Bruce Springsteen
Salle : Werchter (Werchter - BELGIQUE)
Première partie :
Préambule
Des raisons de santé m’ont empêché de participer à ce concert que j’attendais depuis des mois. Les lignes qui suivent ont été rédigées sur la base du témoignage (en première ligne) du Docteur Futurity qui est le plus éminent spécialiste belge de Bruce Springsteen. Je lui sais gré d’avoir été mes yeux et mes oreilles pour l’occasion !
Trois jours avant le solstice…
Le Boss est au rock ce que le darija est au Maroc : un langage natif, partagé par toutes les castes et tribus, à la fois universel, véhiculaire, évolutif et non écrit. Et, par conséquent, non inféodé à des académiciens élitistes ou à des grammairiens en mal de censure. Libre. Sans frontière. Sans papiers.
Peu importent les goûts artistiques, l’âge, le sexe, la situation sociale ou la langue. Tout qui ressent les fondamentaux du rock (1) "comprend" ce que Bruce Springsteen raconte. Quand ce n’est pas grâce au verbe, c’est grâce à la musique. Quand ce n’est pas par la musique, c’est par l’émotion. Par les tripes. Il y a là-dedans quelque chose d’ethnique. D’ancestral. De "plus grand que notre vie".
Justement, en parlant d’émotion, les nuages ont bien fait les choses en pleuvant un peu sur la plaine durant le concert. Les costauds et les durs à cuire pourront affirmer que ce ne sont pas des larmes mais des gouttes du ciel qui ont coulé sur leurs joues. Des larmes exaltées quand le rythme s’emballait avec 16 musiciens (dont 5 cuivres et 4 choristes) en communion sur la scène. Des larmes de tristesse quand Bruce Springsteen a relaté être le seul survivant ("The Last Man Standing") des groupes rock éphémères au sein desquels il avait officié durant les sixties.
Chacun des 26 titres de l’impressionnante set-list (2h45 de show) décortique un petit bout de notre humanité pour former un ensemble cohérent et universel balayant toute la carrière du Boss. C’est que, comme les très grands conteurs et saltimbanques de son temps (de Guthrie à Steinbeck, de Dylan à Hemingway, de Nelson à King), l’homme a toujours su énoncer des formules magiques qui racontent les êtres et leurs histoires en mots simples : Des vagabonds comme nous sont nés pour courir… / Mon gars, ça, ce n’est pas de l’huile, c’est du sang ! / Qu’est-ce qui me pousse à descendre vers la rivière alors que je sais qu’elle est asséchée ? Conduire cette voiture, c’est goûter au Paradis sur Terre. / Mon pote, quand je mourrai, balance mon corps sur le siège arrière et conduis-moi au cimetière dans ma Cadillac…
Rocker, leader de big band jazzy, folk-singer, country-man, chef d’orchestre, guitariste et meneur, le Boss va arpenter la scène (d’un pas plus mesuré que par le passé) sans jamais s’accorder de repos, offrant au public (qui se sent alors béni des Dieux) une version de "The River" interprétée pour la seconde fois seulement depuis le début de la tournée.
Après une série de rappels aux airs de Best Of explosif, le final se fait intimiste. Puis, le "futur du rock’n’roll" (évangile selon son manager Jon Landau) abandonne une foule conquise à ses rêves de Monde Nouveau.
Tous les rockers savent que le retour à l’autre réalité (le quotidien) est toujours compliqué dans ces cas-là. Par bonheur, c’est la nuit. Et la nuit appartient à ceux et celles qui aiment…
Set-List
No Surrender
Ghosts
Prove It All Night
The Promised Land
Out in the Street
Candy's Room
Kitty's Back
Nightshift
Mary's Place
The E Street Shuffle
My Hometown
The River
Last Man Standing
Backstreets
Because the Night
She's the One
Wrecking Ball
The Rising
Badlands
Thunder Road
Encore
Born in the U.S.A.
Born to Run
Bobby Jean
Glory Days
Dancing in the Dark
Tenth Avenue Freeze-Out
I'll See You in My Dreams
(1) C’est-à-dire "1, 2, 3 et 4" (qui sont des chiffres arabes, ce qui rend la chronique encore plus cohérente).