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Compte-rendu de concert

Depeche Mode


Date : 31/01/2014
Salle : Palais Omnisport Paris Bercy (Paris)
Première partie : Feathers
Raphaëlle, le 11/03/2014
( mots)

Groupe phare des années 80 formé à Basildon (Essex), Depeche Mode a entamé les années 90 avec des tournées toujours plus phénoménales. Les anglais vivent alors le cliché de rockstar jusqu’au bout, le chanteur ayant sombré dans l’héroïne, le compositeur principal dans l’alcool et le troisième compère souffrant d’une sévère dépression. Cette période torturée a nourri l’imaginaire du groupe qui propose depuis une dizaine d’années des compositions plus mûres, dans un genre "blues rock électronique" comme il le définit lui-même. Le concert du 31 Janvier est la deuxième date parisienne de leur Delta Machine Tour, initié en 2013.  C’est l’occasion de voir ce que leur tournant blues-rock rend sur scène et d’assister au show millimétré d’un groupe habitué aux plus grandes scènes. En plus de trente ans de carrière, les Mode ont réussi à toucher tant de générations successives qu’on croise des quinquagénaires, des familles avec ados, de couples trentenaires, des bandes de copains qui s’en roulent unes ni vu ni connu et quelques hipsters. La playlist choisie pour nous faire patienter fait son petit effet, on se trémousse déjà dans les gradins.

La machine à remonter le temps

Le concert démarre avec la première chanson de leur dernier album, "Welcome to my world". Lancinante, la chanson suspend tout de suite Bercy à la voix de baryton de Dave Gahan. Les seuls autres extraits du dernier album sont "Angel" et "Heaven", deux titres qui adoptent le même rythme lent et mélancolique. Peut-être parce qu’ils ont conscience que leur dernier album n’a pas fait l’unanimité au sein de leur propre public, les anglais expédient ces chanson en premier pour laisser place à la machine à remonter dans le temps.

L’avantage avec Depeche Mode, c’est que quelle que soit la période préférée du spectateur, ce dernier va forcément y trouver son compte. Le manque d’identité propre est d’ailleurs l’une des principales critiques adressée au groupe. On a droit à la période grunge tendance tatouage et orgies avec "In Your room", à la techno industrielle de "Black Celebration", au rock garage version Mode avec "Walking in My Shoes" et enfin à la new wave de "Question of Time" ou de "Behind the Wheel". Tous ces classiques à l’épreuve des stades sont repris en chœur par la foule. Gahan semble à la fois surpris que le public français connaisse autant de refrains et ravi de l’accueil réservé à son groupe. Il exhorte la foule à l’accompagner par de vigoureux « Sing It ! » et décoche à la fosse de larges sourires.

Au milieu du concert, il prend une pause en coulisses pour laisser la scène à Martin Gore. Ce n’est pas forcément pour plaire à la charmante dame à côté de moi, qui n’a d’yeux que pour Gahan, malgré l’air dépité de l’homme qui l’accompagne. Gore pose donc ses guitares pour se lancer dans une interprétation délicate de "Blue Dress" et de "The Child Inside". Ma voisine le hue copieusement, appelant Dave à plein poumons.

Après cette respiration, la visite du panthéon de Depeche Mode reprend et il faut bien "Personal Jesus" pour remettre tout le monde dans l’ambiance. Le POPB se transforme même en véritable karaoké géant pendant le méga tube "Enjoy the Silence". Le moment wtf survient pendant que le groupe entame "Precious" : des images de chiens se succèdent à l’écran. J’ai beau connaître le groupe, je cherche encore l’explication de cette déclaration d’amour canine. Quant à "Just can’t get enough", son aspect kitsch est parfaitement assumé, ce qui n’empêche pas la foule de danser comme lors de la parution du hit, en 1981. Le concert est à l’image de ce titre, presque ringard, toujours irrésistible. Seule véritable prise de risque, le groupe remixe "A Pain That I’m Used To". Le tempo accéléré accentue le malaise de la chanson pour un résultat plutôt convaincant.
 
L’art du spectacle

Sur scène, le trio bénéficie de l’appui d’un pianiste et d’un batteur, qui accentue encore l’aspect rock stadium du concert. Pourtant, c’est Dave Gahan qui porte le show sur ses épaules. Martin Gore, caché derrière ses guitares, est le principal artisan du son du groupe et Andy Fletcher, derrière ses claviers, est souvent considéré comme le « monsieur Money » du groupe. Mais c’est bien Gahan le « frontman » qui porte depuis trente ans Depeche Mode à bout de bras, manquant au passage d’y laisser sa peau. Presque toutes les paroles sont de Gore, pourtant Gahan les chante comme si c’étaient les siennes. Etonnant  jeu de miroir entre le compositeur et l’interprète, qui les incarne dans toute leur ambivalence. Quand Gahan chante le vice et l’addiction, on sent qu’il sait de quoi il parle.

Arrivé sur scène en veste lamée argentée, il l’enlève dès la fin de la première chanson pour le plus grand plaisir de son public féminin. Dès lors, il ne tient littéralement pas en place. Curieux spectacle que les gesticulations de ce quiquagénaire au corps sculpté et tatoué, dont le visage accuse néanmoins le poids des années et des excès. Tout le catalogue de la rock star y passe, avec d’abord les grands classiques : haranguer les gradins, taper des mains, tendre le micro vers la fosse, interpeler son guitariste. Gahan réserve aussi quelques spécialités de son cru au public parisien, efficaces quoique d’un goût modéré : tourbillonner sur soi-même, s’attraper l’entrejambe de façon suggestive, se déhancher sensuellement comme si on était seul devant la glace et non devant tout Bercy, ainsi que le coller-serré avec le pied de micro (et son bonus, le déchaînement vocal hystérique de ma voisine).


Tout cela pourrait paraître ridicule, vu l’âge des protagonistes et des titres proposés, mais la force de Depeche Mode vient de leur foi presque naïve en eux-mêmes. Leur attitude, les visuels projetés sur les écrans géants et les paroles des chansons forment un tout cohérent. Ils prennent un plaisir évident à rejouer leurs plus grands tubes et à les partager sur scène avec un public conquis d’avance. Difficile de rester de marbre face à l’énergie dépensée par le groupe pour nous faire partager leur joie d’être sur scène.
Dans un ultime geste de communion avec leur public, ils entament alors un rituel inchangé depuis la fin des années 80. Les premières notes de « Never Let Me Down Again » retentissent et Dave Gahan s’avance face à la foule, comme pour s’y abandonner. Il lève les bras vers le ciel, puis il les agite de gauche à droite, dans une froide lumière noire et blanche, imité par la foule. Le temps d’une chanson, Bercy ressemble à un gigantesque champ de blé battu par les vents, fascinante vision qui illustre le soutien inconditionnel de trois générations de fans.

Le concert ne convainc probablement pas les plus récalcitrants au son du Mode mais il leur offre une démonstration de force scénique. A défaut de faire dans l’émotion et la délicatesse, Depeche Mode a au moins le mérite d’être encore capable de faire danser tout Bercy.

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