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Critique d'album

Uriah Heep


Uriah Heep Live


(00/04/1973 - - Hard Rock / Progressif - Genre : Hard / Métal)
Produit par

Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Il avait un faux air de bel homme, qu’il n’était pas, et un faux air d’homme bien élevé, qu’il n’était pas non plus… Charles Dickens"
Daniel, le 05/08/2023
( mots)


Où il est question – dans un grand désordre – de meutes de loups, du Japon et d’un mètre-étalon

Les formidables hurlements polyphoniques des loups ont pour vocation de donner le sentiment que le groupe est plus important que ce qu’il n’est en réalité. C’est une manière d’impressionner les autres meutes et d’éviter des velléités de confrontations territoriales.

Quand on écoute la partie chorale du "Rock’n’Roll Medley" de Uriah Heep Live, on se rend compte à quel point le mimétisme animal-rocker peut être saisissant. Parce que, en 1973, le Heep doit absolument se faire une place dans la grande steppe. Et il le hurle littéralement à la Lune (sur "Hound Dog").

Pensez donc ! En mars 1972, Slade pulvérise toutes les enceintes acoustiques des petites chaînes hi-fi avec son Alive! bourré de testostérone plus que de notes de musique. En décembre de la même année, Deep Purple conçoit un mètre-étalon en publiant le double Made In Japan. Il est avéré que les petits japonais acclamaient avec beaucoup de complaisance tout ce qui transitait par le Pays du soleil levant, mais ce double vinyle marque les esprits et définit les standards de l’exercice live dans le domaine du rock musclé.

Pour mémoire, les pierres angulaires de cet art bruitiste avaient été posées en mai 1970 par The Who (Live At Leeds), en novembre 1970 par Grand Funk Railroad (Live) et en novembre 1971 par Humble Pie (Performance).

Par la suite et avant de tomber dans l’obsolescence (1), le double live deviendra un "procédé". Il représentera une manière commode d’honorer un contrat en publiant un disque aux allures de Best Of (généralement rapide à concevoir et peu coûteux) tout en rappelant aux fans l’existence active de leur groupe préféré. Artistiquement, ce sera aussi un marqueur de fin de cycle qui sera régulièrement suivi d’une perte d’inspiration voire d’une complète débandade.

Où il est question d’un packaging resplendissant mais aussi d’une journaliste suicidaire

Le contraire sera probablement démontré par des historiens plus appliqués que moi, mais je pense que l’entourage d’Uriah Heep a inventé ici le package super deluxe (2) en proposant un écrin qui marie sobriété classieuse, débauche de couleurs et pléthore d’informations. Le choix d’une pochette noire totalement dépouillée a traumatisé Gene Simmons. Kiss s’est largement inspiré du concept pour emballer son premier effort public.

Sous son cartonnage noir, le gatefold dévoile une biographie de chacun des cinq musiciens (rédigée par Geoff Brown du Melody Maker), une discographie anglaise illustrée du groupe et huit pages de photos emblématiques et dédicacées, fixées sur pellicule argentique par l’immense photographe Fin Costello (3).

Chacun des deux vinyles est glissé dans une pochette en papier qui reproduit des coupures de presse. Et c’est là qu’apparaît – pleine page – la très célèbre chronique de Melissa Mills. Oui, cet article qui figure pour l’éternité à la deuxième place du classement des chroniques les plus foireuses jamais publiés dans Rolling Stone. Sa stupide formule "Si ce groupe réussit, je me suicide !" est inscrite à jamais au Panthéon. Gravée dans le marbre.

Où il est question de musique live, parfois figue et parfois raisin

Si Uriah Heep Live ne fait pas tache dans la discographie des Londoniens, ce ne sera pas non plus le tremplin attendu vers les ors et les honneurs. Il serait misérable de passer sous silence les excellents moments que sont "Sunrise", "Easy Livin ‘", "Look At Yourself", "July Morning" ou le merveilleux "Circle Of Hands". Le groupe, piloté par un Ken Hensley très impliqué aux claviers et aux guitares, connait clairement ses classiques et les interprète avec une ferveur communicative.

Mais il est étrange de constater que Salisbury, le deuxième album du groupe, reste totalement absent de la set-list, en ce compris son emblématique "Lady in Black" qui était pourtant interprété chaque soir en concert. De même, retenir l’insipide "Love Machine" et résumer "Magician’s Birthday" aux deux minutes de son chœur central (dit "Orchestre des Orchidées") sont des choix très frustrants. L’énergique "Rock’n’Roll Medley" (qui clôture la face 4) a ses adeptes et ses détracteurs mais il faut bien avouer que de nombreux orchestres de bal de l’époque étaient capables d’en faire quasiment autant.

Il est par conséquent permis de s’interroger rétrospectivement sur certaines options posées par l’entourage d’Uriah Heep. Le son général du double album est très "générique", quasiment dépourvu d’âme. Il est difficile de déterminer s’il s’agit d’un problème de captation ou d’un manque d’audace et d’ambition lors du mixage final en studio. L’ensemble, par moment difficilement "lisible", montre une formation plutôt "appliquée" et ne met finalement en réelle valeur que la voix de David Byron (qui en fait parfois un peu trop), les harmonies vocales uniques du groupe et la basse sophistiquée de Gary Thain (4). Mick Box qui ne sera jamais un guitar-hero est parfois perdu dans le mixage et Lee Kerslake, qui n’en est pas à un pain près n’impose pas son drumming comme sur les albums studio.

Le pire est évidemment la partie "instrumentale et progressive" de l’insupportable "Gypsy" où le brave Ken Hensley nous ressert un interminable passage de claviers en mode Bontempi-démo-bruitiste. En ces temps anciens, ce genre de fantaisie, au même titre que le solo de batterie, était monnaie courante durant les concerts.

C’était le moment idéal pour aller déguster une bière fraîche et courtiser un peu dans les coursives. Des petits moments privilégiés…

Où le rédacteur conclut avec cette nostalgie qui rend le troisième âge tellement exaspérant

Avec son contenant parfois plus excitant que son contenu, Uriah Heep Live a réellement marqué les esprits des petits rockers de 1973. Il est vrai que nous en étions réduits à créer nos propres images mentales de concerts imaginaires en nous inspirant des musiques live gravées dans les sillons.

Et c’était chouette. Très chouette.


(1) Par la magie ou la malédiction des réseaux sociaux, les concerts se retrouvent aujourd’hui sur la toile dix minutes après le dernier rappel. Je profite de l’occasion pour adresser un petit mot d’amour à tous les courageux qui, le téléphone brandi à bout de bras dans une parodie de salut discutable, passent leurs soirées à enregistrer puis publier des kilomètres d’images atterrantes.

(2) Il faut absolument trouver le double vinyle d’origine et éviter les abominables rééditions en CD dont certaines ont amputé la set-list pour que tout tienne sur une seule galette.

(3) Quand on regarde bien les photos de Fin, on voit les musiciens mais on entend aussi leur musique. C'est ce qui différencie cet artiste irlandais d'un simple portraitiste. Il rend les rockers beaux et sonores. Ils ne sont pas nombreux à savoir shooter comme ça.

(4) Les musicologues se demanderont longtemps encore ce qu’un surdoué comme Gary Thain pouvait bien faire dans un groupe de hard-rock. Pendant les trois années qu’il a passées au sein du quintet, le bassiste a défini tous les codes de son instrument pratiqué sans médiator. Gary Thain ne joue jamais sur un temps ou sur un contretemps. Il se promène ailleurs, dans des limbes inaccessibles, aux confins d’un funk alternatif et d’un jazz progressif. Après avoir été électrocuté en concert et viré par le management du Heep, Gary Thain va connaître une convalescence difficile puis une rapide descente aux enfers qui le conduira à rejoindre le Club des 27 en 1975. Je ne pense pas qu’un musicien pareil puisse jamais reposer en paix…


 

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