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Critique d'album

Homme Bleu


Dark Matter


(20/06/2025 - - Indie - Genre : Rock)
Produit par Alex Conroy

Note de 5/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Sans la matière noire, l’art obscur ne serait rien..."
Daniel, le 11/06/2025
( mots)

Voltaire

Une langue qui s’enrichit est souvent preuve d’une culture qui prospère. Si, dans nos esprits, "homme bleu" évoquait jusqu’à présent des Touaregs, un harmoniciste ou des Schtroumpfs, il va falloir désormais compter sur un sens nouveau... 

Homme Bleu est également le patronyme adopté par Nazim Mokhnachi pour son projet solo. 

Et cet Homme Bleu là, algérien de père et breton de mère, a assez de répondant pour tracer son sillon dans notre petit monde musical.

Avec Dark Matter, l’ex-compositeur et leader du quatuor lavallois The Blue Valentines (à la fin des eighties) propose aujourd’hui une suite anglophone à son Bal des Crocodiles (2023) qui était chanté essentiellement dans la langue de Voltaire. 

Une fois encore (et fidèle à mes sempiternels radotages), je me pose la question du bien fondé d’un choix "culturel" qui grince parfois un peu. Exprimer des choses aussi personnelles dans un idiome "autre" crée à mon sens un décalage ou une distanciation entre l’auteur, son public "naturel" et même ses propres sentiments (1). 

Mais qui suis-je pour juger des intentions d’un artiste ?

Verlaine

Paradoxe. C’est par amour pour la langue française que Thomas Miller a naguère emprunté son patronyme scénique à Paul Verlaine. 

Et, depuis son décès en 2023, Tom Verlaine et ses improbables dentelles de guitare manquent cruellement au monde rock. 

C’est avec émotion que l’on retrouve sur l’opus d’Homme Bleu le musicien rétro-romantique qui, par exemple, a illuminé certains albums de son amie de cœur Patti Smith. 

La seule version CD de Dark Matter contient en effet deux titres bonus enregistrés à New-York avec le génie créatif de Television. 

Le choix est, à plus d’un égard, pour le moins déroutant. Les amateurs de vinyle seront probablement frustrés par l’absence des deux titres. Quant aux amateurs de CD, ils risquent bien de perdre leurs repères sur Dark Matter dans la mesure où "End Of Summer" et "You’re My Friend" (qui clôturent alors l’opus) sont proprement extraordinaires mais produits dans une optique pour le moins différente des douze autres titres qui composent l’œuvre de départ (2). 

L’effet "patchwork" est encore renforcé par le titre "The Life In Me" qui est produit non pas par Alex Conroy mais par le génial Steve Lyon (Depeche Mode, The Cure, …) et qui, forcément, résonne (très joliment) de façon un peu décalée.

Vivre (mal de) 

Sous une pochette où Homme Bleu vêtu de noir se fait mi-homme, mi-oiseau de malheur face à une mer trop calme (la mer étant le miroir de l’homme libre selon qui vous savez), Dark Matter se déroule dans une ambiance générale assez désabusée (parfois tourmentée) qui s’inscrit dans les canons d’un rock électro-indie contemporain biberonné à la cold wave eighties. 

Au fur et à mesure que défilent les plages, un spleen inaltérable s’installe. Et, quand on sait que le terme trouve son origine dans un organe humain, la rate, dont, selon Hippocrate, la bile noire (une matière noire comme le titre de l’album) cause la mélancolie, l’on s’aperçoit que la boucle sémantique est bouclée. 

On erre, on se cherche (sans se trouver), on s’interroge, on s’introspecte, on se quitte, on se meurt, on ne se retrouve pas.

Sans concession "commerciale" aucune, Dark Matter est une œuvre exigeante qui impose des écoutes répétées pour livrer toutes ses étonnantes subtilités instrumentales et toutes ses nuances d’intention(s) entre gris moyen et gris très foncé.  

Enregistré à Montpellier puis, pour l’essentiel, mixé à Brooklin par Alex Conroy (qui est loin d’être un manchot sonique), l’album met en scène un artiste complexe qui expose certaines de ses peines à vivre sous la forme d’esquisses crayonnées au fusain gris-bleu. Il est impossible de se soustraire à ces croquis quand on a une once d’humanité.

Si on laisse de côté  les deux très beaux titres (mais "hors sujet") avec Tom Verlaine, mes préférences (strictement personnelles) vont au single "I Ride", à la superbe plage titulaire qui clôture la face B de la version vinyle, à l’intrigant "Murder In Slow Motion", au surprenant "Old Time Religion", au désespéré "I Will Forget You" et au décalé "The Life In Me" (déjà cité) où les guitares et les chœurs viennent cisailler une base rythmique joliment synthétique.

Il est probable qu’aucun être humain n’a de réponse réconfortante à apporter aux questions existentielles développées par Homme Bleu. Mais je peux le rejoindre sur le fait que le temps qui passe nous conduit inexorablement vers le moment où la fête va s’achever. Et là, Nazim Mokhnachi rejoint Robert Smith dont l’ombre, désabusée mais chaleureuse, plane quelquefois sur Dark Matter.

Même si le groupe qui occupe la scène continue de jouer (3).

Parce que les artistes n’ont pas toujours conscience de la finitude des choses. 

Et c’est bien ainsi...

Le groupe continue de jouer
Mais la fête est finie
Je t’oublierai
Comme j’oublierai l’amour que j’avais pour toi
Et comme je t’oublierai aussi (4)

Coda

Même si la cotation d’une œuvre d’art est un jeu un peu dérisoire, je tiens à préciser ici que ma cote de 3 étoiles vaut pour le vinyle. Pour le CD – et par la grâce des eux titres "ajoutés", je proposerais plus volontiers 3,5 étoiles.

Il reste aux petits rockers à choisir et à emporter la vraie décision !


(1) Je serais furieusement curieux d’entendre cette musique avec des textes exprimés en Français.

(2) A titre strictement personnel, j’aurais opté pour un EP afin de bien distinguer Dark Matter de la collaboration avec Tom Verlaine.

(3) Comme, selon la légende et pour rester dans la joie, l’octuor du Titanic qui jouait "Nearer, My God, to Thee" tandis que le paquebot était en train de sombrer.

(4) Traduction libre de "I Will Forget You".


 

Commentaires
TKProd , le 12/06/2025 à 19:52
Le vinyle inclut bien les 2 titres feat. Tom Verlaine. La production.
KillBILL, le 12/06/2025 à 19:36
Bonjour avez vous vraiment écouté le vinyle ? Les deux titres en question sont en face D ! Dommage d'écrire sans écouter vraiment ...