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Interview de Deportivo


Julien, le 10/04/2023

Rien ne semble pouvoir perturber la tranquillité de la petite ville de Riom, située dans le département du Puy-de-Dôme, en cette fin d'après-midi d'avril. Les murs aux couleurs vives de la salle de spectacle La Puce à l'Oreille regardent les derniers adolescents s'éloigner du lycée voisin, les yeux hypnotisés par les écrans de leurs smartphones et les oreilles indifférentes aux secousses musicales en provenance des balances préparatoires du concert à venir.
Une fin de journée paisible aux éclats routiniers qui va contraster fortement avec la déflagration nocturne à suivre, car ce soir Deportivo s'apprête à célébrer ses retrouvailles avec le public auvergnat. L'heure n'est pas encore à l'embrasement électrique au moment où Jérôme Coudanne (chanteur/guitariste) et Julien Bonnet (batteur) ont la gentillesse de m'accueillir pour évoquer leurs souvenirs et surtout leurs actualités.
Les visages des deux amis sont détendus : les sourires témoignent de la simple joie d'être là. Mon échange avec les Deportivo sera à l'image de leur musique : spontané, authentique, drôle. Une parenthèse chaleureuse pour moi, animée par la simplicité prise dans tout ce que le mot peut avoir de positif.
Entretien : 

 

Le premier concert de Deportivo auquel j'ai assisté c'était il y a 15 ans avec Luke à la Coopérative de Mai (Clermont-Ferrand).
Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

 

Jérôme : De très bons souvenirs, exaltants. Il y avait une grosse émulation, très chouette. Mais le souvenir précis de cette date à la Coopé c'est que notre régisseur, qui est encore notre régisseur ce soir, était absent des balances parce qu'il avait un peu trop fait la fête la veille donc des deux groupes on est arrivés pour cette première date de la tournée sans notre capitaine en fait. C'était un peu emmerdant.

 

Julien : Tout ça en plus dans une salle assez balèze avec les deux groupes et tout le backline à installer parce qu’on jouait 3-4 morceaux en commun avec Luke à la fin.

 

Jérôme : Mais en tous les cas c'était une belle époque et la Coopérative de Mai pour une première date, ça reste un souvenir marquant.

 

 

Tu parles d'une belle époque : vous êtes nostalgique de ce temps-là ?

 

Jérôme : Non, pas du tout. On l'a vécue alors on aurait pu avoir une frustration de ne pas la vivre. Ce qui reste ce sont de beaux souvenirs. En vieillissant, je préfère celui que je suis maintenant en plus donc non il n'y a pas de nostalgie.  

 

 

Est-ce qu'il n'y a pas le sentiment que c'était une sorte d'âge d'or pour le rock français cette seconde moitié des années 2000 ?

 

Jérôme : Dans ce sens-là oui, c'est vrai qu'il y avait beaucoup plus d'émulation autour du rock. Aujourd'hui c'est au tour des gamins qui font du rap, au sens large du style, de vivre ça et d'avoir cette excitation-là.
C'est toujours agréable quand on te prête un peu d'attention et c'est vrai qu'à l'époque nous et le rock, comme tu dis, on en a reçu et c'était très bien. C'est bien d'avoir connu ça : d'avoir été au centre du truc, mais ça ne nous manque pas de ne plus y être. Par contre c'est marrant parce qu'on a été dans le cœur du cyclone alors qu'on n'y était pas tout à fait préparés. Aujourd'hui on le gérerait beaucoup mieux, c'est un peu con.

 

 

Qu'est-ce que vous n'avez pas su gérer ?

 

Jérôme : Tout est allé très vite, tout était en accéléré. Comme si t'étais dans un train très rapide et quand tu regardes le paysage : tu voies que dalle. A l'arrivée tu ne prends pas nécessairement les bonnes décisions. Tu te laisses aussi gagner par la peur dans certaines circonstances…

Je pense qu'aujourd'hui on saurait ralentir un peu la machine : mieux gérer, alors qu'on nous prête moins d'attention médiatiquement. Mais il n'y a pas de regrets. On a été très chanceux.

 

 

C'est plus confortable pour vous d'être un peu sortis de cette lumière ?

 

Jérôme : Il y a moins de pression, ça c'est plus agréable. L'inconvénient est que tu peux te retrouver dans une situation difficile où d'un seul coup tu fais moins de concerts. C'est un risque : en perdant l'engouement, les médias, que ça devienne un petit bordel. Ça peut aussi écrire la fin de l'histoire. Nous, encore une fois, on a été chanceux par rapport à tout ça.

 

 

Pour revenir au présent, est ce que vous pouvez nous donner un peu de contexte sur les motivations qui ont conduit au retour de Deportivo neuf ans après votre dernier disque Domino ?

 

Jérôme : Putain neuf ans, tu le dis comme ça, tout de go ! Là t'as fait mal. Nous on était resté sur sept ans. On se disait : "ouais sept ans c'est loin" et là tu nous mets deux ans de plus : "Ah merde !".

Ce qui nous a motivé : on en avait envie. En vérité, on envisageait de faire ça fin 2019 et après on a fait face au covid, à cette situation merdique. On n'a pas voulu avoir de fausse joie ou bien vivre des annulations, donc on a attendu un moment plus clément pour se lancer à nouveau. Mais en vérité on aurait dû réattaquer trois ans plus tôt.

 

 

Vous avez joué tout au long de l'année 2022 et en décembre dernier, vous annonciez une prolongation de la tournée jusqu'au début de l'été à venir. C'était entendu dès le départ que joueriez aussi longtemps ?

 

Jérôme : Non au départ l'idée était de faire La Cigale c’était juste pour le plaisir et avoir un moment d'excitation. Alors quand on te dit que tu vas faire une date comme ça pendant 6 mois tu te dis : "c'est cool", mais ça fait aussi un peu peur parce que tu ne sais pas s'il y aura du monde déjà. Et quand bien même les gens répondent présents : est-ce qu'il y aura à nouveau cette énergie qui existait ?

Mais c'est très excitant. On cherchait cette tension là aussi, c'est pour ça qu'on a souvent comparé ce retour à faire du saut à l'élastique.

La Cigale s'est remplie très vite, donc on est partis pour faire trois ou quatre dates en plus et puis les concerts étaient tellement bien… C'était super joyeux avec plein de sourires : on n'allait pas se priver de ces moments de bonheurs.

 

 

J'étais venu vous voir au Ninkasi (Lyon) pour cette tournée et j'ai trouvé que les morceaux donnaient vraiment leur plein potentiel dans cette configuration live. Je pense à votre dernier titre "Révolution Benco" qui, pour moi, avait une puissance décuplée/accrue par rapport à la version studio.

Est-ce qu'il y a eu une approche différente dans la préparation de cette tournée par rapport aux précédentes ?

 

Julien : Déjà il fallu pas mal bosser. On a intégré un nouveau bassiste : Clément. On a tout passé en revue, tout rebossé et on a bien travaillé. Mais ce que tu dis les gens avaient le même sentiment à l'époque de l'album Ivres et Débutants où ils retrouvaient le caractère de Deportivo en concert par rapport à ce qu'ils entendaient sur le disque.

En tout cas pour cette tournée, ça s'est fait comme ça. Il n'y avait de volonté particulière de faire évoluer notre jeu où d'approcher les morceaux d'une façon différente.

 

Jérôme : Il y a peut-être un truc un peu plus naturel. C'est vrai que le titre "Révolution Benco" on a fait l'enregistrement de manière un peu bizarre. Effectivement, en live, il est peut-être un peu plus puissant comme tu dis, un peu plus bordélique.

 

 

Le fait de réattaquer par une tournée plutôt que l'enregistrement d'un nouvel album : est-ce que ça signifie que vous vous définissez plus comme un groupe de scène que de studio ?

 

Julien : C'est compliqué de répondre. Le processus habituel c'est disque-tournée. Et si tu faisais l'inverse : le nouveau disque, une fois la tournée finie, il serait différent.

 

Jérôme : Ça c'est un peu un fantasme de finir la tournée puis de sortir le disque, mais les morceaux seraient mieux maîtrisés et les intentions sans doute meilleures.

Est-ce qu'on est plus un groupe de scène que de studio ? Je suppose que oui.

Après on a du plaisir à se retrouver en studio, de voir naître les morceaux. C'est toujours de bons moments. Mais c'est vrai que dans une certaine mesure, dans la production, on n'a jamais fait de trucs sophistiqués, encore que, il y avait des choses plutôt élaborées dans Ivres et Débutants mais sinon on a toujours fait des morceaux bruts en studio. A part Ivres et Débutant donc et puis peut-être "Révolution Benco" qui penche plus vers cet album là d'une certaine manière. Enfin en tous les cas on aime le studio et les concerts et effectivement les gens quand ils pensent à Deportivo : c'est aller au concert, faire la fête et se dire : "on va bien s'amuser".

 

 

Vous avez un morceau préféré sur cette tournée ?

 

Julien : Il y en a plusieurs car ça rejoint l'idée de puissance dont on parlait. Pour nous, elle vient du public et on est perméables à cette circulation des énergies plus les gens sont là, plus on les ressent et plus on a de force à envoyer.

Mais peut-être "Révolution Benco" parce qu'il est un peu plus frais. Sinon "Paratonnerre", c'est un morceau qui presque me définit en tant que musicien, qui a quelque chose de particulier.

 

Jérôme : J'ai toujours adoré jouer "Intrépide".

Mais j'aime bien jouer aussi "Conduire", c'est une reprise de Vertige*. J'aime bien parce que je n'ai pas à jouer de la guitare, j'ai qu'à faire des danses stupides : c'est bien.

(* Ndla : Vertige est un projet parallèle à Deportivo mené par Jérôme).

 

 

La tournée, un nouveau morceau : il y a une envie de donner une suite à ces retrouvailles avec un nouvel album peut-être ?

 

Jérôme : Je ne sais pas mais en tout cas le 17 avril on va enregistrer des morceaux donc on verra s'il en ressort des choses correctes ou pas. Sinon on en a un en réserve aussi.

Mais l'idée de ce qu'on fait maintenant, c'est articulé autour de la notion de plaisir qu'il ne faut absolument pas perdre et tout ce qu'on fait doit être animé par cela : autrement ça ne vaut pas le coup.

 

 

Une question pour toi Jérôme : les textes de Deportivo sont au centre de votre musique.

Peux-tu nous expliquer comment tu écris et nous parler de ta ou tes sources d’inspiration ?

 

Jérôme : Comment j'écris ? C'est difficilement explicable. Attend faut que j'y réfléchisse un tout petit peu.

En fait c'est ça : si je trouve une musique avec une humeur qui me convient, à ce moment je prends un verre de vin. Ce n'est pas pour être bourré, juste désinhibé pour éviter de m'empêcher de dire les choses. Je prends le micro, je m'enregistre pour voir ce qui en découle et s'il y a une ou deux phrases qui correspondent à l'ambiance de la musique. Dès que j'arrive à trouver, après c'est du travail : un puzzle un peu pénible quand ça ne vient pas spontanément et puis souvent je ne comprends pas vraiment ce que je raconte. Mais par contre ce qui est bizarre et toujours très intéressant c'est qu'au bout de trois ou quatre mois, ce que j'ai voulu dire apparaît clairement. Sur le moment, ce n'est pas clair et c'est plus tard où je me dis : "mais c'est évidemment ça" avec un lien très direct sur des expériences de vie, des relations… C'est l'un des mystères de l'écriture. Je crois aussi que c'est le moment que je préfère : ce moment où ça y est tout fait sens.

Voilà donc il y a du ludique et du travail un peu plus laborieux.

Sur mes inspirations, c'est clairement les relations humaines la plupart du temps.

 

 

Un coup de cœur sur un groupe ou un disque à partager ?

 

Julien : Y en a toujours beaucoup. Après là il y a un morceau qu'on passe après nos concerts de Curtis Harding et j'ai beaucoup écouté son dernier disque (If Words Were Flowers). Ce n'est ni rock ni français mais c'est ce que j'ai écouté le plus ces derniers temps.  

 

Jérôme : En fait j'écoute plein de trucs par curiosité, sans réellement m'y attarder, simplement voir ce qui se passe. Mais ces derniers temps en rock français ce qui est vraiment bien c'est Ravage Club. On a joué avec eux et on les aime beaucoup. Ils ont une belle énergie et ils y croient. Tu vois la musique pour eux c'est important, vraiment important. C'est leur vie et moi j'aime ces groupes qui font la musique pour les bonnes raisons. Ravage club le fait pour d'excellentes raisons.

 

 

Ce sera ma dernière question : quel regard vous portez sur le rock français en 2023 ?

 

Jérôme : Il me semble que quand tu fais du rock en 2023, il y a forcément une forme d'authenticité. Tu parlais de l'époque où le rock avait un peu plus les faveurs des médias, là il ne les a plus. Alors si tu fais du rock en ce moment -français ou pas- : t'as la foi quoi !

Pourquoi les gamins font du rap ? Parce que c'est plus facile, comme le punk à l'époque. Là tu n'as pas besoin d'un batteur, c'est moins cher en matériel…Mais aussi parce que c'est là où est l'argent et donc les jeunes vont là où ils ont un moyen de gagner leur vie aussi.

Donc ceux qui font du rock en ce moment sont vraiment des filles ou des mecs qui ont foi en cette musique. Je trouve ça super et c'est là qu'on voit les vrais.

 

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