Ce long séjour dans la grosse pomme approchant doucement - mais sûrement, damn - de son terme, il s’agit là d’une quatrième et dernière fois au Terminal 5 en ce mercredi 3 juin : c’est sous un soleil non pas de plomb mais bel et bien doré et accompagné d’une douce brise marine que je me joins à la plèbe pour pénétrer dans la salle - on est bien loin de la tempête Juno et de la morsure glaciale du froid à laquelle avait eu droit
Marilyn Manson lors de sa venue au même endroit
en janvier dernier. Les membres du public, essentiellement adulescents, prennent place dans la fosse et aux balcons, certains pour un deuxième soir de suite, ceux-ci ayant déjà assisté au concert que donnait Purity Ring la veille.
Bien qu’ayant embrassé la pop music et la dance avec son dernier opus
Another Eternity, le duo reste proche de ses racines puisque c’est à Born Gold, avec qui Megan James et Corin Roddick opéraient à l’époque au sein du collectif Gobble Gobble, qu’il revient d’ouvrir la soirée : accompagné de deux multi-instrumentistes installés derrière deux kits de percussions pour le moins atypiques, Born Gold délivre pendant presque quarante minutes une musique entre futurepop et indietronica que les plus braves n’hésiteront pas à qualifier d’expérimentale. Opérant hors des sentiers battus, le trio parvient pourtant à convaincre, et ce malgré une sono aussi approximative que stridente fortement dommageable au set des canadiens.
Canada toujours, puisque c’est ensuite au tour de Braids de prendre place sur scène avant que n’arrive enfin le duo James-Roddick : époustouflante surprise que ce trio originaire de Calgary et jouant d’un post-rock envoûtant emmené par la voix frêle et angélique de Raphaelle Standell-Preston, guitariste-chanteuse aussi timide qu’attachante qui n’aura de cesse de remercier le public pour son accueil entre chaque morceau. Peu avare en applaudissements, celui-ci se laisse complètement séduire par un set rondement mené et soutenu par une sono cette fois-ci beaucoup plus appréciable. C’est là aussi après une quarantaine de minutes que le groupe finit par s'éclipser, laissant le champ libre aux roadies pour installer la scène.
Ceux-ci ôtent alors le voile qui trônait sur scène et laissent apparaître le station depuis laquelle Corin Roddick pilote lumières et musique : huit piliers, tous surmontés d’une tête en forme de cristal et répartis autour des platines de Roddick au-dessus desquelles trône un gong d’un blanc immaculé identique à celui des piliers. Le reste de l’espace scénique se voit occupé par deux champs d’éclairages filamenteux suspendus évoquant une forêt de bambous du prochain millénaire... pour peu qu’on fasse l’effort d’admettre que des bâtons de bambous puissent contenir des LED - meh.
Il est finalement 10:00 PM quand Purity Ring investit la scène au doux son d’une foule en délire acclamant le duo avant même que ne résonnent les premières notes de “Stranger Than Earth”. Corin Roddick prend place derrière sa forteresse tandis que Megan James, elle aussi toute de blanc vêtue, empoigne son micro et déambule sur scène, sa voix se superposant tantôt à des basses vrombissantes, tantôt à un maëlstrom décibélique repoussant la sono dans ses derniers retranchements, le sol du Terminal se mettant littéralement à vibrer sous les pieds d’un public à la discipline irréprochable se déhanchant au rythme de la musique de Roddick.
En véritable chef d’orchestre, ce-dernier donne le tempo à l’aide de ses beats qu’il joue non pas sur ses platines mais sur les têtes des piliers, qui s’avèrent être en réalité un sampler déguisé sur lequel Roddick joue à l’aide de baguettes - pour l’anecdote : celui-ci était batteur avant de rejoindre Gobble Gobble. Chaque tête pilote ainsi un sample, mais aussi un éclairage spécifique et indépendant du jeu de lumières principal : en résulte ainsi une synchronisation parfaite favorisant grandement l’immersion dans l’impressionnant spectacle son et lumières qui se déroule sur scène, les rangées successives de filaments dessinant quant à elles des formes en trois dimensions, à l'image d'une sphère au diamètre variable aux mille et une couleurs.
Follow the lights
C’est donc au milieu de cette orgie de couleurs que le set, essentiellement construit autour d'Another Eternity - dont l’intégralité des morceaux seront joués - suit son cours : Megan James chante encore et toujours sa fascination pour le corps avec sa voix chérubine par dessus la musique hypnotique de Corin Roddick pour un rendu fascinant. C’est après “Repetition” que celle-ci pose son micro pour enfiler deux gants sur lesquels sont cousus deux miroirs circulaires au niveau des paumes pendant qu’un roadie amène sur scène un instrument hybride, à mi-chemin entre l’orgue miniature et le kit de percussions : tout comme pour la station de Roddick, à chacune des colonnes tubulaires qui composent l’instrument est assignée une note, là aussi jouée par contact.
Megan James prend ainsi place et entame “Obedear", réfléchissant sur le public les différents faisceaux de lumière émanant des colonnes à l’aide de ses gants. L’intrigant appareil, bien qu’emmené hors de la scène alors que démarre “Lofticries”, fera son retour à plusieurs reprises par la suite. C’est donc de nouveau micro en main que la chanteuse arpente la scène, comme possédée, effectuant allers et retours au milieu des éclairages filamenteux, sa silhouette apparaissant et disparaissant au rythme des lumières tantôt éblouissantes, tantôt stroboscopiques.
Alors que la soirée approche de son terme, c’est finalement une Megan James aussi humble que timide qui s’avance pour remercier le public pour l’accueil exceptionnel que celui-ci a réservé au duo au cours des deux soirs. Déclarant par la suite que le groupe s’apprête à jouer sa dernière chanson - et qu’on ferait mieux d’en profiter parce qu’il n’y aura pas de rappel - c’est à demi-voix que celle-ci fait part de son envie de s’adonner aux joies du crowdsurfing : réponse plus qu’enthousiaste de la part de l’assemblée avant que ne démarre le monstrueux “Begin Again”, concluant le set en grande pompe avec une Megan James portée par un public fanatique qui peinera à la laisser retourner sur scène : celle-ci mettra en effet pas loin de cinq longues minutes pour s’extirper d’une foule avare en selfies… pour le plus grand plaisir d’un Corin Roddick hilare qui ne bougera pas un petit doigt pour aider sa collègue. Qui aime bien châtie bien dit-on.
Bien qu'affreusement court (une heure montre en main), c'est finalement un concert aussi hypnotique que splendide qui s'est tenu ce soir : mariant à une musique electro onirique un jeu de lumières tout bonnement époustouflant, Purity Ring a su offrir un spectacle teinté de synesthésie en adéquation totale avec son identité sonore futuriste. Rafraîchissant et hautement recommandable, à défaut d'être vraiment novateur - Jean-Michel Jarre, si tu m'entends.