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Rock psychédélique et marketing : retour sur le Bosstown Sound


François, le 01/04/2020

Si l’on vous parle du rock psychédélique, vous situez facilement la période : la fin des années 1960, principalement aux Etats-Unis. Plus précisément, vous pensez à la Californie, Los Angeles et San Francisco, à la limite au Texas qui a vu naître le 13th Floor Elevators. La côte Est demeure donc le parent pauvre de la période, et Boston n’évoque rien aujourd’hui quand il s’agit des années 1960 : il faut attendre Aerosmith pour que la ville retrouve une splendeur rock … C’est exactement le constat qu’avait fait le label MGM avant de lancer son coup publicitaire. 

 

Dès 1967, Alan Lorber perçoit le potentiel de la ville, aussi bien en termes de public (très universitaire) que de musiciens. Il repère vite le groupe Underground Cinema, futur Ultimate Spinach. Il s’associe à MGM, label qui assure la partie commerciale de l’opération. De son côté, il déniche et enregistre les groupes. Ultimate Spinach et Orpheus seront les premiers, ainsi que Beacon Street Union, créé dans son giron. 

 

En janvier 1968, Alan Lorber lance la campagne du Boss-Town Sounds qui promeut Orpheus, Ultimate Spinach, The Hallucinations, et The Beacon Street Union. L’article du Newsweek devient viral, et très rapidement, toute la presse, spécialisée ou non, est emportée dans le tourbillon. Le plus gros succès, Ultimate Spinach, finit par recevoir le même écho que Jefferson Airplane au niveau national ! Mais derrière cette expression – Bosstown Sound – se cache en fait des groupes assez différents, certes marqués par le rock psychédéliques, mais plus ou moins expérimentaux, plus ou moins folks … Bref, le « son » de Boston reste à trouver, même si le reproche souvent fait, d’intellectualisation de la musique (pour ne pas dire snob), est bien une qualité commune. 

 

Localement, de nombreux clubs permettent aux groupes de se produire. C’est notamment Ray Riepen qui en est l’acteur, en organisant des concerts dans son club, le Boston Tea Party. Mais il y’en a eu d’autres : The Catacombs, The Psychedelic Supermarket … La ville comme les Etats-Unis sont en ébullition. 

 

Mais assez rapidement, l’opération s’avère être un échec : plusieurs critiques démontent le procédé et les groupes, ces derniers n’ont pas les épaules pour répondre aux attentes, les pertes financières sont énormes … De nombreuses formations de la scène périclitent, et en 1969, s’en est fini de l’expérience bostonienne. 

 

Pour les curieux, il faut consulter  le site www.punkblowfish.com. Il rassemble de nombreuses archives et est réalisé par un très grand connaisseur de la scène (en anglais). 

 

Les groupes emblématiques

Ultimate Spinach


Sur les cendres d'Underground Cinema, Ultimate Spinach est la référence absolue du Bosstown Sound. Ian Bruce-Douglas mène la barque, aux côtés de Keith Lantheinen (batterie), Geoffrey Winthrop (guitare), Ted Myers (guitare), Richard Nese (basse), et de Barbara Jea Hudson (guitare) dont le chant rappelle Grace Slick. Le groupe compte trois albums à son actif : Ultimate Spinach (1968), Behold and See (1968) et Ultimate Spinach III (1969). Les deux premiers albums sont dans la même veine, même si l'initial obtient notre faveur. Pour les amateurs de longues pièces psychés, avec de nombreux effets sur les guitares, quelques expérimentations, ce sera une découverte bouleversante. "Ballad of the Hip Death Goddess" fait partie des perles de leur discographie. 

Orpheus


Orpheus n'est pas réellement de Boston, mais est compris dans la production de MGM et le giron de la métropole (le groupe vient bien du Massachusetts, mais de Worcester). Les comparer à Ultimate Spinach permet de comprendre l'invalidité de l’expression "Bosstown Sound", puisque les deux groupes n'ont pas grand chose à voir. Le groupe survivra aux années 1960 (il existe toujours), et produit en 1968 Orpheus et Ascending, puis Joyful en 1969 et Orpheus en 1971. Leur musique est marquée par des pièces assez courtes, des réminiscences folks (guitare acoustique très présente), mais surtout, une orchestration très riche et des arrangements pompeux. Trompettes, cordes, flûtes, cuivres et bois sont de la partie. Chacun jugera, mais ce genre d'expérience vieillit, selon nous, assez mal. Il faut surtout écouter le premier album, qui comporte leur plus grand succès "Can't Find the Time", auquel on préfère "Door Knob Song". 

Beacon Street Union


Autre groupe important, celui des étudiants de la Beacon Street Union : John Lincol Wright (chant), Robert Rhodes (claviers), Wayne Ulaky (basse), Richard Weisburg (batterie), Paul Tartachny (guitare). Ils connurent également un succès aussi rapide que leur carrière : trois albums seulement, The Eyes of the Beacon Street Union et The Clown Died in Mavin Gardens (1968), puis Come Under Nacy's Tent (1970, avec un nouveau nom, Eagle). Ils apprécient reprendre des tubes du blues ou du rock'n'roll, du King ("Blue Sued Shoes") à Chuck Berry ("Beautiful Delilah"), en passant par la sublime version de "Baby Please Don't Go", chef-d'oeuvre d'acid-rock sur plus de seize minutes. Les connaisseurs de la scène psychédélique de l'époque y reconnaîtront des gimmicks bienvenus dans l'usage des claviers, des ambiances orientales et planantes ("Mystic Mourning"), des rythmiques. Leur musique est assez variée, passant de la chanson un peu folk à des titres très heavy ("Sadie Said No"). Ils sont parmi les meilleurs de la scène. 

Earth Opera


Très engagé contre la guerre du Vietnam, Earth Opera propose une vision sans concession de l'Amérique à l'aide d'une musique inspirée. La qualité du groupe vient de ses membres prestigieux, marqués par la musique jazz et bluegrass, comme Peter Rowan ou David Grisman. Les sonorités folks sont bien présentes, avec des guitares nuançant les approches, tantôt heavy, tantôt plus douces. De vrais monuments sont présents dans leur courte discographie, notamment "The Great American Eagle Tragedy" ou "Time & Again" qui trouverait sa place dans le prochain Tarantino. Earth Opera n'a réalisé que deux albums, Earth Opera en 1968 et The Great American Eagle Tragedy en 1969. 

Tangerine Zoo


Tangerine Zoo aurait pu participer à Woodstock, ce qui témoigne de la relative popularité de la formation. Riche de deux albums - Tangerine Zoo (1968) et Outside Looking In (1968) - le groupe propose un rock psychédélique assez facile d'approche, avec ce qu'il faut du guitare fuzz et de claviers d'époque. Une belle reprise de "Gloria", des délires musicaux nombreux mais modérés ("The Flight", "Trip to The Zoo" ...), il y a de quoi passer un bon moment. 


 


 


 

Chameleon Church


Autour de Ted Myers, figure importante de la scène qui participera au dernier Ultimate Spinach, Chameleon Church a connu un existence très brève, avec un seul album enregistré dans un contexte chaotique, Chameleon Church en 1968. On est plus proche de la pop beatlesisante, avec des orchestrations et arrangements classiques nombreux, dans le veine d'Orpheus. Les chœurs omniprésents n'y sont pas pour rien. Malgré quelques tentatives psychédéliques intéressantes (cithare) c'est une production assez anecdotique. 


 


  

Quill


Quill, groupe des frères Cole, a ouvert le deuxième jour de Woodstock, seul formation de la scène de Boston présente au festival. De 1967 à 1970, il gagne une stature nationale bien que son unique album, Quill (1970) n'ait pas connu le gloire méritée. Assez électrique (l'excellent "Thumbnail Screwdriver"), parfois expérimental (le très psyché "Tube Exuding"), voire jazzy ("BBY"), c'est une pièce très originale et variée, qui mérite qu'on y jette une oreille. Il se retrouve non seulement dans le haut du panier du Bosstown Sound, mais également dans les productions de l'époque. A noter que leur batteur, Roger North, est l'inventeur d'une forme spécifique de batterie dont les fûts sont incurvés vers l'extérieur. 

Phluph


Groupe un peu plus mineur quoique cité par la presse de l'époque, Phluph propose une musique composée de chansons qui louvoient entre la British Invasion et des références plus locales (rythmes country, guitare bluesy) avec un son d'orgue marqué, rappelant davantage la scène psychédélique. Quelques moments planants et expérimentations sonores les placent plus assurément dans le courant psyché et la scène locale. De même, ils possèdent comme caractéristique des digressions - limitées - vers la musique classique. Un écoute attentive permet de percevoir la subtilité d'un album à priori facile d'écoute. 


  

Mais aussi


La scène se compose de nombreux autres groupes, certains sont pionniers comme The Freeborne, d'autres plus tardifs, de Kangaroo à The Art of Lovin'. Quoiqu'il en soit, et malgré l'origine du court succès de cette scène, les groupes de Boston méritent d'être redécouverts pour leurs expérimentations, leur apport indéniable au genre, leur diversité également. Certaines innovations comme le travail rigoureux de certains groupes pour la composition de morceaux fleuves peuvent nous faire considérer que cette scène aurait pu constituer un terreau favorable à l'émergence d'une scène progressive sur la côte Est. Ce qui n'eut pas lieu, à quelques exceptions près. Ainsi, bien plus qu'un coup marketing, le Bostown Sound fut un vivier artistique remarquable. Psychédéliquement vôtre. 


 


 

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