Philou, le filou
L’Enfant Du Rock, le Dur à Cuir, autant de qualificatifs que de titres de bouquins sortis par la plus fameuse figure de la critique rock française. Phil Man le Batman/ bad man du journalisme et comme il aime à dire "de la contre culture" hexagonale. Une mémoire épisodique infaillible, une véritable faculté en matière de dates et d’évènements liés, Philippe est une mitraillette à anecdotes. Lui, originaire de la Marne, que rien ne prédestinait au métier et qui baragouinait que trois mois d’anglais, a réussi à côtoyer c’est vrai les plus grands du Rock, a été le confident de bon nombre d’entre eux (Polnareff, Gainsbourg), et a même endossé pour un temps le beau rôle de manageur des Who.
Toutes voiles dehors, c’est à toutes vapeurs que le sexagénère décide de revenir aux sources avec Rock (2018), d’y décrire les siennes (de sources), de présenter ses aïeux et parents puis finalement sa famille rock d’adoption, à savoir à peu près tout le monde. Et il ne s’en cache pas le bougre. Bien sûr qu’on le jalouse cet enfant de la balle d'avoir été là à la bonne époque, dans les bonnes combines et les bons carnets d’adresses. Sa liste d’interviews via Rock and Folk et Métal Hurlant de 1973 à 1984, puis à partir de 90, a de quoi foutre le tournis façon tasses à Disney à n’importe quel rock-fan.
Il décrit dans ce livre (stupéfiant) notamment avec force détails son rôle (déterminant) dans la diffusion (n’y allons pas par quatre chemins: la transmission) du punk en France. Infatué, il ne manque pas de souffle quoi, et c’est la motivation de ce message pas sage. Pauvre hère de son salaire de mis-hère de La Nouvelle Star (1000 boules par jour seulement !). Mais le point CULminant n'est pas là, mais à la page 70. Soit disant défenseur de la gente féminine, il déclare sans se dégonfler que parmi les personnes qu'il a interviewées: "de toutes c’est sans doute Nina Hagen qui m’a le plus fasciné. Un jour de 1979, elle m’a reçu dans sa chambre d’hôtel, couchée dans son lit, vêtue d’un simple soutien-gorge noir. N’étant pas Harvey Weinstein, j’ai mené à bien l’interview comme si cette tenue était la plus naturelle du monde." Ouah, ben chapeau mec, pour ça médaille d’or et tapis rouge !
Pour rester dans l’histoire des nénés, car définitivement c’est le terrain des (lourds) dingues, il dira juste après à propos de Siouxsie Sioux: "Elle a un T-shirt troué au niveau de la poitrine. Des seins pointus sous un imperméable de plastique transparent." C’est marrant parce qu’il parlera plus tard de Johnny et de sa taille impressionnante et de l’élégance de Gainsbourg mais bien moins de leurs attributs masculins. Et au trois quart du livre, la révélation, l’auto définition qui se tire une balle dans le pied finalement, puisque Phil Man déclare: "Jean Marie Bigard m’épate. Il est à l’histoire drôle ce que je suis au rock". Ben voilà une phrase sensée. On pourrait dire aussi qu’il est le Bernard Pivot de la littérature musicale quand on lit le tweet récent de Nanard qui vante l’esthétique des seins (il y a un truc avec ça) de Françoise Arnoul juste après que celle-ci ait avalé son bulletin de naissance.
Le mal du mâle. Le mal d’une époque (de vieux cons mal éduqués). Le malaise quoi, Philou, quand on lit ces lignes écrites par toi, soit-disant le gentil formateur érudit qui conseille les jeunes chanteurs de la feue émission sur M6. Toi progressiste? Avant gardiste? T’as beau avoir ouvert plein de portes niveau rock en France (on ne te remerciera apparemment jamais assez), tu n’as pas ouvert celles qui feront bouger les codes du sexisme, ça c’est sûr. Lunettes noires et cuirasse de barlou pour rincer l’égo de ton museau, oui !