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Critique d'album

Gravenhurst


Flashlight Seasons


(11/03/2003 - Warp - - Genre : Rock)
Produit par

1- Tunnels / 2- Fog Round the Figurehead / 3- I Turn My Face to the Forest Floor / 4- Bluebeard / 5- The Diver / 6- East of the City / 7- Damage / 8- Damage II / 9- The Ice Tree / 10- Hopechapel Hill
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Flashlight Seasons, l'oeuvre presque inaugurale d'un folk moderne, marchant sur les traces de Nick Drake, avec la même désinvolture et un destin presque comparable"
Maxime L, le 20/04/2023
( mots)

Il y a des tweets qui marquent davantage que d’autres. Notamment celui du 02 Octobre 2014, rédigé par le label Warp, et qui annonçait laconiquement la mort de Nick Talbot, à l’âge de 37 ans. Un départ prématuré, inattendu, au lendemain de la sortie de Offerings : Lost Song, une compilation de Gravenhurst, double musical et artistique de Nick Talbot. Car si Nick Talbot n’est pas que Gravenhurst (il y eut “Assembly Communication”, son premier groupe, qui prit fin, déjà, de façon dramatique, suite à la mort d’un des musiciens), Gravenhurst est Nick Talbot. Il en est l’âme créatrice et l’interprète, derrière tous les instruments sur les albums studios.


Son décès il y a quasiment 10 ans fût l’occasion de m’intéresser au reste de sa discographie, moi qui était resté scotché, presque hypnotisé sur le rock urbain, sombre et binaire de “The Velvet Cell” fantastique porte étendard de Fires In Distant Buildings, le génial 3ème album de l’artiste Anglais, et découvert complètement par hasard. Ce Flashlight Seasons n’est pourtant pas le premier essai de Gravenhurst. Internal Travels était sorti presque sous le manteau en 2001, un premier album enregistré sur un magnétophone et hélas introuvable sur les sites de streaming. Et si ce second disque eut un retentissement supérieur, par le simple et unique fait déjà, d’être écoutable facilement, il continue d’y résonner un esprit bricolé de toutes pièces, aussi touchant qu’humble et spontané. On est ici assez loin des guitares un peu saturées de Fires In Distant Buildings ou des accointances futures avec le post-rock de The Western Lands


Flashlight Seasons marche et s’engouffre dans les traces d’un Nick Drake moderne, et si la voix de Talbot semble moins caverneuse que celle de son glorieux prédecesseur, elle véhicule tout autant d’émotions et est empreinte de la même sensibilité, pour ne pas dire de la même timidité un peu maladive. Mais la musique de Gravenhurst tend à dépasser le cadre un peu austère et minimaliste de celle de Nick Drake, en proposant des arrangements allant au delà du simple “guitare acoustique-voix”, quand bien même c’est la sensation ressentie à la première écoute. Preuve en est une fois encore, que certaines oeuvres s‘ouvrent et se découvrent avec un peu de patience et d’attention.


On retrouve sur Flashlight Seasons des compositions belles à pleurer, et qui mettent en valeur des lignes de guitares soyeuses et un finger-picking à la Mark Knopfler, une des références assumées par Nick Talbot. On pense à “I Turn My Face” ou à “Damage” et ses arpèges sautillants remarquables. Mais les écoutes successives mettent en lumière ces petits apports, ces petites trouvailles qui vont aérer des chansons sur le fond assez obscures. Que ce soit quelques refains harmonisés sur une voix en falsetto (sur “Damage II” ou “Tunnels”), l’utilisation sans outrance de l’harmonica ici et là, ou des nappes d’orgues discrètes mais participant au voile sépia entourant délicatement l’ensemble.


L’atmosphère générale donne l’impression de nager en eaux troubles, quelque part au beau milieu d’une campagne anglaise morne et désabusée. Et certaines thématiques abordées nous confortent dans cette idée de mélancolie sourde qui, à tout moment, peut se muer en fuite en avant. Il n’y a qu’à se pencher sur le texte du sublime “The Diver”, pour nous faire pencher la tête la première dans les abymes du folk torturé de Talbot : 


"It's getting darker and I'm still swimming


It hits me again


I'm getting deeper and I'm still swimming


It hits me again


And I am never frightened, no I am never afraid


And you will never understand the lengths I go to light your way


See, left behind on my own


I have the ghosts of autumn murders walk me home "


Une ambiance macabre, qui sied tant au natif de Bristol, lui qui n’hésitera pas à reprendre dès l’EP suivant (le très bon Black Holes In The Sand ), la tristement célèbre “Diane” de Husker Du, chanson narrant la virée meurtrière d’un assassin violeur ; avec un détachement et un filet de voix qui peuvent ne pas laisser indifférent.


Mais tout le disque ne tombe pas dans cette caricature un peu facile de l’artiste-folk-maudit-dépressif. On y trouve, quelques (rares) moments de lumière, qui tiennent certes davantage d’une petite clairière au printemps naissant que d’une vraie chaleur éblouissante, mais on respire, on sourit presque, on espère en tout cas, le temps, par exemple d’un “Fog Around The Figurehead”, aux atours légers et à la guitare cristalline, ou devant le xylophone espiègle (et très néo-folk dans l’esprit, à la limite du caricatural) de “BlueBeard”.


Difficile de dire si Flashlight Seasons est le meilleur album de Gravenhurst. Il peut paraitre le plus homogène, voire presque trop monolithe, là où Fires In Distant Buildings peut s’avérer plus aventureux. Mais il est en tout cas, pour les amateurs de folks songs un peu lasses, une oeuvre à connaitre, autant pour ses qualités intrinsèques, que pour comprendre le parcours de Nick Talbot. Un Nick Talbot conscient de ses limites et de sa place dans l’industrie musicale, et qui déclarait en 2013 à un journal belge* : 


"Si je meurs maintenant, beaucoup de gens s’intéresseront à moi d’ici une dizaine d’années. Mourir est un super moyen de commencer une carrière. Nick Drake aurait dû marcher à son époque mais il n’a pas été bien soutenu. Moi, je n’ai rien de très commercial".


Nous en sommes en 2023, et donc dans les temps, et il n’est de toutes façon jamais trop tard, pour découvrir la musique de Nick Talbot.


 


 


À écouter : "Tunnels", "The Diver", "Damage I"


 


*article disponible ici 

Commentaires
Kerret, le 23/04/2024 à 21:29
J'ai eu la chance de le voir sur scène. Un des plus grand songwriter de sa génération ... car il arrivait à nous passer des images dans sa musique, comme une ambiance, une atmosphère.
Ptilu, le 20/04/2023 à 22:47
Merci de mettre en lumière cet artiste et cet album rare ! Pour info on peu écouter son premier album sur bandcamp: https://mobstar-records.bandcamp.com/album/internal-travels-mobstar-017
Quentin, le 20/04/2023 à 13:45
Très bel hommage à Nick Talbot, dont il est urgent de découvrir la musique !