourdonnant de Depper en font un single absolument imparable. À ce moment de la chronique se pose une question importante : en dehors du message général, que reste t-il du punk direct et abrasif de Call The Doctor et autres disques souvent portés aux nues (à tort ou à raison) par les fans ?


En réalité, hormis l’urgence apparente de l’ensemble et la concision du disque (10 morceaux en 34 minutes, au passage un standard que tout groupe devrait respecter en 2024), et bien… pas grand chose. Et c’est une bonne nouvelle. Les Américaines ont fait évolué leur musique, et il est difficile de reprocher à une formation de cette trempe de ne pas rester dans son pré-carré, à plus forte raison quand le style original est par définition un peu étriqué et peu propice aux expérimentations. Le tempo des compositions ralenti (c’était d’ailleurs le cas sur les disques précédents), et les influences ont changé ; preuve de l’ouverture d’esprit des deux Américaines après avoir passé les 20 dernières années à être citées comme l’une des principales références dès lors qu’on parlait de “groupe de filles à guitares”.


On pense très rapidement, à partir de “Needlessy Wild”, à un duo anglo-américain, dont le dernier album nous a un peu déçu (au point de ne pas l’avoir chroniqué ici), à savoir The Kills.
Que ce soit dans le chant un peu nonchalant du morceau, mais surtout dans le riff à mi-parcours, le son global nous ramène irrémédiablement au duo Mosshart-Hince. Plus loin, sur “Hunt You Down” (quel refrain encore), c’est l’usage d’une boite à rythme sur le break, allié à un solo de guitare épais et faussement destructuré qui nous reconduisent une fois de plus vers The Kills, l’aspect poseur en moins. Comme si Brownstein et Tucker se foutaient complètement de ne pas être les égéries de The Kooples.


Si les deux Américaines sont les têtes pensantes et seules autrices compositrices de Sleater-Kinney, il convient de souligner la variété du jeu de batterie d’Angie Boylan, dont les patterns sont presque dansants sur “Hunt You Down”, ou carrément martiaux sur “Small Finds”, dont le break new-wave dans l’esprit permet au groupe de ne pas s’engoncer dans son punk-rock-alternatif. On se surprend même, sur le très Indie “Say It Like You Mean It”, à penser à une sorte de collaboration improbable entre Blondie qui tiendrait le micro chez The National.


Les titres s’enchaînent sans véritable temps faible, les ligne de guitares à la Television s’entremêlent à la perfection sur “Don’t Feel Right”, quand “Crusader” concourt déjà (et sans suspense) pour le meilleur refrain de 2024 (ce “Forever rings a life lived out loud, The shock, the peal, the sound” risquant de vous obséder de longues et précieuses heures).


Little Rope est il pour autant le meilleur album de Sleater-Kinney ? Sans doute pas si vous connaissiez le groupe auparavant, particulièrement sur la période 90-97. En revanche, pour qui cherche un disque de rock à guitares intelligent et accessible, entrainant, avec des chansons aussi bien ficelées en terme de message, de structures ou de production, alors nul besoin de chercher plus loin, la vraie première bonne surprise de 2024 est là.


 


À écouter : “Hell”, “Crusader”, “Hunt You Down”, “Untidy Creature”.

Commentaires
ValentinAR, le 29/02/2024 à 22:21
Merci pour cette chronique. Sleater-Kinney c'est le groupe préféré de beaucoup de nos groupes préférés. Dans leur premier run de 1995 à 2005 il y a quand même The Woods qui se distingue pas mal du reste, produit par Dave Fridmann, beaucoup plus ambitieux, lourd, dense et réfléchi que le reste. C'est un disque qui s'apprécie au delà du punk, simplement un des meilleurs albums de rock des années 2000, même si les européen·ne·s ont toujours eu un peu de mal à se sentir concernés par le groupe. A propos de ça, le succès sélectif de Sleater Kinney incarne entre autres une forme de sexisme et c'est probablement un cas d'école du paradoxe qu'on peut avoir dans le rock qui consiste à se plaindre du manque de figures féminines tout en reléguant second plan (intentionnellement ou non) les projets les plus méritants. Il faut voir les sujets que le trio abordait avant leur séparation pour se rendre compte d'à quel point elles étaient en avance sur des thématiques autour de la domination masculine (dans le rock ou ailleurs) et imaginer la résistance que cela pouvait induire chez certaines publications et certain·e·s fans potentiels à l'époque, comme des prises de position similaires peuvent encore poser problème aujourd'hui. Enfin bref, c'est le genre de groupe qu'il faut s'efforcer de couvrir.