The Jam
Snap!
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1- In the City / 2- Away From the Numbers / 3- All Around the World / 4- This Is the Modern World / 5- News of the World / 6- Billy Hunt / 7- English Rose / 8- Mr. Clean / 9- David Watts / 10- A' Bomb in Wardour Street / 11- Down in the Tube Station at Midnight / 12- Strange Town / 13- The Butterfly Collector / 14- When You're Young / 15- Smither-Jones / 16- Thick As Thieves / 1- The Eton Rifles / 2- Going Underground / 3- Dreams of Children / 4- That's Entertainment / 5- Start! / 6- Man in the Corner Shop / 7- Funeral Pyre / 8- Absolute Beginners / 9- Tales From the Riverbank / 10- Town Called Malice / 11- Precious / 12- The Bitterest Pill (I Ever Had to Swallow) / 13- Beat Surrender
Avant de s'attaquer à la chronique de cette compilation de The Jam parue peu après leur séparation, il est bon de dire que le groupe apparaît en 1977 en pleine tornade punk londonienne. Mais si les tempos rapides des morceaux rapprochent le trio de cette mouvance, les membres de The Jam revendiquent l'héritage du rock des années 60, The Who et The Small Faces en tête. C'est bien là ce qui permet aux Jam d'être encore écoutables en 2011. Alors que la plupart des groupes punk ont érigé l'amateurisme et la médiocrité musicale en absolu, l'évolution des Jam est comparable à celle des Clash : après deux premiers albums punk mal dégrossis et parfois bâclés, ils exhibent dès leur troisième effort studio des influences et une maturité musicale totalement inattendues. Finalement les seuls groupes et artistes de la “cuvée 1977” capables de durer furent ceux qui étaient à même de dépasser le punk. Et là ils se comptent sur les doigts d'une main : The Clash qui avec London Calling assument leur filiation avec le rock'n'roll des années 50, le ska et le reggae ; John Lydon qui après avoir quitté les Sex Pistols s'en va fonder Public Image Limited et plonge dans le dub, le krautrock et le disco déviant ; et enfin The Jam.
La compilation Snap! permet de bien cerner la trajectoire du groupe. Les premiers morceaux du premier disque, s'ils dénotent une certaine capacité à torcher des riffs accrocheurs (“In the City”), sont encore très primaires dans la construction et les paroles slogans. Mais dès “Mr. Clean” la donne change. A la sortie de All Mod Cons, troisième album des Jam dont est extrait le morceau, Paul Weller (guitariste, chanteur, compositeur et parolier) a découvert The Kinks et l'écriture de leur leader Ray Davies empreinte d'une certaine affection pour une vision idéalisée de l'Angleterre. En découlent des morceaux tels que “Down In the Tube Station at Midnight” (sans doute le chef-d'œuvre de cette période) où Weller montre une maîtrise comparable à celle de Davies dans l'art de raconter des histoires truffées de détails délicieusement anglais (“I've a little money and a take away curry”). Il en profite pour régler ses comptes avec la scène punk dans “'A' Bomb in Wardour Street” : “I don't know what I'm doing here 'cause it's not my scene at all”. Sur le deuxième disque de Snap! tout explose. Finis les morceaux mineurs, c'est festival pour tout le monde. “Dreams of Children” et sa mélodie tuante. “Funeral Pyre” quasiment post-punk tant il repose sur l'axe basse/batterie. Et puis ces derniers titres, quand Weller se prend de passion pour la soul et le funk. Il faut ici dire un mot des capacités assez impressionnantes des musiciens. Car les Jam savent jouer, contrairement à un certain nombre de leurs contemporains. Le bassiste Bruce Foxton développe un jeu en parfaite complétude avec les riffs de guitare acérés de Weller (voir la ligne de basse jouissive de “Thick As Thieves”). Rick Buckler le batteur repousse ses limites sur les morceaux funk/soul, montrant ici sa polyvalence (“Start!”, “Town Called Malice”) en leur imprimant un groove parfait. Quant à la voix de Paul Weller, elle est impériale. D'un ton hautain et agressif (“The Eton Rifles”) elle passe à la mélancolie encadrée par une instrumentation cuivrée et enjouée (“Absolute Beginners”).
Bien sûr, les reproches existent. Il y a là des morceaux mineurs, datés (“The Butterfly Collector”, “English Rose” qui constitue sans aucun doute la matrice de toutes les balades composées par Peter Doherty... 25 ans plus tard). L'impardonnable est commis en incluant une version démo de “That's Entertainment” là il aurait fallu graver l'originale. Où est passée la basse ? La batterie minimale ? Les chœurs lointains et fantomatiques ? Les bandes inversées qui parachèvent l'œuvre ? Si l'approche peut sembler ardue, il faut savoir prendre son temps. Passer outre l'enchaînement des morceaux punk de départ (assez répétitif et indigeste, il faut bien l'avouer) pour parvenir aux rivages funky de “Beat Surrender”. Cette compilation demeure, 30 ans après sa parution, le meilleur moyen d'aborder le groupe et sa classe indémodable.